Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.
(Charles Baudelaire, Harmonie du soir, in Les fleurs du mal, Poulet-Malassis et De Broise, 1857)
Retour à Orly
J’avoue que mon voyage en Pologne a été magnifique, et ponctué par un coucher de soleil baudelairien à mon arrivée en France à Orly dans la soirée, pendant que j’attendais le bus qui devait me ramener à Bordeaux. J’ai immédiatement pensé au poème de Baudelaire Harmonie du soir, et au vers ci-dessus. Nous avions lu ce poème en classe de seconde avec notre excellent professeur de français, M. Dubois, qui a su donner le goût de la littérature et de la lecture à plus d’un lycéen. Avec lui, la poésie avait droit de cité, il a permis à quelques-uns d’entre nous d'échapper à la sacro-sainte récitation, à laquelle elle était cantonnée depuis l’école primaire. Certes, je reconnais l’intérêt de cet exercice, mais la poésie, c’est aussi autre chose. C’est accepter en soi l’âme d’un écrivain, accepter qu’elle nous touche et nous fasse frémir, accepter de ne plus être seul dans la vie : quand un poète nous plaît, on a enfin trouvé une âme fraternelle, un esprit qui nous parle par-delà les âges et les lieux et qui nous accompagne chaque jour.
de gauche à droite, Paweł, Kinga et Ola
Or, un voyage comme celui que je viens de faire, c’est comme un poème dans un océan de prose ; des amis m’attendaient fraternellement, de tout âge : Marcin et Grażyna 1 sont jeunes retraités sexagénaires, leur fils Michał et leur belle-fille Ola sont dans la trentaine, et leurs trois enfants, Kinga 2, Paweł 3 et Feliks ont de 9 ans à 6 mois. J’ai commencé par Cracovie ou vivent les grands-parents, puis j’ai vu Gdynia et sa région où habitent les jeunes et j’ai fini en beauté à mon lieu d’arrivée.
Grażyna et Marcin
Pendant le voyage, j’ai rencontré des jeunes et fraternisé aussi avec eux, dont le jeune Italien Adriano, actuellement bénévole chez les Apprentis d’Auteuil et le jeune Breton Killian, en partance pour la Thaïlande. Ces rencontres impromptues dans les bus, les trains ou les aéroports me procurent toujours une joie sans mélange. Il est rare qu’on se revoie, mais il y a une douceur et une fraîcheur qui me ravissent à chaque fois, et je me demande pourquoi les gens se parlent si peu, tant chacun, s’il se laisse aller et si on accepte le dialogue, devient un ami en puissance. Après tout, c’est bien ainsi qu’a commencé cette amitié vieille de cinquante ans avec mes Polonais.
devant le bateau-pirate, avec Michał (photo Marcin)
Qu’ai-je vu en Pologne ? Bien des choses : des statues d’artistes de cirques suspendues sur un pont de Cracovie ; des sangliers et marcassins en ville sur les pelouses qui jouxtent l’appartement de Gdynia et qui y fourrent leurs groins au vu et au sus de tout le monde, sans qu’ils soient chassés, c’est pas de l’écologie, ça ? Des pistes cyclables partout, grâce à l’Union européenne, et des myriades de cyclistes de tout âge dessus ; des musées traditionnels ou interactifs ; des églises très belles et encore en activité, bien que la pratique diminue, d’après Marcin ; des bateaux à Gdynia, dont un faux vaisseau de pirates en bois et un voilier-école ; la station balnéaire de Sopot, entre Gdynia et Gdansk, avec sa célèbre maison tordue ; la maison en bord de mer du grand poète Juliusz Słowacki, qui mourut en exil à Paris en 1849 ; une rencontre de jeunes lycéens de Carcassonne avec un ancien de Solidarność, où Marcin officiait comme interprète...
la maison biscornue de Sopot
À suivre...
de la fenêtre de l'appartement de Michał et Ola, le ballet des sangliers
1 Sans équivalent en français, prénom féminin dérivé du mot lituanien graži (belle).
2 Cunégonde en français.
3 Paul en français.
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