Elle n’était pas comme les autres. Mais était-il lui-même comme les autres ? Chacun ne se considère-t-il pas comme différent et ne l’est-il pas en réalité ?
(Georges Simenon, Les anneaux de Bicêtre, Presses de la Cité, 1963)
J’ai renoué jeudi soir avec les retransmissions filmées d’opéras représentés dans des salles : ici, c’était Hamlet, d’après Shakespeare, opéra français d’Ambroise Thomas (1868), plutôt oublié depuis un siècle, malgré le grand succès qu’il remporta à la fin du XIXème siècle, et jusqu’à la Première Guerre mondiale. Bien qu’ayant un DVD de cet opéra, je ne l’avais jamais visionné et jamais eu en cd audio, donc j’étais novice. Je l’ai littéralement découvert ici.
Mais, par contre, je connais presque par cœur la pièce de Shakespeare, que j’ai lu sept fois dans son intégralité dont une fois en anglais (! dans une édition bilingue, il est vrai, et dès qu’il y avait un passage que j’avais du mal à comprendre, je me reportais vers la traduction !). Ça a toujours été ma pièce préférée, mon personnage préféré. Et dès l’internat du lycée, j’avais vu à quinze ans le film éponyme de Laurence Olivier (1948), dans un noir et blanc magnifique et qui fait partie des vingt films que je regarde dès que j’en ai l’occasion et que j’ai toujours en dvd. Puis j’ai vu en salle plusieurs autres versions des adaptations cinéma : le film russe de Gregory Kozintsev, également en noir et blanc (1964) quand j’étais étudiant, celui de Zeffirelli (1990), de loin le plus médiocre, et l’excellente version de Kenneth Branagh (1996).
Donc j’avais tout à craindre d’un opéra ! De plus, l’opéra ne s’est plus joué pendant une soixantaine d’années entre 1920 et 1980, ce qui n’était pas un bon signe. Eh bien, j’ai été heureusement surpris. Certes,le livret est loin de refléter l’ensemble de la pièce, l’action est resserrée, de nombreux personnages ont disparu, tout est recentré autour de Hamlet et d’Ophélie. Je ne suis pas sûr qu’un ignorant de Shakespeare comprendrait bien ce qui se passe. Mais j’ai passé un bon moment. Les chanteurs étaient bons, la mise en scène assez surprenante (ça se passait plus ou moins dans un hôpital psychiatrique), la musique ne sentait pas trop la naphtaline : un opéra Second Empire du style Grand opéra, avec même le ballet traditionnel. Cependant, on comprenait aussi l’oubli dans lequel avait sombré l’œuvre : absence d’airs entraînants ou faciles à retenir, affadissement de l’intrigue par rapport à l’original.
C’est néanmoins une réussite dans le genre et un rôle en or pour le baryton qui joue et chante le personnage éponyme, ici Ludovic Tézier, qui transcende l’écran, et pour la soprano qui chante Ophélie et son air de la folie au quatrième acte. Nous étions quatre spectateurs seulement pour cette séance d’opéra filmé à l'Opéra Bastille de Paris !!!
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