samedi 18 mars 2023

18 mars 2023 : sommes-nous toujours des Pingouins ?

 

Quant au gouvernement, il montrait cette faiblesse, cette indécision, cette mollesse, cette incurie ordinaire à tous les gouvernements, et dont aucun n’est jamais sorti que pour se jeter dans l’arbitraire et la violence.

(Anatole France, L’Île des Pingouins, Théolib, 2014)



Je me demandais d’où venait l’expression très usitée dans l’internat de me jeunesse : "c’est un drôle de pingouin, celui-là", pour désigner ceux qui faisaient trop de bêtises. Eh bien, je pense que ça vient du fameux roman d’Anatole France, que j’avais failli lire quand j’étais lycéen, car on le trouvait dans la bibliothèque de l’internat. Je crois que j’ai bien fait de passer à côté, car je me serais sans doute bien ennuyé, par manque de références et de culture. Mais maintenant que j’ai lu son magnifique roman en quatre épisodes L’histoire contemporaine, où il narre les aventures d’un petit-bourgeois au temps de l’affaire Dreyfus, et profitant d’une réédition récente, je me suis plongé dans ce bain littéraire du début du XXème siècle.

Et pourtant, L’Île des Pingouins d’Anatole France, publié pour la première fois en octobre 1908, curieux mélange de satire et de roman historique, a de quoi plaire et intéresser. Récit incroyable, L’Île des Pingouins nous donne l’occasion de revisiter l’histoire et utilise la parodie pour ce faire. Car derrière les Pingouins, il y a les Français et leur histoire représentée de façon originale (mais qui peut parfois lasser un lecteur moderne). Ce conte philosophique, satirique, cette sotie au style voltairien, parfois pamphlétaire, est un régal de lecture aujourd’hui encore

Dans L’Île des Pingouins, tout ce qui est raconté, toutes les péripéties, depuis l’origine légendaire de la conversion des Pingouins par Saint-Maël, jusqu’à l’époque contemporaine avec son scandale qui évoque l’affaire Dreyfus, nous ramènent constamment, en filigrane, à l’histoire de France. Mais sous forme grotesque, avec cependant une critique constante des puissants en général, et du pouvoir excessif du clergé en particulier. Une critique aussi du roman national tel que l’historiographie républicaine et les manuels scolaires de la IIIème République le mettaient en place. L’Île des pingouins, comme un livre d’histoire, se divise en chapitres chronologiques : "Les origines", "Les temps anciens", "Le Moyen-Âge et la Renaissance", "Les temps modernes", divisé en quatre chapitres, "Les temps futurs". La périodisation s’achemine jusqu’au temps présent, et même anticipe sur l’avenir.

L’auteur montre comment la religion sous-tend le pouvoir politique pour opprimer et maintenir leur emprise économique et morale. Et la fin montre la Pingouinie en train de devenir une fourmilière inhumaine où les individualités ne peuvent plus rien. C’est d’un pessimisme assez noir qui contraste avec l’optimisme de Zola peu de temps auparavant dans ses inachevés Quatre Évangiles.

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