mercredi 29 mars 2023

29 mars 2023 : "Le bleu du caftan", film marocain

Je pense à l’égalité, à la fraternité, à tous ces trucs qu’on apprend à l’école et qui n’existent pas.

(Delphine de Vigan, Les gratitudes, J.C. Lattès, 2019)



Je continue, bien sûr, d’aller au cinéma. Le dernier film que j’ai vu est marocain, ce qui est assez rare en France. Mais depuis mes participations au Festival de Marrakech, j’apprécie ce cinéma qui, mine de rien, pointe du doigt la dignité et l’humanité du peuple, malgré les difficultés.

Le bleu du caftan, de Maryam Touzani, ne déroge pas à la règle. Les héros sont un couple qui tient une boutique qui vend des caftans, vêtements très brodés, longs, à manches longues, sans col ni capuche, porté exclusivement par les femmes au Maroc, souvent pour des fêtes. Halim a hérité de son père la boutique et sans doute le savoir-faire du maalem (maître-artisan) brodeur. Mais la concurrence est vive avec les caftans industriels, brodés à la machine. Halim a besoin d’un apprenti qu’il forme à ce travail traditionnel : il a du mal à en trouver. Il vient de prendre Youssef, un jeune homme timide et qui a l’air de vouloir apprendre.

Halim lui-même est un homme taiseux, discret : comme il dit à Youssef, « ma mère est morte en me mettant au monde, mon père me méprisait, Mina m’a sauvé ! » Mina est sa femme (jouée par Lubna Azabal, déjà vue dans Viva laldjérie en 2012 à Tanger, La marche, Sofia, Prendre le large), qui tient le magasin et s’occupe des ventes pour une clientèle difficile. C’est que Halim est un artisan, il travaille du matin au soir et recherche la perfection : il met donc du temps ! Le couple vit tranquillement. Mais on sent que quelque chose ne va pas, Mina est malade et peu à peu ne peut plus travailler. Halim redouble d’attentions pour s’occuper d’elle et ferme la boutique qu’il finit par confier à Youssef, pour qui il a un tendre sentiment. Sans doute voit-il en lui le jeune homme qu’il était.

Mina s’inquiète de l’avenir : « Je n’ai jamais connu d’homme plus pur que toi ! Ni plus noble ! » Et quand elle approche de la fin, elle lui confie : « N’aie pas peur d’aimer », en laissant entendre qu’elle a bien senti ou deviné l’attirance de son mari pour Youssef. C’est un film d’une grande pudeur, d’une grande subtilité, qui traite avec finesse des zones d’ombre des sentiments. Halim avoue à Youssef que c’est elle qui l’a demandé en mariage. On la voit au cours du film prendre l’initiative d’un rapport intime. Et on voit aussi Halim aller de temps en temps au hammam pour satisfaire ses autres penchants pulsionnels. La dernière scène est bouleversante, je n’en dirai pas davantage. Ce film lent, tout en délicatesse, montre l’amour profond qui unit deux êtres très différents. Je l’ai trouvé bouleversant.

 

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