Le gouvernement n'a plus d'abattoirs à Paris, comme en 1871, mais il les a à Madagascar et au Tonkin.
(Louise Michel, à son retour du bagne)
Finalement, à défaut de commémorer comme il se devait le cent-cinquantième anniversaire de la Commune de Paris de 1871, notre région aura sauvé l’honneur, grâce au Festival du Film d’histoire de Pessac qui, en choisissant comme thème cette année le dix-neuvième siècle, nous aura au moins permis de voir deux films consacrés à la Commune de Paris.
Deux films donc, l’un est un extraordinaire film d’animation, paru sur Arte, mais que j’avais raté lors de son passage à la télé, ce que je ne regrette pas, car sur grand écran, il est extraordinaire ! D’après son roman graphique en trois volumes (éditions Delcourt, 2017-2019), Raphaël Meyssan nous plonge avec Les Damnés de la Commune dans la révolte parisienne de 1871, en utilisant les mots et les gravures de l’époque. Donc du noir et blanc et des voix off qui racontent cette épopée trop peu vue au cinéma. On découvre la Commune à travers une femme, Victorine Brochet, qui s’engage corps et âme dans la révolution et dont les Souvenirs d’une morte vivante (Maspero, 1971) ont servi de base au roman graphique et au film. Les principaux événements de cette courte révolution sont relatés avec authenticité : la fraternisation du 18 mars 1871, la proclamation de la Commune sur le parvis de l’Hôtel de Ville le 28 mars suivant, les élections qui ont suivi, le rôle des femmes indignées par le gouvernement versaillais qui bombarde Paris. On les voit organiser des cuisines roulantes et des soupes populaires pour les indigents, approuver les mesures du comité exécutif communard : remise des loyers impayés par exemple. Puis, c’est la reconquête de Paris par les Versaillais et la Semaine sanglante.
Les gravures d’époque sont légèrement animées grâce à des effets optiques, on voit des oiseaux voler, la neige tomber, les obus exploser, les flammes des incendies... C’est un formidable rendez-vous avec l’histoire de la Commune de Paris, si peu montrée au cinéma. J’en suis sorti revigoré.
L’autre film est aussi un téléfilm. Il est consacré aux années calédoniennes de Louise Michel, emblème de la Commune : Louise Michel, la rebelle, de Sólveig Anspach (2010), que j’ai raté aussi lors de ses quelques passages télé. Louise Michel fut déportée en Nouvelle-Calédonie en 1873. L’institutrice rebelle (elle refusa de prêter serment à Napoléon III, demanda à être fusillée par le tribunal qui la condamnait) développa au bagne son refus de toute injustice, son féminisme intransigeant, un anticolonialisme instinctif, un mépris des puissants, et y est devenue anarchiste. Se penser en égal de l’homme est tout une part viscérale de Louise Michel, développée ici par Sólveig Anspach. Elle refuse de subir un sort autre que celui des hommes, veut vivre sa déportation sur le même lieu et affronter les péripéties de l’exil en leur compagnie, ensemble, comme ils ont combattu sur les barricades. Louise Michel (Sylvie Testud, ardente et lumineuse) refuse plus de confort dans sa détention, soi-disant parce qu’elle est femme, plus fragile ou inférieure. Elle tisse des liens d’amitié aussi bien avec des femmes (Nathalie Lemel) qu’avec des hommes (Charles Malato, Henri Rochefort, et même les chefs canaques !). Elle a une volonté de rester debout.
Elle porte la robe noire du deuil de la Commune, mais aussi de son grand amour, Théophile Ferré, fusillé ; elle correspond avec des sociétés savantes, avec Victor Hugo ou Georges Clémenceau. Elle cherche le contact avec la population autochtone ; elle a confiance, malgré les différences de langues et de culture, cherche à partager, s’intéressant aux chansons canaques et, quand en 1878, les ceux-ci entrent en révolte contre les colons, ne supportant pas entre autres de voir leurs femmes et leurs terres volées, leurs champs d’ignames détruits, Louise Michel prend leur parti, presque seule parmi les Communards. Comme si elle seule avait saisi le message de la Commune de Paris. Chapeau, Louise...
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