samedi 20 novembre 2021

20 novembre 2021 : Migrants, le combat continue !


Ces anonymes, nous les désignons par un nom collectif : S.D.F., exclus, épaves, asociaux. Peut-être jadis ont-ils été des humains. Eux non plus ne se souviennent pas de ce temps-là.

(Jean-Bertrand Pontalis, En marge des nuits, Gallimard, 2010)


Parmi ces anonymes et ces exclus dont nous parle Pontalis, se trouvent aussi des migrants, en particulier ceux qui sont autour de Calais et qui en butte aux – et c’est un euphémisme – tracasseries policières et à la répression indigne de notre tradition d’hospitalité. Il est vrai que, sous un prétexte fallacieux, la répression étatique s’abat aussi sur ceux qui n’ont pas le passe sanitaire, désormais nombreux à être exclus eux aussi du travail (il n’y a sans doute pas assez de chômeurs et de miséreux), en attendant de l’être de l’école, des soins et d’être acculés à devenir de nouveaux mendiants... Il est vrai aussi que, pour l’instant, on ne les parque pas encore derrière des barbelés électrifiés et des murs, on réserve ça aux frontières de l’Europe. Et on voudrait qu’on soit pour cette Europe-là...

En attendant, certains sauvent notre honneur. En particulier ceux qui se sont mis en grève de la faim dans l’Église Saint-Pierre de Calais, en soutien aux migrants de Calais. Voici leur texte qui met fin à cette grève. On remarquera la dignité de ce beau texte. Mais que faire contre la machine d’état qui ignore la bienveillance et broie tout sur son passage ?



(Calais le 17 novembre 2021)


Nous mettons aujourd’hui un terme à notre grève de la faim débutée le 11 octobre dernier en compagnie de Philippe Demeestère après 37 jours passés dans l’église Saint-Pierre à Calais.

L’écho médiatique donné à notre mouvement, la mobilisation solidaire d’un grand nombre de personnes qui nous ont soutenu, ont permis de mettre au grand jour la maltraitance par l’État des personnes exilées à la frontière franco-britannique. Une prise de conscience s’est faite.

Nous sommes fiers de constater que notre grève de la faim a permis ce grand coup de projecteur sur les traitements humiliants et dégradants infligés dans le Calaisis ! Nul, désormais, ne pourra ignorer cette réalité.

Dans un courrier que nous a adressé samedi 13 novembre au soir « à la demande du président de la République », le directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, celui-ci s’engage par écrit sur les points suivants : 

1- Le pouvoir exécutif prend l’engagement « qu’avant chaque évacuation un délai soit laissé aux personnes afin qu’elles puissent récupérer ce qui leur appartient »

2- Il accepte de mettre en place une instance de dialogue où toutes les associations, et des représentants des personnes exilées seront représentées. 

3- Enfin, il s’engage à faire fonctionner le « sas » de mise à l’abri, en indiquant qu’il ne s’agit que d’« une étape vers un hébergement pérenne et sans condition ».

En conclusion de ce courrier, le directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur précise « votre engagement extrême est le reflet d’une sincérité qui mérite considération car elle nous rappelle la nécessité de ne jamais perdre de vue la situation des personnes et l’intérêt public ».

Ces engagements sont loin de ce que nous demandions. Néanmoins nous serons attentifs à ce qu’ils soient effectivement mis en place.

Nous restons en colère car l’État ne s’engage pas encore sur un moratoire des expulsions pendant la trêve hivernale, en particulier les expulsions sous la forme d’« opérations d’évacuation en flagrance » qui constituent le cadre des maltraitances quotidiennes, condamnées par tous les observateurs. 

Nous continuons à recevoir quotidiennement des messages de personnes exilées nous témoignant des difficultés à subvenir à leurs besoins les plus fondamentaux que sont boire, manger, se laver, se réchauffer, ici, à Calais, en France.

Nous rappelons avec tristesse que notre grève de la faim avait été motivée entre autre par le décès du jeune Yasser le 28 septembre dernier. Durant ces 37 jours de privation de nourriture, 4 autres personnes au moins ont perdu la vie sur la frontière franco-britannique, 6 sont portées disparues et une autre est hospitalisée dans un état très critique.

Nous mettons cependant un terme à notre grève de la faim : les quelques maigres avancées obtenues manifestent qu’il est possible de faire bouger les lignes même si le respect effectif de la dignité des personnes est encore loin.

Ensemble, citoyens, associations, parlementaires, personnalités de tous horizons, mobilisons-nous encore plus fortement pour que ces mesures s’élargissent et permettent que le sort réservé aux personnes exilées soient enfin respectueux de l’attention et de la dignité dues à tout être humain. Afin de continuer la lutte et de crier haut et fort que nous ne sommes pas d’accord, une manifestation pacifique se tiendra dimanche 21 novembre 2021 dans les rues de Paris au départ de la Rotonde de Stalingrad à 15h.

Nous remercions du fond du cœur les dizaines de milliers de personnes, les centaines d’associations, les parlementaires, les personnalités qui ont agi pour que nos revendications aient un écho maximal auprès du Président de la République et des autorités compétentes. Nous remercions les journalistes et les médias qui ont couvert avec sérieux et assiduité l’actualité de notre action. Merci enfin à l’équipe médicale qui nous a suivi quotidiennement et à l’équipe de l’église Saint-Pierre qui nous a accueillis.


Le combat continue. 

Stop à la maltraitance des personnes exilées à Calais, et partout ailleurs !  



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