mardi 9 novembre 2021

9 novembre 2021 : parole d'évangile

 

En Occident, vous êtes davantage confrontés à la pauvreté spirituelle qu’aux pauvres au sens matériel du terme. Je ne trouve pas difficile de donner une assiette de riz à un affamé, de procurer un lit à qui ne possède même pas une paillasse mais consoler et abolir ce genre d’amertume, faire cesser cette colère, mettre un terme à cette solitude demande beaucoup plus de temps.

(Mère Teresa)


Voilà un moment que je me prends à penser que dans notre monde occidental difficile, malgré ou à cause des progrès techniques (qui d’ailleurs ne profitent qu’à des privilégiés), tout le monde est livré à une solitude de plus en plus terrible, dont on ne sort pas facilement. Et ça concerne toutes les générations : les enfants dont on ne s’occupe plus vraiment, à qui on ne parle plus, avec qui on ne joue plus, et à l’autre bout de l’éventail, les vieux qu’on abandonne à leur sort, parfois triste quand amis, enfants et petits enfants ne viennent plus les voir dans le confinement des mouroirs modernes. Ne parlons pas des malades, des handicapés, des marginaux, des SDF et des migrants. Nous avons oublié qu’il est plus facile de tomber que de se relever, qu’un accident de la vie peut toujours nous faire passer dans chacune de ces catégories, et que là, la chute peut être brutale.

En retrouvant "mon" sdf, après plusieurs mois où je me suis demandé s’il n’avait pas réussi le suicide dont il m’avait parlé (se jeter sous un tram), j’ai revu cet homme brisé d’une soixantaine d’années qui a sombré après le départ de sa femme, suivi de la perte de son emploi puis de sa maison, et qui, contre vents et marées, s’efforce quand même de garder une tenue décente, de répondre quand on lui parle, d’accepter qu’on lui sourie, et de "réussir" dans son nouvel état de mendiant de retrouver un semblant de dignité quand la mairie lui propose un remplacement d’éboueur en juin-juillet, ou simplement quand quelqu’un lui offre le moyen de passer une nuit ailleurs qu’à la belle étoile.

C’est là qu’on voit qu’on ne choisit pas sa vie, et que quand on tente de la choisir (cas des migrants qui quittent leur pays pour un mieux espéré), on est brutalisé, torturé, refusé dans le meilleur des cas, noyé, violé, brûlé vif, vendu comme esclave dans des cas plus tragiques. Nous avons oublié que nous sommes tous des descendants de migrants, de ceux qui ont forgé toutes les nations en acceptant de se mêler aux autochtones ou prétendus tels. Nous avons beaucoup gagné à ces mélanges, nous ne sommes pas des « imbéciles heureux qui sont nés quelque part », mais des individus libres, capables d’offrir un accueil bienveillant, fraternel, amical, le même que nous recevons quand nous allons à l’étranger, quand nous rencontrons des inconnus, quand nous acceptons de visiter des vieillards, de nous frotter à des jeunes si différents de nous, de créer un lien quelque part, un jour.

Je tremble de nous voir enfermé dans nos certitudes, de voir les façons de vivre des autres être critiquées (pourtant Jésus ne nous a-t-il pas averti : "Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : “Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère" (évangile de Luc, 6, 41-42), de voir livrer au consumérisme le plus effréné les enfants dès le plus jeune âge, de voir aussi notre santé laissée entre les mains des marchands…

Heureusement il reste toujours la lecture : je viens de finir le Rousseau de Daniel Mornet qui m’a donné envie de relire La Nouvelle Héloïse et Les confessions, j’achève Mississippi solo, le récit d’une descente en canoë du grand fleuve des USA par l’écrivain américain Eddy Harris (que j’avais rencontré lors d’une belle animation à la prison de Poitiers) et je me suis lancé dans une belle évocation romancée du dernier amour de George Sand, celui qu'elle partagea avec le graveur Alexandre Manceau, de quinze ans plus jeune qu'elle. Et puis bien sûr, le cinéma m'a offert encore quelques pépites : par exemple les films d’animation La traversée et Le sommet des dieux, ou les films très contemporains sur la naissance de l’amour-sentiment, Compartiment n° 6 et Les Olympiades, que je vous recommande.

Et voici que le grand mani-tou-pulateur donne de la voix à la radio et à la télévision. Je me passerai de son message, on va encore l’éplucher, le commenter dans les jours qui viennent. Pour certains, ce sera parole d’évangile (mais j’aime autant lire l’évangile de Luc déjà cité), pour d’autres ce sera pure démagogie, enfin les derniers critiqueront comme ils ont fait dans le passé. Je me garderai bien d’en dire deux mots pour ne pas me fâcher définitivement avec certains membres de ma famille ou amis, comme en juillet et août dernier, à propos de l'obligation du passe sanitaire.

À plus, les amis.

 

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