1er juin 2021 : le poème du mois, Marceline Delborde- Valmore

 

si rien n’est plus odieux que l’humiliation et l’avilissement de l’homme par l’homme, rien n’est si si beau ni si doux que l’amitié.

(Simone Weil, Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, Payot, 2020)

 

Je ne trouve pas de plus bel exergue au poème du mois que cette phrase de Simone Weil, la philosophe, datant de 1934, dans son livre heureusement réédité récemment chez Payot. Dans une époque où nous sommes en train de distendre nos liens sociaux, par suite d’une gestion assez désastreuse de la pandémie, ouvrons-nous à l’amitié et à l’amour (qui en est une figure) : entre jeunes et vieux, entre hommes et femmes, entre nationaux et étrangers, dans toute notre diversité de peuples, de "races", de cultures et de civilisations. 

Et relisons Marceline Desbordes-Valmore, une de nos poètes romantiques, qui mérite une visite :

 

Qu'en avez-vous fait ?

Vous aviez mon cœur
Moi, j'avais la vôtre :
Un cœur pour un cœur,
Bonheur pour bonheur !

Le vôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre;
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu !

La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L'encens, la couleur,

Qu'en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu'en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?

Comme un pauvre enfant
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant
Que rien ne défend,

Vous me laissez là
Dans ma vie amère,
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !

Savez-vous qu'un jour
L'homme est seul au monde ?
Savez-vous qu'un jour
Il revoit l'Amour ?

Vous appellerez,
Sans qu'on vous réponde
Vous appellerez,
Et vous songerez !…

Vous viendrez rêvant
Sonner à ma porte,
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant,

Et l'on vous dira :
« Personne !… elle est morte. »
On vous le dira,
Mais, qui vous plaindra ?

Marceline Desbordes-Valmore
Élégies, 1825.

 

à écouter mis en musique ( pas trouve 

le nom de l'interprète) :

https://www.youtube.com/watch?v=zJK9pJp_AyE