Apprendre, par-dessus tout, à se méfier de la mémoire. Ce que nous croyons évoquer est tout à fait étranger et différent de ce qui nous est vraiment arrivé.
(Alvaro Mutis, La neige de l’amiral, trad. Annie Morvan, S. Messinger, 1989)
J’avoue qu’après mes lectures de Chmeliov et de Mauvignier, j’avais besoin d’une lecture rafraîchissante, sans conséquence, je ne peux pas toujours lire des romans sombres ou tragiques ou de la littérature patrimoniale. J’avais déjà lu il y a quelques années un roman épatant, La reine des lectrices, d’Alan Bennett, dont l’héroïne était Sa Majesté Élisabeth II, reine d'Angleterre. La voici désormais promue reine des détectives, dans Bal tragique à Windsor, qui s’annonce comme le premier roman d’une série intitulée Sa Majesté mène l’enquête, écrit par une Bennett aussi, dont les prénoms ne sont que des initiales : S.J. Je suis allé voir dans la catalogue de la British library, et les prénoms ne sont pas davantage explicités.
On y voit la reine, qui a bientôt 90 ans, donc en 2016, enquêter sur un crime commis dans son château de Windsor : un jeune pianiste russe, Maksim Brodski, qui avait animé une soirée dansante par ses talents de danseur (et même dansé avec la reine), est retrouvé le lendemain matin nu et mort, pendu dans l’armoire de sa chambre. Suicide ou assassinat maquillé en suicide ? La reine ne croit pas une seconde aux allégations de la police qui pense - ce Brodski publiant un blog très critique - que c’est un meurtre téléguidé par Poutine, à l'aide d'un agent double "dormant" figurant parmi les domestiques royaux.
Elle va peu à peu guider l’enquête avec subtilité, tout en restant en retrait, avec l’aide de Rozie, sa secrétaire particulière d’origine nigériane, perchée sur de hauts talons. Il s’agit d’éviter un scandale dont s’empareraient les tabloïds londoniens. Entre toutes ses activités de souveraine (accueil de chefs d'état, conseil privé, réceptions et cérémonies, organisation de manifestations hippiques, etc.) et son emploi du temps contrôlé et minuté, elle prend plaisir à glaner des renseignements, à s’imprégner de l’atmosphère, à s’enquérir des mobiles et des alibis éventuels, et finit par se faire expliquer in fine par le chef du M15 les méandres de la résolution de l’intrigue, dont elle a tiré les ficelles en coulisses. On apprend beaucoup sur son quotidien, son amour du cheval et des chiens, et son respect des personnes qui gravitent autour d’elle.
Un
récit réjouissant,
pétillant d’intelligence, tout à fait dans le style des romans
policiers britanniques traditionnels. Avec quelques touches de
modernisme concernant la sexualité, et parsemé d’humour (les
passages avec le prince Philip sont savoureux). L’auteure connaît
bien la vie
de la famille
royale, le protocole et les habitudes de
la cour. Réservé aux amateurs de la cour d’Angleterre et
de polars classiques du style "whodunit", pour passer un bon moment. Un arbre généalogique complète heureusement le roman. Bonne traduction.
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