samedi 21 décembre 2019

21 décembre 2019 : leurs "valeurs" et les nôtres



L’autoritarisme, le vrai, naît de la concentration des pouvoirs et des fortunes. Il prospère à l’ombre des fausses démocraties et gouverne par les transnationales.
(Jean-Marc Rouillan, De mémoire 2, le deuil de l’innocence : un jour de septembre à Barcelone, Agone, 2009)


Ce qui m’effraie aujourd’hui, ce ne sont pas les "gilets jaunes" qui, après tout, ne font que se défendre contre un système injuste, qui fabrique des inégalités titanesques, ce ne sont pas les manifestants contre une réforme des retraites qui, après tout, ne font que défendre un modèle social issu de la Résistance française à l’Allemagne nazie…
Non, ce qui m’effraie, c’est la presse, quotidienne et hebdomadaire et les médias audio-visuels, qui mangent au râtelier, qui font l’opinion, qui imposent la mode, qui donnent le ton (gare à ceux qui les critiquent, ce ne sont que des ignorants !) et qui nous concoctent à tour de bras des leçons de morale affligeantes (style "La haine du travail" dans un récent n° du Point), eux qui sont presque tous acquis par le grand capital et les quelques milliardaires qui nous gouvernent, sous couvert d’une démocratie se disant représentative et qui ne représente qu’eux, et sous la botte d’une police et d’une justice qui ont enfin jeté le masque, en matraquant et en condamnant avec un zèle obscène ceux qui ont osé se révolter. Ah ! On peut toujours clamer notre horreur devant la répression épouvantable des Palestiniens de Gaza, des Ouigours de Chine, des Rohingyas de Birmanie, des Mapuches du Chili et de nombreux autres peuples vivant sous la férule de gouvernements "élus" avec notre bénédiction. Curieusement, on en entend très peu parler chez BFM et autres télés soi-disant d’information, dans L’express, Le Point et autres hebdos si vantés, qui pourtant fourmillent d’experts sachant fort bien huiler les rouages fourbis par l'oppression et nous la faire accepter. Alors on se tait.
Que dire en effet quand nos Victor Hugo d’aujourd’hui s’appellent Pascal B., Bernard-Henri L., Christophe B., ne les citons pas, ils sont trop nombreux ! Ils crachent à longueur de prose ou d’écran sur ce qu’ils nomment la « populace » ou, dans le meilleur des cas par cet euphémisme, « les petites gens » ; s’ils les vilipendent, c’est parce que ces derniers ont fait le choix de se rebeller, enfin. Eux, bien sûr, valets bien rémunérés au service de patrons oligarques, ils auront une belle retraite, ils continueront peut-être, jusqu’au-delà de 70 ans à se faire payer des articles ou à se pavaner dans des prestations télévisées alors même qu’ils ignorent ce que c’est d’avoir vécu toute sa vie avec un SMIG ou au chômage, avec un RSA et le minimum vieillesse. Ils font des mines de vierges effarouchées devant ces milliers de pauvres qu’ils n’ont jamais fréquentés de leur vie et qui, eux, ne sont pas encore totalement dressés à la servitude et au léchage de bottes qui les caractérise si bien. Leurs femmes auront pu continuer à travailler et à engranger, grâce aux « petites mains » qui auront torché leurs gosses, fait le ménage et préparé les repas, et elles n’auront pas non plus de soucis pour leurs retraites…
Mais "les petits, les obscurs, les sans grades", ceux qui ont été éjectés du système scolaire, ceux qui n’auront pu avoir que des petits boulots mal payés (ou des stages non payés !) dans leur jeunesse, qui décrochent un CDI à trente ans passés quand ils ont de la chance, les nombreux employés et ouvriers intérimaires ou à temps partiel, les mères célibataires, les corvéables et jetables à merci qui sont si nombreux et si nécessaires pour s’occuper des enfants des autres ou des vieux à domicile ou en maisons de retraite, tous ceux-là ont beaucoup à craindre de la réforme de la retraite qui ne pourra que baisser. À force de détourner les "valeurs" de la République en ne s’en servant que pour favoriser les ultra-riches, nos gouvernants vont finir par pousser les gens à cesser de voter (c’est déjà en grande partie acquis) et on finira par accoucher d’une dictature, comme déjà dans tant de pays d’Europe et comme ici même ils lui montrent l’exemple par la répression féroce de gens qui ne demandent qu’à être entendus et qui ne croient plus aux vertus d’une politique confisquée par l’oligarchie. Qu’ils prouvent le contraire, s’ils le peuvent !
C’était ma page de morosité mensuelle...


Aucun commentaire: