si
on vous écoutait, il n’y aurait bientôt plus un seul lecteur au
monde. Que des décérbrés pianotant sur leur smartphone,
indifférents aux beautés du monde qui nous entoure.
(Luc
Chomarat, Le dernier thriller norvégien, La manufacture de
livres, 2019)
en allant à l'apéritif dînatoire, je suis passé devant cette curieuse enseigne
le hamburger deviendrait-il gastronomie, ici ?
S’il
y a un lieu habité où la beauté nous encercle de toute part, c’est
bien Venise, et quel dommage de s’y promener sans en voir
grand-chose, sans se perdre dans les ruelles peu fréquentées, sans
entrer dans les églises où souffle l’esprit et où tant de
peintures magnifiques nous attendent, en se contentant des rues
commerciales et des deux ou trois incontournables, les ponts de
l’Accademia et du Rialto et la place Saint-Marc avec la Basilique,
le Campanile et le Palais des Doges. Et, en se levant tôt, on peut
voir les beautés de la ville et de ses quartiers dans toute leur
fraîcheur, avant l’invasion de la foule… On découvre des
boutiques insolites, comme une librairie par exemple, où j’ai pu
acheter une édition d’une sélection de Fables de La
Fontaine traduites en italien.
on ne se lasse guère d'admirer canaux et bâtisses
Vu du vaporetto
le Palais des doges
et le Campanile
Et,
en soirée, on peut assister à des concerts, des représentation
théâtrales ou d’opéra, ou se contenter de promenades nocturnes,
d’apéritif dînatoire en groupe, de repas en solo ou de lecture au lit, car s’il ne doit
rester qu’un "seul lecteur au monde", je serai celui-là.
D’ailleurs, la lecture repose du cinéma, des déambulations, du
bruit aussi, même si Venise est moins bruyante que Bordeaux. La
chambre de la Domus Ciliota devient une thébaïde où se ressourcer,
redevenir soi-même, et n’être plus le festivalier, ni le
voyageur, ni le piéton de Venise. Arrêt sur image en quelque sorte.
La Domus Ciliota, dans une sorte d'impasse
soprano et baryton saluent après leur duetto
Ceci
étant, j’ai consacré une soirée à un concert de chant lyrique,
avec des airs d’opéras de Mozart, Rossini, Verdi et Puccini, en
fait des airs assez connus d’opéras aussi célèbres que Les
Noces de Figaro et Don Giovanni (Mozart), Le Barbier de
Séville (Rossini), La Traviata et Rigoletto
(Verdi) ou La Bohème et Tosca (Puccini) en solo ou en
duo. Les chanteurs et cantatrices, tout comme l’orchestre de
chambre qui les accompagnait, étaient habillés en costumes du XVIIIème
siècle. Spectacle pour touristes, bien sûr. Mais ça m’a délassé,
et c’est toujours étrange d’écouter un air sorti de son
contexte, comme évadé de l’opéra.
statue de Goldoni, le "Molière" italien (et d'ailleurs vénitien)
Un
autre soir, je suis retourné au Teatro Goldoni voir cette fois une
pièce inconnue, une adaptation de Goldoni bien sûr, L’enfant
d’Arlequin perdu et retrouvé. En voici l’argument :
Pantalone, astrologue, jouit indûment de la fortune de sa fille
adoptive Rosaura, qu’il entend marier à son fils légitime Filene,
pour conserver pour lui l’héritage de Rosaura. Sauf que cette dernière est
tombée amoureuse : Florindo l’a épousée en secret, et ils ont même
eu discrètement un bébé, une petite fille. Non de loin de là, Camila, la femme
d’Arlequin, a accouché aussi au même moment d’une petite fille.
À moment donné, pour ne pas que Pantalone découvre toute
l’histoire, les deux enfants sont échangés. Arlequin consulte
Pantalone au sujet de sa fille dont il ne reconnaît pas l’odeur,
l’astrologue en fait l'horoscope et lui affirme qu’elle n’est pas de
lui (ce qui est exact, puisque c’est l’enfant de Florindo et
Rosaura) ; Arlequin croit que sa femme a été la maîtresse de
Florindo et il faudra toute l’intelligence de Marionette, la
servante de Pantalone, pour débrouiller tout l’imbroglio. C’est
de la Commedia dell’arte dans toute sa splendeur : quiproquos
en tous genres, cascades et jeux de scène, probables improvisations
sur le canevas de base ; le tout joué de façon endiablée dans
ce petit théâtre. J’en suis sorti tellement guilleret, d’autant
que la compagnie nous offrait un verre de mousseux italien à la
sortie, que j’ai failli me tromper de direction en sortant !
Une soirée jubilatoire, en italien (ou vénitien), surtitré en français et
anglais, mais je me suis rapidement contenté de regarder et
d’écouter, une fois les dix première minutes passées pour savoir qui était qui.
la troupe de comédiens devant le théâtre, et sans masques
Avec
le groupe, nous avons passé deux soirées ensemble : le premier
soir (jeudi), comme traditionnellement, un dîner au restaurant San
Trovaso. Paul, relevant pourtant d’une opération du genou, s’est
occupé de l’organisation et remplacé Michèle (malade) qui,
depuis huit ans que j’y vais, dirigeait les opérations :
délivrance des accréditations seulement cette année car chacun a choisi d'éventuelles excursions et de
visites, Paul marchant difficilement ; saluons-le pour sa prestation. Très bon repas, comme à chaque fois. Le lundi
suivant, apéritif dînatoire avec ceux qui le souhaitaient :
autour d’un plateau de charcuteries italiennes et d’un plateau
de fromages locaux, chacun a fait part de ses impressions. En dehors
de ces rencontres de table, chacun était libre de ses mouvements. On
se croisait au petit déjeuner, de temps en temps à la Mostra, ou
lors d’une traversée en vaporetto.
devant l'Arsenal, le bateau d'immigrés africains dans lequel un grand nombre se sont noyés
Je
n’ai visité qu’une seule église cette année, celle de Santo
Stefano, dont le clocher (campanile) m’a semblé pencher de plus en
plus (à moins que j’oublie d’une année sur l’autre l’angle).
Une peinture du Tintoret y était annoncée, mais je ne l’ai pas
trouvée, elle était peut-être en restauration. Bref, au total,
j’ai vraiment eu l’impression d’être ailleurs, pendant dix
jours, immergé dans un autre monde, un peu comme lors de mes voyages
en cargo. Une sorte de bonheur léger, aérien, impalpable, égoïste peut-être...
et quoi de mieux que des bancs
pour délasser ses jambes (près des Giardini)
non loin de là, un goéland peu sauvage s'est posé sur une table du café en plein air
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