portés
par leur foi, croyant et cycliste trouveront sens là où mécréant
et non initié ne verront que coïncidences et idioties.
(Benjamin
Coissard, Les étoiles brilleront dimanche,
L’Éclisse, 2018)
Quel
plaisir que celui de la rencontre d’inconnus ! Une nouvelle
fois, des « warmshowers » se sont arrêtés chez moi
pendant leur périple cycliste, long d’une année sabbatique, après
avoir visité le Canada, puis une partie de l’Amérique du sud
(Argentine, Chili, Bolivie, Paraguay, Brésil, enfin le Portugal et
l’Espagne, et maintenant la France, avant de rentrer en Angleterre.
Ça faisait un moment que je n’avais pas eu de tels moments de
fraternité et de partage, augmentés du fait que ma sœur Maryse
était chez moi (elle accompagne mon bon rétablissement) et a
contribué à la réussite de leur bref passage par ses talents culinaires et sa bonne humeur : ils sont restés deux nuits tout de
même.
Ananda et Ruby
Ruby
et Ananda sont des trentenaires ; elle est physiothérapeute, il
est opticien. Ils se connaissent depuis leur jeunesse et se sont mis
en couple après leurs années d’études et un premier voyage à
vélo autour du monde effectué par Ruby seule pendant trois années, son pays préféré fut l'Iran, et c'est pas la première fois qu'on me parle de l'hospitalité légendaire de ce pays honni de Trump. Tous
deux issus de familles métissées (musulman/protestante pour Ruby,
bouddhiste/catholique pour Ananda, dont le père est thaï), ils ne
pratiquent aucune religion, sinon celle de la liberté, de la
fraternité et de l’égalité : un très beau couple !
leurs vélos dans le salon
Ils
sont arrivés lundi vers 18 h, après trois semaines de chaude
traversée du Portugal et de l’Espagne en camping "sauvage",
sans pouvoir prendre de douche. Mais c’est le principe des adeptes
« warmshowers », on accorde l’hébergement gratuit (tout le contraire des Airbnb et autres sites de marchandisation de l'hospitalité) à
des cyclistes, comprenant le lit, la douche et les repas, la
possibilité d’user du lave-linge (il leur fallut deux machines successives !), sans
parler des discussions et du partage de l’amitié qui naît presque
instantanément. Un vrai bonheur, et tout simple : il suffit
d’ouvrir sa porte et celle de son cœur. Hier matin, je les ai
accompagnés en ville, à pied, les emmenant au Jardin public, à la
Cathédrale, au Miroir d’eau, à la Place des Quinconces et devant
le Grand théâtre, où nous assistâmes à une séance d’acrobatie
d’un artiste de cirque perché sur un cercle entre les colonnes
majestueuses. Puis je les ai laissés continuer leur visite tous
seuls, avant de les retrouver en fin d'après-midi at home pour festoyer, Maryse et moi
ayant concocté une recette à notre façon pouvant leur convenir (un mélange de riz, d'omelette aux oignons découpée en cubes et de sept ou huit légumes épicé au curcuma),
car ils sont végétariens. Ils en étaient tout émus.
l'acrobate
Et,
ce matin, une fois leurs bécanes repréparées pour la route –
ils ont chacun deux sacoches latérales à l’avant et deux à
l’arrière, plus un sac à l’arrière, ainsi chargés, ils ne dépassent guère
le 15 km/h –
on a redescendu tout ça par l’ascenseur (deux voyages : les
deux vélos chargés ne rentrent pas en même temps), j’ai sorti le mien, et
je les ai raccompagnés sur quelques km pour les faire entrer sur la
piste cyclable Bordeaux-Lacanau, d’où ils ont pris la Vélodyssée
qui les mènera à la Pointe de Grave et jusqu’en Bretagne pour
prendre le ferry à Roscoff.
au Jardin public
Ce
que j’aime chez les « warmshowers », c’est qu’ils
font pas de la frime.Ils se contentent d'une moyenne quotidienne de 50 km. Ils ne se déguisent avec les tenues en lycra
plus ou moins fluo et truffées de publicités des robots-cyclistes. Non, ils mettent des
tee-shirts tout ce qu’il y a de plus ordinaire, des pantacourts
multipoches en coton solide comme vous et moi, et pratiquent la
simplicité et la sobriété volontaires. Ils
montrent, au contraire, avec l’usage de la bicyclette (Ruby visite
ses clients à vélo à Londres, ils n’ont pas d’automobile et
Ananda n’a même pas le permis !), par les effets physiques
bénéfiques sur la santé qu’elle apporte (ils rayonnent), par les rencontres
étincelantes que ce moyen de transport (à hauteur d’homme et de
piéton) procure, qu’on peut vivre et se déplacer autrement
qu’avec tous ces nouveaux et nocifs instruments électriques qui,
non seulement, sont coûteux en énergie, mais incitent tout un
chacun à ne plus faire le moindre effort, ne plus pousser avec le
pied pour les trottinettes (ce qui est grave pour les jeunes enfants) et les planches à roulettes, par exemple…
Des
exemples à suivre, en quelque sorte, dans un monde devenu fou et
obnubilé par la vitesse, l’instantanéité et l'outrance de la consommation. Le septuagénaire que je suis devenu a eu l'impression, à leur contact, que sa trentaine n'était pas si loin... Au fond, on n'a que l'âge du cœur, quand celui-ci reste grand ouvert...
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