La
bourgeoisie française, la plus féroce, la plus hypocrite, la plus
ignorante du monde entier, est aussi la plus triste.
(Georges
Darien, La belle
France,
10/18, 1978)
Après
Annie Ernaux (écrivain) et Coline Serreau (cinéaste), j’ai le
plaisir de vous proposer quelques réflexions de Vincent Lindon
(comédien) extraites de Comment
ce pays si riche…
(3
mai 2020) :
Spécialiste
en rien, intéressé par tout, il m’a paru pourtant utile de
contribuer en faisant entendre une voix simplement citoyenne. Suis-je
légitime [...] ? Pas plus qu’un autre sans doute, mais pas
moins non plus, ayant pris soin de consulter nombre d’avis
autorisés, notamment dans le domaine de la santé…
Comment
ce pays si riche, la France, sixième économie du monde, a-t-il pu
désosser ses hôpitaux jusqu’à devoir, pour éviter l’engorgement
des services de réanimation, se résigner à se voir acculé à
cette seule solution, utile certes, mais moyenâgeuse, le
confinement ? Nous qui, au début des années 2000 encore,
pouvions nous enorgueillir d’avoir le meilleur système de santé
du monde. C’était avant. Avant que s’impose la folle idée que
la santé devait être rentable [...]
Douze
mois de grève des urgences ? Les patients patienteront. 1 200
chefs de service démissionnent de leurs fonctions administratives ?
Moins de paperasse. Présence massive des soignants dans toutes les
manifestations ? Sortez les LBD et les grenades de
désencerclement…
Au-delà
de la santé, c’est l’ensemble du secteur public qui subit depuis
des décennies les coups de boutoir des présidents qui se succèdent
avec toujours la même obsession : réduire la place de l’État
dans l’économie. La recette est simple : privations
pour ce qui coûte (l’éducation, la justice, la police, l’armée,
la santé…) et privatisations pour ce qui rapporte. [Dernières
en date] La française
des jeux (FDJ) et Aéroports de Paris (AdP), sont très rentables ?
Vendez-les ! […]
Avec
l’automne [2018],
un vent se lève, une révolte inattendue et pourtant évidente :
des femmes et des hommes en jaune envahissent les ronds-points et les
Champs-Élysées, [emportant]
l’adhésion de l’opinion, contraignant le gouvernement à un
repli tactique : 10 milliards jetés à la hâte pour
tenter d’éteindre la colère sociale. Trop tard. [...]
Après
la carotte, vient le temps du bâton. Une répression brutale,
policière, avec mains arrachées et manifestants éborgnés, mais
aussi judiciaire, avec une distribution massive de condamnations
fermes. [...]
Occupés à bâtir leur nouveau monde, les responsables n’accordent
qu’une attention distraite à un virus agressif qui, parti de
Chine, va très vite ravager la planète et envahir la totalité de
l’espace politique, donnant à nos gouvernants l’occasion de
montrer l’étendue de leur compétence.
Dans
les hôpitaux, la situation est dramatique. On manque de tout, de
masques, de gel, de tests, de respirateurs, de lits et de personnels
en réanimation. Le 29 février, après que le Covid-19 a fait
ses premières victimes en France, Édouard Philippe convoque un
conseil des ministres extraordinaire consacré au virus. Une grande
décision en ressort : utiliser le 49-3 pour faire adopter la
réforme des retraites ! [...]
Sur quoi s’interroge l’exécutif aux premiers jours de mars ?
Mais sur le maintien des municipales, bien sûr ! La veille du
premier tour, le premier ministre joue les contorsionnistes, invitant
les Français à rester chez eux, mais, en même temps, à aller
voter. [...]
Sur
la question cruciale des masques de protection, la parole officielle
est schizophrène : aux premiers temps, leur utilité est
affirmée. D’ailleurs, il y en a des millions en stock, prêts à
être distribués à la population en cas de besoin. La menace virale
se précisant, les masques sont soudain déclarés inutiles, voire
dangereux puisqu’on ne sait pas s’en servir. Ce qui est fort
opportun, puisque les stocks se sont volatilisés. Pschitt… Plus de
masques. Pas même de quoi équiper tous les soignants qui doivent
monter au front armés de leur seul courage. Bon, d’accord, pas de
masques, mais ils arrivent. Quand ? Mais demain, bien sûr !
[...]
Pour
le commun des Français, le confinement est la règle, chômage
technique pour les uns, télétravail pour les autres. Tous les
Français ? Non. Pour les caissières, les livreurs, les
éboueurs, les policiers ou les pompiers, l’activité doit se
poursuivre, quels que soient les périls. Eux qui formaient le gros
des bataillons en gilet jaune, naguère vilipendés, sont désormais
officiellement essentiels. Exit
les premiers de cordée, place aux premiers de corvée.
Le
23 avril, dans une adresse solennelle à la nation, le président
Macron annonce enfin le déconfinement pour le 11 mai. [...]
Deux
semaines plus tard, le premier ministre en dévoile les conditions.
Acte 1 : réouverture des crèches et des écoles
primaires. [...]
la véritable raison de ce choix sera passée sous silence, voire
niée, alors même qu’elle est audible : vouloir éviter
l’effondrement total de l’activité et son cortège de drames est
après tout une motivation hautement respectable.
Une
bonne nouvelle, pourtant : les masques arrivent. Des masques en
tissu, lavables et réutilisables. [mais]
le gouvernement ne peut se résoudre à rendre obligatoires partout
ces masques qu’hier encore il déclarait inutiles.
[...]
Déjà insupportables, les inégalités ont explosé avec la
pandémie. [...]
Et leurs lendemains ne chantent pas. Après la crise sanitaire, ils
seront sûrement les premières victimes de l’inévitable
catastrophe économique et sociale. Que faire ?
L’État
ne pouvant pas tout, il me paraît impératif d’innover. Comment ?
En demandant aux plus grosses fortunes une solidarité envers les
plus démunis. Cette idée, juste et légitime, pourrait prendre la
forme d’une contribution exceptionnelle, baptisée « Jean
Valjean », conçue comme une forme d’assistance à personnes
en danger, financée par les patrimoines français de plus de
10 millions d’euros, sans acrobaties, à travers une taxe
progressive de 1 % à 5 %, avec une franchise pour les
premiers 10 millions d’euros. À période exceptionnelle,
contribution exceptionnelle. [...]
D’après les économistes que j’ai pris soin de consulter, cette
contribution devrait représenter environ 36 à 37 milliards
d’euros, qui seront distribués aux quelque 21,4 millions de
foyers trop pauvres pour être assujettis à l’impôt sur le
revenu. Compte tenu de l’urgence, l’État assurerait la
trésorerie et abonderait marginalement la collecte, leur distribuant
sans délai et sans prélèvement, la somme de 2 000 €, à
charge pour lui de recouvrer ultérieurement le produit de la
contribution « Jean Valjean ».
Le texte est long, très détaillé, donc
Pour
avoir le texte complet sur
le site de Médiapart :
Pour
l’entendre lu par Vincent Lindon :
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