C’est
peut-être pour cela que j’aimais tant le théâtre : parce
qu’il me permettait d’exprimer toutes sortes de sentiments avec
les mots des autres, en gardant les siens enfermés dans son cœur.
(Nathalie
Rheims, Place Colette,
L. Scheer, 2015)
Comme
ça va mieux, j’ai presque repris toutes mes activités ordinaires :
lecture, écriture, cinéma (au ralenti toutefois pour ce dernier),
cuisine (un peu) et amitié, et même vélo. Mathieu est venu de Lyon me voir ce
week-end. Je me prépare mentalement à mes prochains gros
déplacements : à la mi-août, Brocas, dans les Landes, pour la
grande réunion annuelle de la "tribu Brèthes", suivie par
un séjour de cinq jours dans l’île de Groix qui précédera de
peu mon départ pour la Mostra de Venise, d’où je rentrerai le 8
septembre au soir.
Parmi
les lectures que j’ai faites en début juillet, un nouveau Petros
Markaris, auteur grec de polars à coloration politique et sociale :
Offshore (Seuil,
2018), qui en dit long aussi
sur notre société dont la Grèce actuelle est un reflet assez
troublant ; l’excellent roman posthume inachevé d’Erich
Maria Remarque, Cette terre promise
(Stock, 2017, roman sur lequel je reviendrai) qui explore avec acuité la difficulté d’être
émigré, ici le cas des Allemands antinazis réfugiés aux USA
pendant la dernière guerre mondiale ; le délicieux petit
recueil de notes de ses voyages ferroviaires du poète belge Werner
Lambersy, Vu du train
(À l’index, 2019) où j’ai relevé cette appréciation
savoureuse : "Londres,
la plus belle ville du monde quand on a beaucoup d’argent, ou quand
on est londonien" ;
le très beau récit du Belge Pierre Mertens sur la naissance et
la courte vie de
sa fille atteinte
du spina bifida,
Les mots : pour la naissance et la mort de ma fille
(L’Harmattan, 2004).
Une
place à part pour le récit Place Colette, apparemment autobiographique, de Nathalie
Rheims, fille de l’académicien Maurice Rheims, sur son adolescence
difficile, son désir de faire du théâtre et son amour pour un
sociétaire de la Comédie française, de trente ans plus âgé
qu’elle.
Pour le protestant assez puritain que je suis resté, cette passion
d’une nymphette de douze/treize ans pour un homme qui pourrait être
son père m’a évidemment impressionné. Ça se passe au début des
années 70, à l’époque de la grande révolution des mœurs et
dans un milieu très huppé. Tout pour me déplaire, a priori. Et
cependant, ça m’a scotché. Ce petit bout de fille (le comédien
l’appelle d’ailleurs "petite fille"), qui a envie de
découvrir les secrets des grands et la sexualité, qui court après son "homme",
découvre le moyen d’aller dans sa loge après le spectacle et qui fait
les premiers pas, ça ne s'invente pas. On pense à Lolita
de Nabokov, que je n’ai pas
encore lu mais connais par le film de Kubrick. J’ai pensé aussi à notre
grande écrivaine nationale, Colette, à ses Claudine
et à son Blé en herbe.
Bref, ça m’a paru une réussite d’écriture. Avec en plus une
description assez féroce d’un certain milieu parisien, d’une
certaine élite bourgeoise : on pense aussi à Proust et aux
Verdurin dans Un amour de Swann.
Enfin,
Mathieu était arrivé, portant dans sa besace un dvd que son amie
L. lui a prêtée : Le
couple-témoin,
de William Klein (1977), nous l'avons regardé. Je donne le synopsis de wikipedia : "Dans
la France
des
années 70,
au milieu d'une ville nouvelle en chantier, Claudine et Jean-Michel
[respectivement
Anémone et André Dussolier],
un jeune couple de Français moyens est amené à vivre une
expérience organisée par le Ministère de l'Avenir [Georges
Descrières joue le ministre].
Expérience filmée dans l'appartement de demain, censée déterminer
les mœurs et les attentes du couple pour l’an
2000".
C’est
à la fois une satire implacable
de
l’époque et du modernisme outrancier (qui n’a fait que
s’amplifier de nos jours avec la connectivité), dans la lignée du
Tati de Mon
oncle
et de Playtime,
une comédie science-fictionnesque (là, on pense à 1984, le couple étant constamment observé)
assez désopilante et un pamphlet contre les politiques
actuelles déshumanisantes. C’est incroyable comme presque tous les propos
débités par le ministre dans le film ressemblent à toutes les
phrases creuses de nos présidents récents de la République :
on croyait entendre Macron ! J’ai adoré ! Merci, Mathieu. Bien évdiemment, je ne l’avais
pas vu à l’époque de sa sortie, car Auch, où je travaillais,
n’avait pas encore de cinéma d’art et d’essai., seul type de
salle capable de projeter ce genre de film.
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