Quelle
gloire ? Il n’y a pas de gloire si l’on a le cœur sec.
(Panaït
Istrati, Codine,
Gallimard, 2019)
Soudain,
après avoir revu le magnifique film de Naomi Kawase Les
délices de Tokyo (il vient de passer à la télévision),
et avoir lu dans la foulée le roman éponyme tout aussi superbe de Durian Sukegawa
dont il a été tiré, m’est revenu en mémoire le poème ci-après,
que j’aimais beaucoup, quand je l’ai découvert pour la première
fois et qui me plaît toujours ; c’est un peu désuet, on n’écrit plus comme ça
aujourd’hui (et alors ?) et j’aime beaucoup l’utilisation du verbe hocher
dans le sens très rare de "secouer un arbre pour faire tomber
les fruits".
La
fraîcheur du personnage au grand cœur de Tokue dans le roman et le
film m’a ramené à cette époque où j’étais, si j’ose dire,
encore tout frais moi-même :
L'odeur
de mon pays
L'odeur
de mon pays était dans une pomme.
Je l'ai mordue avec les yeux fermés du somme
Pour me croire debout dans un herbage vert.
L'herbe haute sentait le soleil et la mer,
L'ombre des peupliers y allongeait ses raies,
Et j'entendais le bruit des oiseaux, plein les haies,
Se mêler au retour des vagues de midi.
Je venais de hocher le pommier arrondi,
Et je m'inquiétais d'avoir laissé ouverte,
Derrière moi, la porte au toit de chaume mou…
Je l'ai mordue avec les yeux fermés du somme
Pour me croire debout dans un herbage vert.
L'herbe haute sentait le soleil et la mer,
L'ombre des peupliers y allongeait ses raies,
Et j'entendais le bruit des oiseaux, plein les haies,
Se mêler au retour des vagues de midi.
Je venais de hocher le pommier arrondi,
Et je m'inquiétais d'avoir laissé ouverte,
Derrière moi, la porte au toit de chaume mou…
Combien
de fois, ainsi, l'automne, rousse et verte
Me vit-elle au milieu du soleil et, debout,
Manger, les yeux fermés, la pomme rebondie
De tes prés, copieuse et forte Normandie !...
Ah ! je ne guérirai jamais de mon pays.
N'est-il pas la douceur des feuillages cueillis
Dans leur fraîcheur, la paix et toute l'innocence ?
Et qui donc a jamais guéri de son enfance ?...
Me vit-elle au milieu du soleil et, debout,
Manger, les yeux fermés, la pomme rebondie
De tes prés, copieuse et forte Normandie !...
Ah ! je ne guérirai jamais de mon pays.
N'est-il pas la douceur des feuillages cueillis
Dans leur fraîcheur, la paix et toute l'innocence ?
Et qui donc a jamais guéri de son enfance ?...
Lucie
Delarue-Mardrus
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