Peu
importe ici le caractère manifestement imaginaire de telles
appréhensions ; ce n’est pas parce que les fantasmes sont
infondés qu’ils ont moins d’emprise sur les esprits.
(Arlette
Jouanna, La Saint-Barthélémy : les mystères d’un
crime d’État, 24 août 1572,
Gallimard, 2007)
Je
terminais ma page de blog du 4 novembre par ces mots : "Triste
époque. Il est vrai que je n’y suis plus pour très longtemps."
J’ai passé mon week-end à discuter Trump avec Georges et Odile et
à leur prédire sa victoire ; ça n’a pas manqué. Il fallait
être aveuglé par ses préjugés pour ne pas le sentir, ou bien ne
rien connaître à l’Amérique profonde.
Je
lis depuis cette année les "écrivains"
noirs américains militants que sont George Jackson (mort en prison) et Angela Davis.
Cette lecture fait comprendre à quel point l’Amérique blanche
reste profondément raciste. Angela estime même qu’elle a remplacé
l’esclavage par l’incarcération dans ce qu’elle nomme le
complexe carcéro-industriel. Il y a en effet 2 millions de Noirs
dans les prisons américaines, ce qui est une sur-représentation
évidente, et qui correspond très précisément au nombre d’esclaves
qu’il y avait avant la Guerre de sécession. On notera que la haine
anti-Noirs est particulièrement marquée chez les policiers qui les
assassinent sans scrupule et sans être le moins du monde inquiétés.
Mais cette haine est générale
dans la population blanche qui est loin d’avoir admis qu’un Noir
(Obama) ait pu être élu. Ce qui m’a le
plus étonné, à
vrai dire, c’est qu’il
n’ait pas été victime de tentative d’assassinat pendant sa
double présidence.
Et
puis, disons-le, Hillary Clinton était loin d’être une candidate
idéale. Figure de
l’establishment oligarchique, elle ne représentait pas le moindre
renouveau. Ses discours, son
allure, sonnaient aussi faux que chez nous ceux de Sarkozy ou de
Hollande : qui peut avoir envie de voter pour eux ? Elle a donc perdu en cours de route une partie de l'électorat démocrate.
Télérama signale que le
cinéaste Michael
Moore, avait
publié
en juillet dernier
une tribune sur le
Huffington Post intitulée
Les
cinq raisons pour lesquelles Trump va gagner.
Il
s’y montrait
étonnamment visionnaire. Dans
sa tribune, Michael Moore s'adressait
au lecteur : Vous
agitez la tête en disant : "Non Mike, ça n'arrivera pas!".
Malheureusement, vous vivez dans une bulle. Ou plutôt dans une
grande caisse de résonance capable de vous convaincre, vous et vos
amis, que les Américains n'éliront pas cet idiot de Trump.
Il
ajoutait
:
Si vous croyez encore qu'Hillary Clinton va vaincre Trump avec des
faits et des arguments logiques, c'est que vous avez complètement
manqué la dernière année, durant laquelle 16 candidats
républicains ont utilisé cette méthode (et plusieurs autres
méthodes moins civilisées) dans 56 élections primaires sans
réussir à arrêter le mastodonte.
Michael Moore expliquait
que les États du Michigan, de l’Ohio,
de la Pennsylvanie et du Wisconsin, traditionnellement démocrates,
risquaient
selon lui de passer républicains. Et c'est ce
qui s'est déroulé cette nuit, note Télérama. Ce
paysage déprimant d'usines en décrépitude et de villes en sursis
est peuplé de travailleurs et de chômeurs qui faisaient autrefois
partie de la classe moyenne. Aigris et en colère, ces gens se sont
fait duper par la théorie des effets de retombées de l'ère Reagan.
Ils ont ensuite été abandonnés par les politiciens démocrates
qui, malgré leurs beaux discours, fricotent avec des lobbyistes de
Goldman Sachs prêts à leur écrire un beau gros chèque.
Il
expliquait
aussi pourquoi
beaucoup de jeunes électeurs ne voulaient pas d'Hillary Clinton :
Les
jeunes n'ont aucune tolérance pour les discours qui sonnent faux.
Dans leur esprit, revenir aux années Bush-Clinton est un peu
l'équivalent d'utiliser MySpace et d'avoir un téléphone cellulaire
gros comme le bras. Les jeunes ne voteront pas davantage pour Trump.
Certains voteront pour un candidat indépendant, mais la plupart
choisiront tout simplement de rester à la maison.
Il
ajoutait en conclusion
: des
millions d'Américains en colère seront tentés de voter pour Trump.
Ils ne le feront pas parce qu'ils apprécient le personnage ou
adhèrent à ses idées, mais tout simplement parce qu'ils le
peuvent.
Je
crains fort que pareillement en France, les trompettes du Front
national vont résonner semblablement et que beaucoup voteront pour eux, non pas
parce qu’ils le veulent, mais parce qu’ils le peuvent ! Et
ce n’est pas les guignols qui s’agitent dans ces primaires
déprimantes qui y changeront quelque chose, sinon de se déconsidérer
davantage encore. Enfin... j’attends de voir leurs programmes, mais je n’en espère rien de bon : ce sera libéralisme à tout-va, à
droite, et malheureusement à gauche aussi (sauf Mélenchon, mais son
programme qui va paraître sous peu ne sera pas exempt de défauts
non plus, et tout le monde sait qu’il n’a aucune chance d’être
élu). Pour faire du social, on repassera, ce n’est plus à la
mode. Et tant pis si ça ouvre un boulevard aux candidats les plus
nauséabonds.
Vivement
que je m’en aille !
*
Je pars justement demain pour une petite dizaine : en Bretagne d'abord, à Paris ensuite...
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