Mais
je pense que tu vas y arriver. Et même que tu vas aimer ça
terriblement, aimer ça à accepter le risque d'en mourir.
(Catherine
Poulain, Le
grand marin,
Éd. de l’Olivier, 2016)
Eh oui, je lis beaucoup aussi quand je suis en vadrouille ! Quand il a lu mes journaux de voyage en cargo, mon frère aîné a été étonné de la quantité de livres lus. C'est que regarder le monde autour de soi n'empêche pas la lecture de littérature. Surtout que je lis beaucoup au lit, le soir ou pendant mes insomnies...
Pour le grand amateur de voyages au long cours sur les océans, ce livre est une aubaine. L'héroïne et narratrice de ce roman, la sensible Lili, décide un beau jour de quitter la France et Manosque (en fait, elle fuit on ne sait quoi) pour l'Alaska et apprendre le métier de pêcheur. Elle est embauchée sur le Rebel, navire de pêche à la morue et au flétan, où on lui donne sa chance, mais sans lui faire de cadeaux : elle devra se faire respecter dans ce monde d’hommes, faire les quarts comme eux, travailler dur. Elle va rencontrer Jude, qu’on appelle "l'homme-lion" à cause de sa crinière et qui deviendra pour elle le "Grand marin". Elle va donc apprendre à jurer, à gueuler, à dormir par terre, à fumer et à boire. Car tout le monde, ou presque picole sec. Lili fera donc comme eux et en fin de compte, saura se faire respecter.
Pour le grand amateur de voyages au long cours sur les océans, ce livre est une aubaine. L'héroïne et narratrice de ce roman, la sensible Lili, décide un beau jour de quitter la France et Manosque (en fait, elle fuit on ne sait quoi) pour l'Alaska et apprendre le métier de pêcheur. Elle est embauchée sur le Rebel, navire de pêche à la morue et au flétan, où on lui donne sa chance, mais sans lui faire de cadeaux : elle devra se faire respecter dans ce monde d’hommes, faire les quarts comme eux, travailler dur. Elle va rencontrer Jude, qu’on appelle "l'homme-lion" à cause de sa crinière et qui deviendra pour elle le "Grand marin". Elle va donc apprendre à jurer, à gueuler, à dormir par terre, à fumer et à boire. Car tout le monde, ou presque picole sec. Lili fera donc comme eux et en fin de compte, saura se faire respecter.
couverture (à nouveau)
On
se laisse bercer par les eaux intranquilles de l’Océan glacial,
par
le froid et les intempéries, les avaries de matériel,
les pieds trempés dans
les bottes trop usagées, les mains abîmées par des gants déchirés.
Dans
cette
histoire de marins, Lili, seule femme à bord, ne se plaint
jamais,
même quand une arête de poisson s’est
fichée
dans sa
main, l’infectant
dangereusement.
Le
travail est rude :
sur le pont, on
décroche
les poissons, on
les
vide et
les nettoie (Lili
mange leurs cœurs),
on
accroche
les appâts, et
on recommence. Le lecteur
croit qu’il va s’ennuyer, car tout cela est bien répétitif,
mais non, on est embarqués à bord, on participe, on découvre même l’ivresse
due au
manque de sommeil... Mais,
à côté,
"le
reste du monde vous semble fade, vous ennuie à en devenir fou".
Je confirme qu'après trois mois en mer, le retour à terre est difficile !
Et
puis, il y a l’amour, qui paraît bien secondaire pourtant, par
rapport à la
solidarité, à la fraternité qui unissent
ces marins qui ont atteint le
bord du monde, "The
Last frontier".
Peu de femmes ici,
dans les ports : des serveuses, des femmes d'escale, des
Indiennes.
Lili, surnommée
"Moineau" à bord, est
une héroïne comme on les aime, qui sait joindre les
larmes et les
rires au
fil de ses
émotions. Elle,
la
bleue ("green" en anglais)
réussit
à se
faire une place, à
gagner l’estime et
la
confiance de
ses rudes
compagnons
de bord (et
de bordée).
Le
grand marin
est, à
mille lieues de nos romans parisiens,
un livre magique.
Un
livre de
passion sur
les "travailleurs
de la mer", ici magnifiés, mais avec un réalisme cru.
Laguna
nostra se
passe à Venise,
qu’on ne quitte quasiment pas. Des cadavres sont découverts, le
cou égorgé. Mais très rapidement, on comprend que l’enquête sera
très secondaire, au profit de l'atmosphère. Car le
style, avec
ses
propositions longues (presque à la Proust),
son vocabulaire somptueux,
oblige le lecteur
à s’alanguir
dans
les lagunes
de Venise, ses odeurs de vase,
ses
lumières,
la
lenteur
de la
vie presque
immémoriale dans le palais vénitien où vivent le commissaire Alvise
Campana (nanti d’une femme romaine qui ne s’adapte pas à
Venise), sa soeur Artemisia
(la
narratrice, restauratrice d’art),
et
leurs deux oncles, deux jumeaux déjantés, Igor le mystique et Boris
le gros amateur d’art qui croit reconnaître un Caravage dans
chaque
vieille croûte qu'il déniche.
Ces
trois derniers mènent d’ailleurs une enquête parallèle et vont
aider leur frère et neveu à découvrir les nœuds
du mystère, en
assimilant les meurtres aux tableaux qu’ils connaissent, Judith
égorgeant Holopherne, la décollation de Jean le Baptiste... On va
découvrir au fil des pages
Venise
et
ses migrants, ses trafics d'œuvres
d'art, d’enfants et de femmes.
C’est
d’abord le roman de Venise :
"L'orgueilleuse
Venise qui n'a plus les moyens de son orgueil. Les fondations
pullulent en ville. Les palais vides se succèdent sur les rives des
canaux, et la chasse aux mécènes est notre sport local. L'acheteur
de palais est aux Vénitiens ce que le phoque est aux Lapons, un
gagne-pain rare et protégé".
Plus
qu’aux amateurs de polars, on réservera ce superbe roman aux
amoureux de Venise, dont je suis.
Pour
moi qui venais de voir à Montpellier le sublime documentaire Des
spectres hantent l'Europe,
tomber en Bretagne chez mon amie Christine sur le minuscule livre
Bienvenue
à Calais, les raisons de la colère
m’a comblé ;
il s’ouvre sur la phrase suivante : "Ne laissons pas
s'inscrire aux frontières de la France la devise qui orne l'entrée
de l'Enfer de Dante : "Toi
qui entres ici abandonne toute espérance".
On y découvre la honte de la France... On y voit ce
que la télé nous
cache, mais que le documentaire montrait :
la jungle où
la promiscuité et la boue se marient,
les latrines
et les douches insuffisantes,
les enfants quasiment
abandonnés,
la prostitution, la
terreur causée
par la police qui balance des grenades lacrymogènes sur femmes et enfants (étonnons-nous après que la police soit mal-aimée !),
les
morts sur l’autoroute en tentant de gagner un camion vers
l’Angleterre.
Et
puis des cas concrets : femmes
devenues
suicidaires,
enfants
perdus, étudiants paumés,
adolescents
qui se
vendent,
des
bribes
de vie, d’humiliation,
d’oppression, de violence, et ce, sur notre propre sol.
Et
aussi,
ces formidables
bénévoles
qui aident, qui soignent,
ces
hommes et femmes
qui hébergent (parfois
dans l’illégalité, mais ce sont eux les héros de notre temps - et dire qu'il se trouve des magistrats pour les traîner en justice, honte sur eux !)
des enfants ou
des réfugiés malades.
Enfin,
les migrants qui s’organisent entre eux : pour accueillir,
se réconforter, fabriquer du
pain, offrir
des services d’épicerie et de coiffure, et, hélas, les inévitables passeurs... et sans
doute quelques trafiquants... On se sent
tellement
impuissant
devant cette détresse horrible et ce bidonville surpeuplé.
Marie-Françoise Colombani et Damien Roudeau ont réalisé là un petit livre de colère, un livre nécessaire, un livre qui nous dit : "Ne soyez pas complice !"
Un livre à offrir pour Noël : les bénéfices et droits d'auteur sont reversés à l'Association L'Auberge des migrants.
À
suivre...
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