Allez , un poème cette fois-ci, texte de Nazim Hikmet, traduit du turc, mis en musique par Philippe Gérard. Je l'ai entendu chanter par Yves Montand, pour la première fois, quand j'étais étudiant, aux alentours de 1965. Repris actuellement par Bernard Lavilliers.
La
plus drôle des créatures
Comme
le scorpion, mon frère,
Tu
es comme le scorpionDans une nuit d’épouvante.
Comme le moineau, mon frère,
Tu es comme le moineau
Dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
Tu es comme la moule
Enfermée et tranquille.
Tu es terrible, mon frère,
Comme la bouche d’un volcan éteint.
Et tu n’es pas un, hélas,
Tu n’es pas cinq,
Tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère,
Quand le bourreau habillé de ta peau,
Quand le bourreau lève son bâton.
Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
Et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus drôle des créatures, en somme,
Plus drôle que le poisson
Qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s’il y a tant de misère sur terre
C’est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous sommes écorchés jusqu’au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non …
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.
Nazim
Hikmet, C'est un dur métier que l'exil : Anthologie poétique, Le temps des cerises, 2009 (1ère éd. Editeurs français réunis, 1964)
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