À
vrai dire, personne ne traverse la vie en tenant ses promesses ;
si vous ne me croyez pas, demandez donc au Président.
(Rolo
Diez, In domino veritas, trad. Alexandra Carrasco, Gallimard,
2003)
Allez,
un dernier petit message avant une nouvelle vadrouille, puisque je
quitte demain Bordeaux pour un périple Poitiers – Paris –
Poitiers - Niort, retour à Bordeaux le 26 février. Et j'ai un peu
peur que vous m'oubliez si je n'écris plus rien...
Ce
qui est d'ailleurs exact ; j'ai décidé de laisser la poésie
en sourdine, en suspens, en pause, en veilleuse, au choix, (elle ne se commande d'ailleurs pas !) pour
l'instant. Dans une lettre récente, j'écrivais « Au fond,
j'ai essayé de me promener dans les tangentes de la poésie. Le
résultat m'oblige à sourire de moi-même. Ou aussi bien à pleurer,
si je me prenais au sérieux. Mes mots sont tellement éloignés de
mes intuitions, ma lucidité me fait voir que j'entretiens de
tellement loin l'illusion d'approcher une vérité poétique, trahie
malgré elle par mes pauvres agencements de mots et de lettres, et je
sens bien que je n'ai pas réussi à trouver ma voix – ma voie ?
Je n'ai pas découvert les mots ou groupes de mots susceptibles de décrire mes
sensations, mes sentiments, mes observations, et j'ai l'impression de
poursuivre une quête quasi impossible. » Donc, pour l'instant,
passons à autre chose.
Je
travaille sporadiquement sur mes femmes-écrivains ; actuellement, je suis sur Duras : si tout va
bien, il ne me restera que deux ou trois auteures à traiter pendant
mon voyage en cargo de 2015, si toutefois voyage en cargo il y a !
Par ailleurs, je viens de réviser mon Journal de bord, intitulé Un
voyage en cargo, pour un envoi éventuel à un éditeur,
accompagné d'un cahier de photos. Bien évidemment je trouve que
c'est pas mal (j'ai assez bien rendu le mouvement, les sensations,
les rencontres, les moments, et ça me parle, mais est-ce que ça
peut parler à quelqu'un d'autre ? ). Toutefois je crois qu'il y a encore
beaucoup de travail de resserrement pour le rendre lisible à un/e
lecteur/trice lambda.
Je
suis pas mal allé au ciné la semaine dernière, car il y avait à Bordeaux un
festival de cinéma militant, où forcément on passe des trucs quasi invisibles, et j'ai donc pu voir des documentaires
extraordinaires, et ne comptons pas sur la télé pour nous les
montrer !.
Écho
d'il y a cent ans, du Japonais Tomiko Fijiwara (2013), raconte
l'histoire des militants anars et socialistes japonais, accusés en 1910 du
crime de lèse-majesté et condamnés à mort à l'issue d'un procès
complètement truqué ; jamais réhabilités depuis, comme nos fusillés pour l'exemple de 1914-1918, donc ne critiquons pas le Japon. Les organisateurs faisaient librairie, j'en ai profité pour acheter L'impérialisme, le
spectre du XXe siècle, de Shûsui Kôtoku, un des condamnés, où
il dénonçait les dérives du nationalisme, du militarisme et de
l'impérialisme japonais, qui conduisirent tout droit à la
catastrophe de 1945. Lecture passionnante : le texte est encore
plus d'actualité aujourd'hui, dans la mesure où l'impérialisme a
pris des proportions encore plus monstrueuses qu'au début du XXe
siècle, puisqu'il n'y a plus de contrepoids.
Trois
films montraient ce qui se passe quand les masses populaires se
mettent en mouvement pour essayer de se battre et de s'organiser collectivement pour leurs droits. ABC
de la grève, du Brésilien Leon Hirszman (1990), raconte les
grandes grèves du secteur métallurgique et automobile au Brésil en
1979, où émergea la figure charismatique de Lula. Excellent et instructif. Charbons
ardents, du Français Jean-Michel Carré (1998), sans doute le
seul de ces films à être passé à la télé (car co-produit par Arte), raconte le
rachat par les mineurs gallois de la Tower Colliery, une mine de charbon bradée et menacée de fermeture par le libéralisme anglais. Devenus
propriétaires-actionnaires de leurs mines, tout a changé pour eux. En effet, ce n'est
pas du tout la même chose de travailler pour soi (fût-ce à
l'intérieur d'une communauté collective) que pour des actionnaires privés,
inconnus et invisibles ! Même topo dans Marinaleda, un
village en utopie, de la française Sophie Bolze, qui montre la
démocratie directe à l’œuvre dans un village andalou, où des
paysans sans terre exploitent en coopérative 1200 hectares et
s'efforcent d'inventer un nouveau mode de vie. Des expériences
enthousiasmantes à tous points de vue, à l'heure où le capitalisme
triomphant a réussi à nous rendre individualistes et confits dans
un égoïsme béat. J'allais dire dévot. Oui, il y a de ça !
Dans
le dernier numéro de L'âge de faire (abonnez-vous, c'est
génial), on trouve relatée une expérience de ce genre en France, avec la
coopérative ardéchoise Ardeleine (lire l'article
http://www.lagedefaire-lejournal.fr/ardelaine-travailler-autrement/).
À la différence d'autres revues, qui sont essentiellement critiques
et en fin de compte décourageantes (« on ne pourra jamais rien
changer »), L'âge de faire montre dans chaque numéro
des expériences qui ouvrent des perspectives autres que le
super-libéralisme et le chômage qui va avec. Car le Président peut
toujours faire le beau avec les chefs des multinationales, il
organise de fait le développement du chômage et de l'insécurité
(la vraie, celle de l'emploi) et la casse des services publics, à commencer par l'enseignement public, qui sera une fois démantelé, source de profits juteux pour le privé. Et de renforcement des inégalités !
C'est
assez amusant de voir qu'en ce moment je viens de lire le polar de l'Argentin Rolo Diez, In
domino veritas, où j'ai relevé la phrase mise en exergue ci-dessus, qui ne
s'appliquait d'ailleurs dans le roman qu'au président mexicain, puisque ce polar
se passe au Mexique, mais on voit bien que c'est pareil dans tous les
pays du monde. Là, il n'y a pas d'exception française !
C'était
ma petite dose de pessimisme, qui n'est autre que l'optimisme du
philosophe !
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