samedi 28 septembre 2013

28 septembre 2013 : Paul's Place


l'art […] moyen de chercher un sens à l'étonnement d'être au monde. (Carlos Liscano, L'écrivain et l'autre, Belfond, 2009)



Je viens de participer ce jeudi soir à ma première soirée « collective » à Bordeaux, et bien sûr, consacrée à la poésie. Cela s'est passé dans un café-restaurant tenu par un Anglais amateur de livres et de poésie, Paul's Place, dans le quartier des Chartrons, rue Notre-Dame. Un des plus beaux lieux de Bordeaux, chaleureux, avec des livres, des images sur les murs, et une nourriture saine et agréable. Avis aux végétariens/nes (j'en connais plusieurs) : ils/elles peuvent venir ici ! Même si on sert aussi de la viande... J'ai été séduit aussi par la qualité des participants, même si pour l'instant je n'ai pas approfondi leur connaissance. Ces soirées ont lieu les 2ème et dernier mardi de chaque mois, si j'ai bien compris. Déjà je sais que je ne pourrais pas y aller fin octobre (j'avais arrêté mon programme de déplacement auparavant), mais il va de soi que désormais je vais m'organiser en fonction de ce site, de cette « famille », devrais-je dire.



Paul's Place


J'ai donc mangé là et lu quelques textes de mon recueil (un exemplaire vendu). Il fut lu (ou dit) de l'Aragon, du La Fontaine (décidément un extraordinaire jongleur de mots, une vieille dame – j'espère ne pas la vexer en disant cela – a dit d'une façon exquise Les animaux malades de la peste), du Tardieu, du Pérec... Des textes inédits, écrits par les diseurs ou par d'autres. Parfois excellents, parfois moins bons, mais il faut de tout pour faire un monde, et on ne peut pas rester tout le temps sur les cimes. Une grande liberté, en somme. Je me suis éclipsé à la pause-cigarettes de 23 heures, mais il y avait une seconde partie ; peut-être aurais-je pu lire quelques poèmes de plus et augmenté ma vente ? Mais j'étais fatigué : le sachant, je ferai la prochaine fois une bonne sieste l'après-midi.



L'animateur, et deux diseurs préparant leurs textes


Puisqu'il est question de poésie, je vous livre quelques-unes des phrases que j'ai relevées dans mes lectures récentes, très latino-américaines : de l'Uruguayen Carlos Liscano, "J'ai toujours été meilleur dans le silence. Il est difficile de ne pas entendre le bruit. Tout est bruit et au cœur du bruit vit le silence. Ne pas écouter le bruit, tout laisser s'éteindre, s'évanouir, et que vienne le silence. Là, dans le silence, s'asseoir et attendre. Alors vient le mot", "Très souvent, comme ces derniers temps, je me suis laissé envahir par le bruit. Il n'y a pas de poésie dans le bruit; de l'Argentin Julio Cortázar, "nous sommes de l'autre côté, dans ce territoire libre et sauvage et délicat où la poésie est possible et arrive jusqu'à nous comme une flèche d'abeilles..." (lettre à Fredi Guthman, 1963).

La poésie aide à ne pas trop s'installer. "Jamais je n'ai su m'installer dans la vie. Toujours assis de guingois, comme sur un bras de fauteuil ; prêt à me lever, à partir", écrivait André Gide le 14 juillet 1930. Je pars pour Poitiers tout à l'heure pour une soirée poésie ce soir, deux poètes très jeunes au programme, une visite à mes vieux amis, ainsi qu'à Igor, hospitalisé dans le coma au CHU après une chute dans la rue ; dépourvu de plaquettes, ça a déclenché une hémorragie cérébrale qui risque bien de lui être fatale. Je lui dois beaucoup, il m'a admirablement accueilli à Poitiers ces deux dernières années, et même prêté son appartement dont j'ai les clés quand il était absent. Encore un de ces originaux qui font le sel de la vie ! Je vais lui faire un peu de lecture, même s'il est dans le coma. Je lui avais dédié un poème dans mon recueil (je vois que j'en parle déjà au passé, mais sa tante m'a dit au téléphone que c'était sans doute son dernier voyage). Il aimait beaucoup Barbara, particulièrement cet extrait de la chanson Mon enfance :


Et j'ai laissé couler mes pleurs,

mes pleurs.

J'ai mis mon dos nu à l'écorce,

l'arbre m'a redonné des forces

tout comme au temps de mon enfance.

Et longtemps j'ai fermé les yeux,

je crois que j'ai prié un peu,

je retrouvais mon innocence.

Igor dans le train, et son éternel chapeau



 

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