Je dois rester dans le « maintenant », me nourrir de chaque instant, de chaque sourire, faire de chaque moment une éternité. Je dois être là. L’après me rattrapera bien un jour. Mais pas tout de suite… pas aujourd’hui.
(Rachid Benzine, Ainsi parlait ma mère, Seuil, 2020)
Mise en musique par Léo Ferré, sur un texte d’Aragon, voici une des chansons les plus chantées pat tout un tas d’interprètes féminins ou masculins. J’ai autant aimé Ferré que Ferrat pour la mise en musique des vers d’Aragon, mais j’ai un faible pour cette chanson-ci.
« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » (Louis Aragon, Le roman inachevé, Gallimard, 1956)
Ma version préférée : Catherine Sauvage
https://www.youtube.com/watch?v=8f3cfW9qiek
Autres versions :
Léo Ferré : https://www.youtube.com/watch?v=GJvP9R9otmQ
Bernard Lavilliers : https://www.youtube.com/watch?v=XM9UXYSx8Ok
Yves Montand: https://www.youtube.com/watch?v=fK1RDFUsSzc
Thomas Dutronc : https://www.youtube.com/watch?v=ruur6TMXSNg
Philippe Léotard : https://www.youtube.com/watch?v=Ih1zPbj7iS0
Sapho : https://www.youtube.com/watch?v=_0XfJWctLZA
Marc Ogeret : https://www.youtube.com/watch?v=FyRXYf_xMHM
Laurent Viel : https://www.youtube.com/watch?v=6lNL529AE1g
Tout est affaire de décor,
changer
de lit, changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore,
moi
qui, moi-même, me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
et
mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles,
où j'ai cru trouver un pays
Cœur léger, cœur changeant, cœur lourd,
le
temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours ?
Que
faut-il faire de mes nuits ?
Je n'avais amour, ni demeure,
nulle
part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur,
je m'endormais comme le bruit
Est-ce
ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les
suivent
C'était un temps déraisonnable,
on
avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable,
on
prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et
d'épaule,
la
pièce était-elle ou non drôle ?
Moi si j'y tenais mal mon
rôle,
c'était de n'y comprendre rien
Dans le quartier Hohenzollern,
entre
la Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne,
fleurissaient
les seins de Lola
Elle avait un cœur d'hirondelle
sur
le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle,
dans les hoquets du pianola
Est-ce
ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les
suivent
Le ciel était gris de nuages,
il
y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage,
au-dessus
des maisons, des quais
Je les voyais par la fenêtre,
leur
chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
du Rainer Maria Rilke
Elle était brune et pourtant blanche,
ses
cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche,
elle
ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence
et
travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
qui n'en est jamais revenu
Est-ce
ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les
suivent
Il est d'autres soldats en ville
et
la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils,
Lola,
qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur,
ce
fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton cœur,
un dragon plongea son couteau
Est-ce
ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les
suivent
Comme des soleils révolus.
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