mercredi 2 février 2022

2 février 2022 : migrants et sans-abri

 

Et puis, les survivants qui arrivaient à toucher terre, quel bel accueil ils recevaient de notre pays ! Camps d’accueil, ça s’appelait, et en fait, bien souvent, c’était tout simplement des camps de concentration.

(Andrea Camilleri, L’âge du doute, trad. Serge Quadruppani, Fleuve noir, 2013)



Venant de Sicile, l’écrivain Andrea Camilleri sait de quoi il parle quand il cause des migrants, et il appelle un chat un chat. Il est vrai qu’il vaut peut-être mieux les regrouper dans les camps d’internement qu’il nomme camps de concentration plutôt que les laisser en liberté (?) dans des campements sauvages comme nous faisons à Calais. Tout en envoyant notre police détruire régulièrement leurs camps tout aussi sauvagement, avec même une violence inouïe…

Il est vrai aussi que ça se passe un peu partout comme ça dans le monde, y compris dans les pays prétendument démocratiques ou qui passent pour tels : Israël n’enferme-t-il pas les Palestiniens dans leur propre pays, les parquant à Gaza depuis quinze ans derrière des barbelés, se livrant à des assassinats ciblés par drones, bombardant régulièrement (de plus en plus par drones) habitations, écoles et hôpitaux, privant les habitants d’eau et d’électricité, contrôlant leur approvisionnement alimentaire, etc. ? Et, de surcroît, pour chasser les Palestiniens de chez eux, à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, détruisant systématiquement des maisons, des récoltes, arrachant des arbres, arrêtant arbitrairement ceux qui osent résister à leur emprise, les détenant des années sans jugement, les assassinant en toute impunité ?… Et ça se prétend une démocratie modèle ? Bonjour les crimes de guerre, et ça confirme ce que j’ai dit et écrit plusieurs fois : moralement sinon techniquement, Hitler a gagné la guerre. Puisque tous les pays aujourd’hui s’inspirent des méthodes nazies.


Passons à un sujet voisin, car il n’y a pas que les migrants, il y a aussi les sans-abri (les migrants le sont souvent). Je lisais dans le Siné Mensuel de septembre 2021 : « L’État maintient une politique qui crée du sans-abrisme », sous la plume de Jean-Baptiste Eyraud, président de Droit au logement. Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre va dans le même sens et estime que le nombre de sans-abri a doublé ces dix dernières années et ne parlons pas du nombre des mal logés dans des taudis indécents ou chez des marchands de sommeil ! L’Association La mie de pain donne le témoignage suivant de Pierre, 53 ans : "Il fait froid. Chaque soir, je me couche sur une bouche d’aération qui me réchauffe un peu, mais en ce moment, je mets quand même plusieurs pulls sous mon sac de couchage, sinon le sol est trop froid. C’est souvent dur de dormir. À chaque fois, au moindre bruit, je me réveille et je ne me rendors plus. À mon âge et avec le froid, le quotidien est difficile". Et pendant ce temps, la télé ne cesse de diffuser des émissions du type Maison à vendre, Recherche appartement, Mieux chez soi, Total rénovation ou La maison France 5, qui sont l’usine à rêves d’aujourd’hui pour ceux qui ont les moyens ou envie de s’endetter.

Dans notre monde évolué, se disant civilisé, on en est là. Des pays d’Europe sont en train de construire des murs à leurs frontières. Si on pouvait cacher migrants et SDF derrière des murs, on le ferait. Pendant ce temps-là, les maîtres de la finance s’enrichissent insolemment et ont même profité tant qu’ils ont pu du covid. Ah ! si cette pandémie avait pu décimer migrants et sans-abri, beaucoup se seraient frotté les mains ! Mais ce damné virus nous a tous touchés : c’est tout de même injuste, non ?

Heureusement qu’il y a de nombreuses associations (et donc des gens) qui aident les migrants et les sans-abri ! Ça nous rend fiers encore d’être humain : tout le monde ne songe pas forcément à s’enrichir en créant des start-ups ou en spéculant. La fraternité, la solidarité, l’altruisme, le don de soi existent encore : "tout ce qu’il y a de beau en nous, l’imagination et l’entraide", comme dit la narratrice du roman de Halldóra Thoroddsen, Double vitrage.

 PS : je viens de lire un tweet du 1er février de l'Association Utopia 56 Calais : "Hier, la police a menacé de verbaliser nos bénévoles pour avoir « selon des témoignages » distribué de la nourriture à des personnes à la rue. À Calais depuis septembre 2020, donner une pomme ou une bouteille d’eau peut vous couter 135€ d’amende. Le coût de l’humanité paraît-il".

 

 

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