jeudi 30 avril 2020

30 avril 2020 : suites (probables) de la pandémie


Nous avons renié l’éternité, nous voilà condamnés à l’Éphémère…
(Claude Calmel, La mémoire blessée, in Le chien des mers : roman patchwork, La voix domitienne, 1995)



dessin de Karak 
(source : http://karak.over-blog.com/)

Cette insistance à nous faire porter des masques commence à peser à toute une partie de la population. Certains n’en portent pas à l’extérieur (tant que ce n’est pas obligatoire), et moi qui en porte souvent un, je ne me détourne pas spécialement, le mètre d’écart me semble plus que suffisant. Mais il m’arrive aussi de sortir sans masque (d’ailleurs au supermarché, la moitié des clients n’en ont pas pour l’instant) et il m’arrive de croiser des gens qui s’écartent d’au moins 3 mètres, avouant ainsi que le port de leur masque ne leur apparaît pas comme une barrière suffisante à mon égard. De plus, alors que j’ai plusieurs masques (tissu, papier plus ou moins épais), quand je les enfile, je constate qu’ils me rendent la respiration difficile, et, pour un porteur de lunettes comme moi, mes verres sont systématiquement embués ! Il m’arrive donc de baisser le masque pour libérer mon nez et désembuer mes lunettes… Je comprends cependant la prudence que les institutions nous disent en recommandant l’utilisation de cet ustensile.
Ivan Illich écrivait dans les années 70 : "Dans les pays développés, l’obsession de la santé parfaite est devenue un facteur pathogène prédominant. Le système médical, dans un monde imprégné de l’idéal instrumental de la science, crée sans cesse de nouveaux besoins de soins. Mais plus grande est l’offre de santé, plus les gens répondent qu’ils ont des problèmes, des besoins, des maladies. Chacun exige que le progrès mette fin aux souffrances du corps, maintienne le plus longtemps possible la fraîcheur de la jeunesse, et prolonge la vie à l’infini. Ni vieillesse, ni douleur, ni mort. Oubliant ainsi qu’un tel dégoût de l’art de souffrir est la négation même de la condition humaine". On est aujourd’hui dans ce meilleur des mondes-là, du moins ici. Et on nous réclame de faire des dons aux entreprises pour relancer l’économie. Sans se soucier beaucoup de savoir si les dites entreprises (qui continuent à verser des milliards de dividendes) assureront vraiment la sécurité de leurs employés face à la pandémie.
Par ailleurs, il existe pourtant un moyen naturel de financer durablement les solidarités et de permettre à l’État de redistribuer les richesses : la fiscalité. Pendant de trop nombreuses années, non seulement les réformes fiscales du gouvernement ont durement affaibli les politiques publiques (l’hôpital public, le système scolaire, les transports publics, etc.) mais elle ont nourri un fort sentiment d’injustice fiscale. Si le président avait voulu ébranler ce sentiment, une des mesures de « rupture » qu’il aurait dû annoncer dès le mois de mars est le rétablissement du fameux ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune (quelques milliards d’euros qui nous manquent tout de même). L’appel aux dons individuels ne saurait être une mesure pouvant la remplacer : personnellement, je préfère faire des dons à des associations humanitaires, dons qui, je l’espère, servent à autre chose qu’à de somptuaires déplacements en avion pour vendre des contrats d’armes et financer des conflits aux quatre coins du monde

Sur les murs de Cuba, un pied-de-nez aux USA
 
On m'a communiqué dernièrement dans Le courrier (quotidien Suisse, internet a tout de même du bon, on n’y entend pas que la vulgate des grands de ce monde) : "Les patients cubains du Covid-19 n’auront pas droit aux respirateurs suisses, sur ordre des Etats-unis, à l’instar d’autres équipements médicaux. Mais le blocus exercé depuis la Suisse est aussi financier. [...] Huit organisations suisses dénoncent un blocus qui met en danger la vie de nombreux Cubains". Or, tout le monde sait que Cuba envoie des médecins un peu partout dans le monde pour lutter contre la pandémie. Mais voilà, ce petit état ne veut pas obéir au doigt et à l’œil à l’ogre US. "JAMAS RENUNCIAREMOS A NUESTROS PRINCIPIOS" faisait partie des slogans que j’ai vus lors de mon voyage à Cuba en 2018. J’ai aussi vu les effets dévastateurs du blocus et j’enrage de voir que les pays occidentaux dans leur ensemble emboîtent le pas aux USA dans les diverses mesures de rétorsion que ce pays, qui se croit le maître du monde, inflige non seulement à Cuba, mais aussi au Venezuela (ils ont mis à prix la tête du président) ou à l’Iran. Sommes-nous indépendants, oui ou non ? Admettons que Cuba ait fait du tort aux USA, mais à nous ? On est bien contents de voir leurs médecins débarquer à la Martinique !
Et nous suivons, comme des petits chiens, tout en demandant à nos concitoyens de suivre les conseils et directives diverses, qui, sous couvert de lutte contre la pandémie, nous intiment d’obéir avec docilité. Qui nous dit que ça ne continuera pas après ? Et que nos libertés fondamentales de réunion, de manifester, si chèrement conquises, ne seront pas jetées par les fenêtres ensuite, en particulier avec l’usage nocif des nouvelles technologies. J’ai vu le documentaire terrifiant d’Arte : Tous surveillés, 7 milliards de suspects (à voir en replay jusqu’au 16 juin, en direct le vendredi 15 mai à 09 h 25). Quand j’apprends qu’une application sur smartphone devrait permettre de nous suivre à la trace, ça ne me donne plus envie de téléphoner, et l’intrusion de la reconnaissance faciale qui va s’imposer (sous couvert de lutte contre le terrorisme, qui a bon dos), ça démontre les limites de notre liberté. Déjà les opposants au centre d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure sont tous suivis à la trace ; car, comme tout le monde sait, toute personne qui n'est pas un béni oui-oui est un terroriste en puissance. Bientôt chacun de nous sera sous une télésurveillance généralisée : et du Meilleur des mondes d’Huxley où nous sommes déjà, nous passerons au Big Brother du 1984 d’Orwell.

le site du documentaire d'Arte :
https://www.arte.tv/fr/videos/083310-000-A/tous-surveilles-7-milliards-de-suspects/

Aucun commentaire: