mercredi 25 mars 2020

25 mars 2020 : carnaval et rencontres



Plus on vieillit, plus on sent que savoir jouir du moment présent est un don précieux, comparable à un état de grâce.
(Marie Curie, Lettre à sa fille Irène, 1928, cité par Rosa Montero, L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir, trad. Myriam Chirousse, Métailié, 2015)


les racines (?)  phénoménales autour d'un tronc d'arbre
Il me reste à parler de mon séjour en Guadeloupe, après le départ de mes enfants, séjour qui a duré du 8 février au 7 mars, pendant lesquels j’ai logé deux nuits à Pointe-à-Pitre à l’hôtel Saint-John (8 février et 6 mars), deux nuits à l’hôtel de Rocroy (29 février et 1er mars), au bord de notre plage la plus usuelle, à Claire et moi pendant notre séjour là-bas de 1981 à 1984. Le reste du temps, j’étais chez mes amis Bourseau, sur les hauteurs de Baillif, où je me suis efforcé de ne pas trop les embêter. Donc balades à pied dans la montagne alentour, où il m’arrivait de rencontrer vers 17 h des ouvriers agricoles haïtiens que je saluais d’un « Ça va ? ». Balades à Basse-Terre, le chef-lieu, que j’ai sillonné de long en large avec une jolie promenade le long du front de mer jusqu’à la marina, à 2 km, une visite à la Médiathèque Caraïbe (MECA), mon ancienne bibliothèque. Et plusieurs vendredis après-midi à Baillif, les jours de marché, où Mathilde et Frédéric posaient leur étal de fruits et légumes comme chaque semaine. J’ai aussi pas mal pris le bus.

au centre de Pointe-à-Pitre, la statue d'un joueur de gwo-ka surnommé "Vélo"
 
J’ai revu Patricia N. à plusieurs reprises à Pointe-à-Pitre (elle habite en face du Musée Saint-John Perse) et à Baillif, où Michèle Bourseau l’avait invitée le week-end du 22 février ; Patricia débuta à la Bibliothèque en 1982, à l’annexe de Marie-Galante, où nous partîmes une fois, Yvon et moi, assurer un stage de formation pour les employés de bibliothèque de cette île, et dormîmes chez elle. Patricia, qui travaille désormais à l’annexe de la Bibliothèque départementale de prêt de Pointe-à-Pitre, doit partir à la retraite à la fin de cette année.

les arbres légèrement tordus par le vent

J’ai revu également, mais à Trois-Rivières, Gilbert L., le comédien qui avait monté un spectacle de marionnettes avec celles fabriquées et habillées par Claire en 1983 ou 4 ; ils avaient conçu en commun histoire et dialogues et firent ensemble les manipulations et les voix des personnages. Le spectacle fut donné à la Bibliothèque départementale et à la Librairie principale du centre ville de Basse-Terre. Claire en était très fière. J’avais rencontre Gilbert lors d’un jogging sur les pentes du volcan, nous avions sympathisé, je l’avais invité à la maison, et quand il a vu les marionnettes de Claire, il a été séduit et lui avait proposé d’en fabriquer quelques autres et d’en faire quelque chose. Qui sait ? Si nous étions restés là-bas, Claire se serait peut-être reconvertie dans les arts du spectacle plutôt que dans les bibliothèques. En effet, par la suite d’ailleurs, à Amiens, elle avait construit un petit théâtre (style kamishibaï) et avait fait un spectacle de théâtre d’ombres qui fut donné dans des jardins d’enfants. Gilbert, lui, est resté comédien-conteur-chanteur : il a une très belle voix, et dirige une compagnie de théâtre. Parallèlement, il prépare à l’UQAM de Montréal une thèse sur l’apprentissage du théâtre. Il y a trois ans, il a fait une résidence d’artiste d’un an en Corée du sud, d’où il est revenu avec un spectacle avec comédiens et danseurs coréens et antillais, de très grande qualité, m’a-t-on dit. J'étais très heureux de le revoir.

un jour de brume de sable, le ciel et la mer se marient

Mais, en dehors de mes périodes de solitude, j’ai vécu pas mal avec la famille Bourseau. Frédéric (qui a en outre un emploi de bureau, l’agriculture seule ne nourrissant pas une famille) et Mathilde produisent des légumes (christophine, roquette, etc.) et racines comestibles (madère...), des épices (curcuma, gingembre) et des fruits (papayes...) vendus au marché. Ils ont élevé trois enfants, dont la dernière a eu le bac l’an dernier. Michèle, la grand-mère, avait fait venir son frère et sa belle-sœur, avec qui elle a passé une semaine à Saint-François, deux nuits à la Désirade où ils avaient emmené les deux jeunes, Gallim et Sarah, puis ils sont partis deux autres semaines à la Martinique, où habite la sœur de Frédéric. Je l’ai donc assez peu vue, mais elle a pu apercevoir Mathieu et Lucile.

le carnaval de nuit
 
Avec Michèle, nous sommes allés ensemble au Carnaval, le lundi soir 24 février : c’était pour voir de nuit les chars suivis des groupes de danseurs et musiciens. Dans mon journal : "Ce qui me surprend, c’est que tout les costumes sont pailletés de petites lumières clignotantes : robes, ailes, chapeaux et diadèmes, ce qui rend tous les groupes un peu semblables, et le tout n’a rien à voir avec avec le carnaval que j’avais vu en 2010, où chaque groupe rivalisait d’ingéniosité en matière de couture et de choix des tissus. [...] Autre constatation : l’obésité qui gagne une partie de la population, [...] là, 70 % des danseuses, si peu vêtues, dévoilaient des cuisses hypertrophiées, un popotin énorme, bref un symptôme de la mal-bouffe sévissant ici. [...] Je me demande si, en France métropolitaines, on laisserait ces dames ou demoiselles (car il y a des jeunes parmi elles) être acceptées dans des groupes de majorettes ou de danses de ce type". Ensuite, j’ai retrouvé Frédéric et sa famille chez des amis à eux fort sympathiques (et on picolait sec !), d’où j’ai pu voir de leur balcon la fin du défilé dans la rue du centre ville. 

le bagad karukera de Baie-Mahault : celtes en Guadeloupe
 
Nous y sommes retournés (sans Frédéric et sa famille) le mardi après-midi 25 février pour voir le défilé plus complet du mardi gras avec l’ensemble des groupes : "autre vision du Carnaval qui durait jusqu’à minuit et peut-être plus, car de nombreux groupes se présentaient dans des tenues très différentes d’hier au soir. Parmi eux, un surprenant groupe breton, bagad de Baie-Mahault avec cornemuses et un Écossais dans le groupe ! Plusieurs portaient le kilt malgré la chaleur !!! Je me suis baladé en remontant les groupes vers le point de départ. Puis après avoir avisé Michèle par téléphone qu’elle pourrait me joindre quand ils décideraient de rentrer, je suis allé à pied jusqu’à leur voiture, fait une sieste dans l’herbe. Et j’ai observé de l’extérieur le Jardin botanique, fermé puisque la journée est fériée.

un groupe mené par des hommes

D’autres rencontres aussi, soit chez Frédéric avec quelques-uns de leurs amis, soit chez les amis eu-mêmes, notamment un couple que j’avais déjà vu lors de mon séjour de 2017 : la dimanche 16 février, vers dix-sept heures, Frédéric et Mathilde m’ont emmené à Vieux-Habitants, la commune au nord de Baillif, invités à un apéro chez Alfredo le musicien brésilien et sa compagne Solange, Française et infirmière libérale qui a beaucoup bourlingué. Ayant atteint la soixantaine, ils ont mis en vente leur maison, en bois, très belle, et envisagent de rentrer en France, où ? Dans les Landes. Alfredo avait préparé des beignets de manioc à la brésilienne : très bon. Un bol de cerises-pays était la petite douceur. Excellente soirée très arrosée, comme il se doit en Guadeloupe…

bel immeuble à Basse-Terre

Et, presque tous les soirs, j’avais l’enchantement du coucher de soleil dans la mer que je pouvais voir de mon balcon, avant de descendre dîner chez Frédéric ou de manger chez moi. Marrant, cette manière que j’ai de dire « chez moi » quand je suis ailleurs. Est-ce mon habitude de voyager beaucoup qui me fait m’installer à chaque fois dans un chez moi nouveau ? Il faut dire que là, c’est la troisième fois, après 2010 et 2017 que j’occupe le même petit appartement au-dessus de la maison Bourseau. Yvon me manquait, mais cette famille est tellement chaleureuse qu'elle m'a fait oublier son absence et que je m’y suis trouvé bien une fois de plus. Un grand merci à tous. Le dernier soir, je les ai invités à manger dans un restaurant de leur choix : ce fut Le guet-apens sur les hauteurs de Matouba, côté Baillif. Belle soirée finale. Le lendemain, Mathilde vint me déposer à la gare routière de Basse-Terre où je pris le bus pour une dernière nuit à l’Hôtel Saint-John de Pointe-à-Pitre.

la belle promenade de bord de mer à Basse-Terre

Retournerai-je en Guadeloupe ? Mystère...

tout près de la maison des Bourseau, un cocotier cassé en deux par un cyclone


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