dimanche 28 mai 2017

28 mai 2017 : toujours du cinéma


COUDRIER : J’ai l’air gai parce que je suis heureux...
LA JEUNE FEMME : Vous êtes heureux ?
COUDRIER : Oui...
LA JEUNE FEMME : Comment faites-vous ?
COUDRIER : C’est une question d’habitude...
(Jacques Prévert, Cinéma, scénarios inédits : Le Grand Matinal, Gallimard, 2017)

Au moment où s’achève le Festival de Cannes, avec de beaux films primés, je fait un dernier état des films vus récemment, encore un tour du monde d’ailleurs :


Italie : Il posto (L’emploi, Ermanno Olmi, 1961). Décidément, j’aurais vu plein de films italiens des années 50 et 60 cette année, que j’avais ratés à l’époque. Le film d’Olmi est une comédie sociale sur une famille pauvre, dont le fils aîné, Domenico, a la possibilité de se faire embaucher pour un emploi de bureau dans une grande entreprise de Milan. Domenico est d’abord employé comme coursier avant de progresser dans la hiérarchie bureaucratique : le film est une satire des employés de bureau (à comparer avec Les employés de Balzac, ou Messieurs les ronds-de-cuir de Courteline), et le héros est une sorte de Buster Keaton perdu dans les arcanes de ce bureau ouvert, où chacun surveille les autres ! Au fond, c'est aussi tragique, bien que j'aie beaucoup ri !

 
Birmanie : Adieu Mandalay (Midi Z) raconte les pérégrinations de deux migrants birmans en Thaïlande. Comme quoi les migrations ne sont pas propres à l’Europe. La Thaïlande est un eldorado pour les Birmans. Tandis que le jeune homme ne cherche qu’à la protéger pour essayer par l’épouser, elle ne cherche qu’à obtenir des papiers. Car les clandestins ont du mal à trouver du travail. Pour les femmes, reste la possibilité de la prostitution ! Le film dénonce la corruption de l’administration, le concussion des flics et des douaniers, le patronat qui profite de la situation. C’est un film très dur, sans concession, qui se termine en tragédie. Superbe, très cru ! Avec nos milliers de morts en Méditerranée, on peut faire des parallèles intéressants. Un film d'urgence !


Chli : Plus jamais seul (Alex Andwanter) : le héros est un adolescent, Pablo, qui cherche à gagner un concours de chant, pour lequel il se maquille et se travestit en femme. Il a à peine dix-huit ans, a un amant, Félix, mais il est victime de la vindicte des garants de la virilité (des jeunes gens, étudiants comme lui, qui ont peur de l’homosexualité) qui finissent par l’agresser (y compris Félix, qui accepte mal sa propre sexualité) de façon très violente le jour où il va au concours, le laissant pour mort. Son père, Juan, pète un plomb, en voyant que ses agresseurs ne seront absolument pas inquiétés, parce qu’il n’y avait pas de témoins. Il va chercher à venger son fils, dont il comprend enfin la profonde solitude. Un film noir, très noir, qui laisse peu d’espoir. En ces temps d'homophobie ordinaire (Voir en France l'affaire Hanouna, en Tchétchénie, la martyre des homos), un film à voir.


France : L’amant double (François Ozon). L'Association des amis de l'Utopia 33 avait choisi ce film pour organiser une ciné-discussion après le film. Mais tout le monde ou presque s’est débiné. Raison à mon avis : c’est un film sur lequel y a pas grand-chose à dire. Non pas qu’il soit mauvais, on ne s'ennuie pas, mais le scénario est tarabiscoté, Ozon lorgne du côté d’Hitchcock, avec le thème du double et de la névrose. Mais franchement, on s’intéresse peu aux états d’âme de la névrosée (excellente Marina Vacth) qui hésite entre son psy, Paul ou le jumeau de ce dernier, Louis (tous deux joués par le formidable Jérémie Rénier). Mais ce dernier existe-t-il ? N’est-il pas qu’un fantasme de Chloé ? Ça m’a paru très en deçà de ses derniers films, et surtout de Frantz. Ça se laisse voir, mais après les trois films précédents, ça sonne creux !

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