COUDRIER :
J’ai
l’air gai parce que je suis heureux...
LA
JEUNE FEMME : Vous
êtes heureux ?
COUDRIER :
Oui...
LA
JEUNE FEMME :
Comment faites-vous ?
COUDRIER :
C’est
une question d’habitude...
(Jacques
Prévert, Cinéma,
scénarios inédits : Le Grand Matinal,
Gallimard, 2017)
Au
moment où s’achève le Festival de Cannes, avec de beaux films
primés, je fait un dernier état des films vus récemment, encore un
tour du monde d’ailleurs :
Italie :
Il
posto
(L’emploi,
Ermanno Olmi, 1961). Décidément, j’aurais vu plein de films
italiens des années 50 et 60 cette année, que j’avais ratés à
l’époque. Le film d’Olmi est une comédie sociale sur une
famille pauvre, dont le fils aîné, Domenico, a la possibilité de
se faire embaucher pour un emploi de bureau dans une grande
entreprise de Milan. Domenico est d’abord employé comme coursier
avant de progresser dans la hiérarchie bureaucratique : le film
est une satire des employés de bureau (à comparer avec Les
employés
de Balzac, ou Messieurs
les ronds-de-cuir
de Courteline), et
le héros est une sorte de Buster Keaton perdu dans les arcanes de ce
bureau ouvert, où chacun surveille les autres ! Au fond, c'est aussi tragique, bien que j'aie beaucoup ri !
Birmanie :
Adieu
Mandalay
(Midi Z) raconte les pérégrinations de deux migrants birmans en
Thaïlande. Comme quoi les migrations ne sont pas propres à
l’Europe. La Thaïlande est un eldorado pour les Birmans. Tandis
que le jeune homme ne cherche qu’à la protéger pour essayer par
l’épouser, elle ne cherche qu’à obtenir des papiers. Car les
clandestins ont du mal à trouver du travail. Pour les femmes, reste
la possibilité de la prostitution ! Le film dénonce la
corruption de l’administration, le concussion des flics et des
douaniers, le patronat qui profite de la situation. C’est un film très dur, sans concession, qui
se termine en tragédie.
Superbe, très cru ! Avec nos milliers de morts en Méditerranée, on peut faire des parallèles intéressants. Un film d'urgence !
Chli :
Plus
jamais seul
(Alex
Andwanter) : le héros est un adolescent, Pablo, qui cherche à
gagner un concours de chant, pour lequel il se maquille et se travestit en femme. Il a à
peine dix-huit ans, a un amant, Félix, mais il est victime de la
vindicte des garants de la virilité (des jeunes gens, étudiants
comme lui, qui ont peur de l’homosexualité) qui finissent par
l’agresser (y compris Félix, qui accepte mal sa propre sexualité) de façon très violente le jour où il va au concours,
le laissant pour mort. Son père, Juan, pète un plomb, en voyant que
ses agresseurs ne seront absolument pas inquiétés, parce qu’il n’y
avait pas de témoins. Il va chercher à venger son fils, dont il
comprend enfin la profonde solitude. Un film noir, très noir, qui
laisse peu d’espoir. En ces temps d'homophobie ordinaire (Voir en France l'affaire Hanouna, en Tchétchénie, la martyre des homos), un film à voir.
France :
L’amant
double
(François Ozon). L'Association des amis de l'Utopia 33 avait choisi ce film pour organiser une
ciné-discussion après le film. Mais tout le monde ou presque s’est
débiné. Raison à mon avis : c’est un film sur lequel y a
pas grand-chose à dire. Non pas qu’il soit mauvais, on ne s'ennuie pas, mais le
scénario est tarabiscoté, Ozon lorgne du côté d’Hitchcock, avec
le thème du double et de la névrose. Mais franchement, on
s’intéresse peu aux états d’âme de la névrosée (excellente
Marina Vacth) qui hésite entre son psy, Paul ou le jumeau de ce
dernier, Louis (tous deux joués par le formidable Jérémie Rénier). Mais ce dernier existe-t-il ? N’est-il
pas qu’un fantasme de Chloé ? Ça m’a paru très en deçà
de ses derniers films, et surtout de Frantz. Ça se laisse voir, mais après les trois
films précédents, ça sonne creux !
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