Tu
n’as pas de chez-toi jusqu’à ce que tu t’en ailles, et une
fois que tu es parti tu ne peux jamais revenir.
(James
Baldwin, La chambre de Giovanni,
trad. Élisabeth Guinsbourg, Rivages, 1997)
J’ai
jeûné aujourd’hui.
En solidarité avec les grévistes
palestiniens de la faim, retenus depuis de nombreuses années dans
les geôles israéliennes (l'un d'eux depuis 35 ans !), parfois sans inculpation ni le moindre
jugement, pour des durées illimitées, sans accès à leur dossier
(ce que l’occupant appelle la détention "administrative")
et
qui demandent les droits les plus élémentaires : fin
de la détention "administrative", du confinement et des tortures,
visites familiales deux fois par mois, un téléphone public en
prison, un accès à des soins et des médecins indépendants et même
la possibilité d’étudier en prison...
Ce
qui existe dans toutes les prisons des pays un tant soit peu
démocratiques. Mais Israël, qui réserve sur son territoire des
droits à certains et les dénient à d’autres (cartes d’identité
différentes par exemple), créant de fait de la ségrégation, voire
de l’apartheid, est-il une démocratie ? Il ne suffit pas
d’organiser des élections pour se prétendre "démocratie" :
on ne le voit que trop dans le monde, et même à nos portes...
Les
prisonniers
en question, en grève de la faim depuis le 17 avril, sont
tous des opposants à l’occupation israélienne, mais ils sont privés du
statut de prisonnier politique (ce qui permet à l’occupant de les
incarcérer en toute illégalité hors de leur territoire, la
Palestine), ils sont constamment harcelés, brutalisés, quand ce
n’est pas torturés, y compris les enfants de 13-14 ans qui jettent
des pierres sur les tanks de l’armée occupante, sur leurs
bulldozers qui démolissent les maisons des soi-disant "terroristes"
(jetant des familles entières à la rue et dans la misère), ou sur
les tractopelles qui arrachent leurs oliviers. Car, bien sûr, quand on
est puissance occupante, on peut tout faire : faire
de Gaza un immense camp de concentration à ciel ouvert de près de 2 millions d'habitants, et de la
Cisjordanie occupée un laboratoire des méthodes d’occupation
coercitives qui serviront vraisemblablement de modèle à d’autres
états se disant eux aussi démocratiques.
l'affiche de la conférence
(avec le rappel de Mandela en figure de proue de la résistance)
Bref,
j’en ai appris de belles pendant mon séjour parisien. Bien sûr,
j’en savais déjà beaucoup, on peut s’informer, quand on veut,
et ne pas subir le poids des grands médias cachottiers de tout ce
qui les dérange (plus exactement de ce qui dérange leurs propriétaires).
Le 19 mai, j’ai assisté à l’Ile Saint-Denis (en présence du maire de la commune, eh oui, tous les élus ne sont pas corrompus !) à une Conférence-débat sur la Palestine, la situation des prisonniers palestiniens et le droit international. Étaient présents : le jeune Palestinien Alaa Shadi (qui étudie en France, et dont le père est en prison depuis vingt ans), l’opposant israélien Ronnie Barkan, et surtout la jeune refuznik (on appelle ainsi ceux qui refusent le service militaire obligatoire en Israël, de trois ans pour les garçons, de deux ans pour les filles, service militaire qui consiste en un bourrage de crâne intensif culminant dans les territoires "occupés" où on les oblige à humilier en permanence ces "sous-hommes" que sont les Palestiniens) Tamar Alon : cette jeune fille de dix-huit ans à peine, qui a préféré faire de la prison au déshonneur de servir une armée d’occupation qui humilie quotidiennement les Palestiniens, m’a impressionné par son calme, son beau sourire et la clarté de son discours en anglais suffisamment laborieux pour que je le comprenne. Tous trois ont souligné l’importance du soutien international, ainsi que celle du boycott (BDS Boycott Désinvestissement Sanction), sans trop se faire d’illusions cependant.
Le 19 mai, j’ai assisté à l’Ile Saint-Denis (en présence du maire de la commune, eh oui, tous les élus ne sont pas corrompus !) à une Conférence-débat sur la Palestine, la situation des prisonniers palestiniens et le droit international. Étaient présents : le jeune Palestinien Alaa Shadi (qui étudie en France, et dont le père est en prison depuis vingt ans), l’opposant israélien Ronnie Barkan, et surtout la jeune refuznik (on appelle ainsi ceux qui refusent le service militaire obligatoire en Israël, de trois ans pour les garçons, de deux ans pour les filles, service militaire qui consiste en un bourrage de crâne intensif culminant dans les territoires "occupés" où on les oblige à humilier en permanence ces "sous-hommes" que sont les Palestiniens) Tamar Alon : cette jeune fille de dix-huit ans à peine, qui a préféré faire de la prison au déshonneur de servir une armée d’occupation qui humilie quotidiennement les Palestiniens, m’a impressionné par son calme, son beau sourire et la clarté de son discours en anglais suffisamment laborieux pour que je le comprenne. Tous trois ont souligné l’importance du soutien international, ainsi que celle du boycott (BDS Boycott Désinvestissement Sanction), sans trop se faire d’illusions cependant.
les trois invités : au centre, la jeune refuznik
Car,
à l’égal de sa maîtresse en realpolitik, l'infâme et machiavélique Margaret Thatcher
qui, lors de l’incarcération et de la grève de la faim des
activistes irlandais (dont Bobby Sands, pourtant élu député, qui en mourra) disait :
« Qu’ils crèvent ! », Netanyahou ne dit pas autre
chose, mais comme il pense à l’opinion publique mondiale, il est
prêt à nourrir de force les malheureux, qui bien entendu, ne le
veulent pas. Il paraît (d’après Ronnie Barkan) que les médecins
israéliens sont opposés à l’alimentation forcée, et qu’on va
devoir faire appel à des médecins étrangers, moins soucieux de
morale politique (et sans doute grassement payés pour ce faire). On
en est là au bout de quarante jours.
Que
peut-on faire ? Demander à nos dirigeants de faire respecter par leur allié israélien les conventions de Genève qu’il a
signées ? Faut pas trop y compter, car à part De Gaulle ("ce
peuple sûr de lui et dominateur", disait-il en 1967,
décidément, il était visionnaire !), tous nos dirigeants ont rampé
devant l’état israélien. Informer en place publique par des
tracts, car il ne faut pas trop compter sur les "merdias"
(comme disent mes amis de tous bords) radio, télé ou magazines, pour l’être.
Boycotter certaines entreprises mondialisées, comme HP (oui, Hewlett
Packard) qui fournit à Israël les moyens d’opprimer encore
davantage les Palestiniens, notamment aux check-points complètement
illégaux, puisqu’en territoire palestinien (mais qui pourrissent
la vie des habitants, autant que celle des soldats affectés à ces
postes), tout en aidant activement les colonies israéliennes
illégales de Cisjordanie.
Parallèlement,
avec mes cousins, je suis allé voir Le chanteur de Gaza, un
biographie filmée de Mohammed Assaf qui a pu s’enfuir, avec de
faux papiers, de Gaza vers l’Egypte en 2012 pour participer à
l’émission de télé Arab Idol, où il triompha. Depuis, il a un
passeport diplomatique qui lui permet de voyager partout dans le
monde, sauf qu’il ne peut pas revenir chez lui, car Gaza est une
immense prison dont on ne peut ni entrer ni sortir. Le film nous le
montre dans cet enfermement, se promenant le long de la mer, mais
impossible de s’échapper par là, le long des km de clôtures
barbelées et électrifiées qui vont vers Israël. C’est
impressionnant, on voit enfin Gaza outragé, brisé, martyrisé, en attendant d'être libre un jour (il paraît que le réalisateur a
eu droit à deux jours pour filmer des scènes à Gaza, il a dû
compléter par des prises de vue en Égypte ou au Liban). J’aurais
vu pas mal de biopics (comme on dit, un peu marre de tous ces
anglicismes) musicaux cette année (Dalida, Django,
celle-ci), mais celle-ci est encore plus pertinente que Django, en termes politiques.
Ne
vous inquiétez pas trop, j’ai assez l’habitude de sauter un repas
de temps en temps, là, j’en aurai sauté deux... Qu’est-ce par
rapport à tous ces gens qui jeûnent depuis près de quarante
jours ? Et qui risquent leur vie : elle vaut bien la nôtre, non ?
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