DOMIN :
Que pensez-vous ? Quel est le meilleur ouvrier possible ?
HÉLÈNE :
Le meilleur ? Probablement celui qui... qui... est honnête...
et dévoué.
DOMIN :
Non. Celui qui coûte le moins cher. Celui qui exige le moins.
(Karel
Čapek, R.U.R. Rossum’s Universal Robots,
trad. Jan Rubel, La Différence, 2011)
Voilà,
je suis rentré de Paris, j’ai réussi à me dépatouiller avec internet pour faire ma déclaration de revenus, et
grâce à mes dons nombreux en 2016, je ne devrais presque pas payer
d’impôt sur le revenu... Par contre, il faudra que j’économise pour l’année
suivante, où ça va barder pour mon matricule (ce sera multiplié
par 10 au moins, peut-être par 15)...
j'ai eu une pensée émue vers mes amis antillais en passant sur ce quai, près des Tuileries
Outre
la Palestine, dont je vous causais hier, mais qui, comme la Grèce
(pour des raisons finalement
pas si différentes : les deux peuples sont opprimés),
me tient beaucoup à cœur, j’ai
profité de mon passage de quelques jours pour me balader à pied ou
à vélo (parfois en métro aussi), découvrir quelques coins curieux
(il suffit d’ouvrir les yeux), voir quelques amies, faire une
exposition, et même acheter des bouquins ou aller au cinéma.
une étrange devanture, rue du Jardinet
Je
suis donc allé au Musée d’Orsay, en compagnie de C., ma
condisciple de l’École nationale supérieure des bibliothèques,
qui est très férue de musées et d’expositions. Elle m’avait
donné Rendez-vous gare Saint-Lazare, devant la sculpture des
horloges entassées. Nous sommes allés manger dans un des derniers
(dixit le Guide du Routard)
restaurants "routiers" parisiens, très chargé en semaine,
mais presque vide le samedi. C’était fort bon.
devant la gare, la fameuse sculpture d'horloges (artiste : Aman)
Puis direction
Orsay par bus. l’exposition s’intitule : Au-delà
des étoiles, le paysage mystique, de Monet à Kandinsky,
qui par le partenariat avec le Musée de Toronto, nous fait découvrir
quelques toiles de l’École canadienne des années 20. Il faut
avouer que l’ensemble fait un peu disparate, mais a trouvé pas mal
d’échos en moi, surtout avec le thème de la nuit. Quelques
tableaux connus, beaucoup de découvertes, ça sert aussi à ça, les
expositions. En sortant, on a admiré quelques Courbet et quelques
sculptures. Un bel après-midi bien frais, alors qu’il faisait
chaud dehors...
dans les jardins du Palais Royal, les corbeaux affectionnent les cuisses de cet éphèbe
J’ai
retrouvé l’amie S., une pasteure anglicane aujourd’hui
retraitée, mais qui officie encore une fois par mois à Calais et,
le reste du temps, aide sa fille et son gendre en gardant leurs
enfants. Nous avons déjeuné ensemble lundi au Pain
quotidien, un restaurant
végétarien qui m’a beaucoup plu, situé juste à côté des
jardins du Palais Royal, rue des Petits-Champs. S. a ainsi découvert
les galeries et la jardin en question, qu’elle n’avait encore
jamais vus. Il est vrai qu’elle n’habite à Paris (Bagnolet) que
depuis sa mise à la retraite il y a trois ou quatre ans. Elle avait
officié principalement en Italie et en Suisse pour les communautés
anglaises, encore pratiquantes (plus que les françaises ?).
Côté
cinéma, j’ai complété ma filmographie de Fellini avec Et
vogue le navire
(1983 : nous étions alors en Guadeloupe, où bien sûr, le film
ne fut pas projeté ; il y aurait un livre à écrire sur la
distribution des films - et des livres ? Et se demander pourquoi on
fait si peu de propositions et pourquoi on préfère passer des tas
de bêtises propres à vous dégoûter définitivement du cinéma et à faire croire au public qu'il est forcément idiot).
Bref, comme tous les Fellini des années 60 et 70, c’est un film
qui subjugue par son côté visuel et grotesque. Ah, ne pas compter sur lui pour
se limiter à un plat réalisme. Sa mer en plastique est une
merveille qui ouvre l’imagination, son paquebot de studio est un
navire plus vrai que les réels, les acteurs (peu connus) sont au top, et en plus c'est un film d’actualité, car le navire est amené à secourir des
naufragés serbes en perdition sur la mer, qui tentent de fuir la guerre autrichienne (on est
en 1914). C’est magnifique, nous eûmes du mal à sortir de notre
fauteuil, tant nous étions dans le film...
Et
puis, puisqu’il y avait Cannes, pourquoi ne pas aller voir un des
films projetés là-bas ? Ce fut Les fantômes
d’Ismaël, le nouveau film de
Desplechin, avec un Mathieu Amalrik en très grande forme, entouré
d’une pléiade d’acteurs où se distinguaient particulièrement
Louis Garrel, Charlotte Gainsbourg et
Marion Cotillard, un peu moins gourde que d’habitude (j’avoue mon
aversion pour cette actrice, je n’y peux rien !), mais
cantonnée dans un rôle désagréable qui lui allait comme un gant.
Ça raconte les affres d’un fabricant de films, dont la femme a
mystérieusement disparu depuis plus de vingt ans (elle s'appelle Carlotta, allusion
à l’héroïne du Vertigo
d’Hitchcock ?). Il a refait sa vie récemment avec une femme
non moins mystérieuse, Sylvia. Mais il doute, et le retour
impossible de sa première femme va le mettre en plein désarroi, au
point qu’il décide d’arrêter le tournage de son nouveau film et
de se retrancher dans la maison familiale de Roubaix, d’où il va
falloir l’extraire. Le scénario pêche un peu par sa complexité
(peut-être aussi parce qu’il y a eu vingt-cinq minutes de
coupures), on s’y perd un peu, mais ça m’a bien plu.
Le semeur, de Van Gogh, qui sert de phare pour l'exposition sur le paysage mystique
À
propos de cinéma, je me suis rendu compte que le nombre de vrais
cinémas (ceux dits indépendants ou d’art et d’essai) s’amenuise
comme une peau de chagrin, même à Paris. Les grands groupes sont en train de les
bouffer complètement. Je suis quand même content, j’aurais connu
la merveilleuse époque de la grande diversité des salles obscures.
Quand il n’y aura plus que les grands complexes, les spectateurs
comme moi pourront dire adieu à leur 7ème art,
qui ne sera plus que du divertissement (entertainment ou machine à
décerveler, n’est-ce pas, Alfred Jarry ?), parfois de
qualité, mais le plus souvent médiocre et sans intérêt autre que
de nous faire perdre notre temps, alors que la vie est si
"misérablement courte", comme disait un certain Blaise
Pascal ! Il est vrai que la planète entière est en train de se transformer en parc d'attractions (pour les riches) et en mouroir (pour les pauvres).
sous les verrières de l'ancienne gare d'Orsay, les faunes dansent
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire