vendredi 9 octobre 2015

9 octobre 2015 : le monde s'améliore de jour en jour !



quand le cynisme de la machine économique prétend imposer au monde sa folie destructrice, les individus sont obligés de défendre, en luttant, leurs dernières chances de réaliser une communauté humaine intégrée dans la nature. Confrontés à cette alternative démentielle, qui pourrait reprocher aux hommes le refus de se soumettre, sinon leurs bourreaux ?
(Sergio Ghirardi, Nous n'avons pas peur des ruines : les situationnistes et notre temps, L'insomniaque, 2004)

Il faut toujours en revenir à Victor Hugo, et à son maître-livre, Les misérables. Voici, pour répondre à ceux – aux journaux notamment – qui se plaignent de « l'agression » sauvage dont ont été victimes le directeur des ressources humains (ah ! quelle belle invention que cette expression : nous voici réduits, nous, êtres humains, personnes, à des ressources, comme le charbon, le pétrole, la terre et ce qu'elle produit, et donc jetables et consommables comme ces productions ou extractions) d'Air France et son acolyte tout récemment, ce qu'écrivait ce formidable écrivain, lors d'une éruption de violence relatée dans le roman :

"Sauvages. Expliquons-nous sur ce mot. Ces hommes hérissés qui, dans les jours génésiaques du chaos révolutionnaire, déguenillés, hurlants, farouches, le casse-tête levé, la pique haute, se ruaient sur le vieux Paris bouleversé, que voulaient-ils ? Ils voulaient la fin des oppressions, la fin des tyrannies, la fin du glaive, le travail pour l'homme, l'instruction pour l'enfant, la douceur sociale pour la femme, la liberté, l'égalité, la fraternité, le pain pour tous, l'idée pour tous, l'édénisation du monde, le Progrès ; et cette chose sainte, bonne et douce, le progrès, poussés à bout, hors d'eux-mêmes, ils la réclamaient terribles, demi-nus, la massue au poing, le rugissement à la bouche. C'étaient les sauvages, oui ; mais les sauvages de la civilisation. […] En regard de ces hommes, farouches, nous en convenons, et effrayants, mais farouches et effrayants pour le bien, il y a d'autres hommes, souriants, brodés, dorés, enrubannés, constellés, en bas de soie, en plumes blanches, en gants jaunes, en souliers vernis, qui, accoudés à une table de velours au coin d'une cheminée de marbre, insistent doucement pour le maintien et la conservation du passé, du moyen âge, du droit divin, du fanatisme, de l'ignorance, de l'esclavage, de la peine de mort, de la guerre, glorifiant à demi-voix et avec politesse le sabre, le bûcher et l'échafaud. Quant à nous, si nous étions forcés à l'option entre les barbares de la civilisation et les civilisés de la barbarie, nous choisirions les barbares."


Dans le cas d'Air France, on est bien ici dans un conflit entre le patronat de droit divin (la direction et son plan de retructuration, 2 900 licenciements, tout de même, aux ordres des actionnaires, bien camouflés derrière leurs « cheminées de marbre » : on ne les voit jamais) et ceux qui réclament le travail pour tous. Ce qui m'étonne, moi, c'est qu'il y ait eu au contraire si peu d'explosion de violence et je ne suis nullement surpris de ce qui se passe actuellement. Les plans sociaux sont destructeurs d'humanité. Il n'y a pas de dialogue possible quand on vous somme - le couteau sous la gorge, d'accepter un tel plan social !
Pour comparer avec un autre point de l'actualité (mais il y en aurait dix autres !), c'est comme si on demandait aux Palestiniens, humiliés en permanence, expropriés des fameuses zones de colonisation (qui ne sont que du vol des terres), parqués derrière des check-points, des murs et des barbelés, privés d'eau, de soins, persécutés sans cesse, emprisonnés sans être jugés, de ne jamais se révolter. Ce qui m'étonne, moi, c'est qu'il y ait eu au contraire si peu d'explosion de violence, et je ne suis nullement surpris de ce qui se passe actuellement. Peut-on dialoguer avec un état militarisé à outrance ?
Il y a de plus en plus de misérables. Le monde va mal.

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