Akli :
Tout
homme est voué à la mort, ô Menouer... Il en est qui attendent
d'elle qu'elle les ravisse par surprise... D'autres s'y préparent...
C'est une question de choix.
(Abdelkader
Alloula, Les
généreux,
trad. Messaoud Benyoucef, Actes sud, 1995)
Un
témoignage sur le site de l'ADMD (Association pour le Droit de
Mourir dans la Dignité), dont je suis adhérent :
« Je
me permets ces quelques lignes afin de vous faire part de la fin de
vie de mon père.
Suite
à un AVC avec paralysie de la moitié de son corps, difficulté de
la parole et retour aux couches, il a manifesté de suite son envie
de partir.
Homme
solide, ancien résistant, il n’avait pas peur de la mort. Ce
sujet, nous l’avions abordé souvent, et il se promettait de faire
le nécessaire si la maladie l’y contraignait, à l’exemple de
son frère aîné. Sauf que cet AVC ne lui a pas laissé le choix.
Lorsqu’à
l’hôpital, j’ai vu dans ses yeux désespérés ce qu’il
souhaitait, je l’ai rassuré en lui promettant de faire le
nécessaire… il avait 86 ans.
Bien
évidemment, je me suis heurtée à un mur d’obscurantisme.
Pour
lutter contre ses soins, il a commencé par arracher sa sonde nasale
jusqu’à ce qu’on lui attache son seul bras disponible.
Devant cette horreur, je l’ai détaché mais l’on m’a menacé
de m’interdire de visite, j’ai dû me soumettre et lui ai
expliqué que l’on était bel et bien poings liés devant cette
autorité médicale.
Après
plusieurs tentatives de désespoir de sa part et du peu de moyens
dont il disposait, on lui a administré des antidépresseurs.
Il
s’est éteint dans une misère morale indescriptible, une
souffrance physique insoutenable due à des escarres dans le dos.
La
morphine lui a été donnée deux jours avant sa mort. Trois mois
d’un long calvaire. Sa mort a été une délivrance, la fin d’un
martyre.
Voilà,
monsieur le Premier Ministre, une fin de vie ordinaire, dans un
hôpital ordinaire, et je reste perplexe quant à la loi Leonetti ;
qu’a-t-elle amené ? Quelles en sont les améliorations ? Je
constate un grand vide ; que n’ai-je pas rencontré sur ce chemin
difficile un docteur Bonnemaison… »
*
Voilà
où nous en sommes aujourd'hui. Il y a d'autres témoignages du même type sur le site.
Malgré
mes directives anticipées, je sais qu'en cas d'AVC, si je suis pris
en charge, je n'aurai plus aucun moyen de lutter contre la médecine
toute-puissante, même si elle se révèle impuissante dans le cas d'un AVC grave : j'ai
souligné moi-même en caractères gras dans ce témoignage les abus
médicaux qui me paraissent condamnables.
L'idéal est donc que l'AVC ait lieu loin
de toute autre personne (cas de mon amie Sylvie en 2009, qui a fait
son AVC en vacances à Cauterets, en l'absence de son père parti
faire les courses, et qui l'a trouvée morte à son retour) afin
d'empêcher cet acharnement thérapeutique absurde. Surtout pour le
cas du témoignage, quand il s'agit d'un homme qui a atteint 86 ans.
*
"Mourir
est un pacte que nous faisons avec nous-même. L'important est de
savoir quand et comment on le réalise et d'être sûr qu'il s'agit
bien d'un voyage sans retour"
(Alvaro Mutis, Le
rendez-vous de Bergen,
trad. François Maspéro, Grasset, 1995).
les épines de la vie, quand elles deviennent insupportables
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