mercredi 17 décembre 2014

17 décembre 2014 : sur la fin de vie


Akli : Tout homme est voué à la mort, ô Menouer... Il en est qui attendent d'elle qu'elle les ravisse par surprise... D'autres s'y préparent... C'est une question de choix.
(Abdelkader Alloula, Les généreux, trad. Messaoud Benyoucef, Actes sud, 1995)


Un témoignage sur le site de l'ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité), dont je suis adhérent :

« Je me permets ces quelques lignes afin de vous faire part de la fin de vie de mon père.
Suite à un AVC avec paralysie de la moitié de son corps, difficulté de la parole et retour aux couches, il a manifesté de suite son envie de partir.
Homme solide, ancien résistant, il n’avait pas peur de la mort. Ce sujet, nous l’avions abordé souvent, et il se promettait de faire le nécessaire si la maladie l’y contraignait, à l’exemple de son frère aîné. Sauf que cet AVC ne lui a pas laissé le choix.
Lorsqu’à l’hôpital, j’ai vu dans ses yeux désespérés ce qu’il souhaitait, je l’ai rassuré en lui promettant de faire le nécessaire… il avait 86 ans.
Bien évidemment, je me suis heurtée à un mur d’obscurantisme.
Pour lutter contre ses soins, il a commencé par arracher sa sonde nasale jusqu’à ce qu’on lui attache son seul bras disponible. Devant cette horreur, je l’ai détaché mais l’on m’a menacé de m’interdire de visite, j’ai dû me soumettre et lui ai expliqué que l’on était bel et bien poings liés devant cette autorité médicale.
Après plusieurs tentatives de désespoir de sa part et du peu de moyens dont il disposait, on lui a administré des antidépresseurs.
Il s’est éteint dans une misère morale indescriptible, une souffrance physique insoutenable due à des escarres dans le dos.
La morphine lui a été donnée deux jours avant sa mort. Trois mois d’un long calvaire. Sa mort a été une délivrance, la fin d’un martyre.
Voilà, monsieur le Premier Ministre, une fin de vie ordinaire, dans un hôpital ordinaire, et je reste perplexe quant à la loi Leonetti ; qu’a-t-elle amené ? Quelles en sont les améliorations ? Je constate un grand vide ; que n’ai-je pas rencontré sur ce chemin difficile un docteur Bonnemaison… »


Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Il y a d'autres témoignages du même type sur le site. 
Malgré mes directives anticipées, je sais qu'en cas d'AVC, si je suis pris en charge, je n'aurai plus aucun moyen de lutter contre la médecine toute-puissante, même si elle se révèle impuissante dans le cas d'un AVC grave : j'ai souligné moi-même en caractères gras dans ce témoignage les abus médicaux qui me paraissent condamnables. 
L'idéal est donc que l'AVC ait lieu loin de toute autre personne (cas de mon amie Sylvie en 2009, qui a fait son AVC en vacances à Cauterets, en l'absence de son père parti faire les courses, et qui l'a trouvée morte à son retour) afin d'empêcher cet acharnement thérapeutique absurde. Surtout pour le cas du témoignage, quand il s'agit d'un homme qui a atteint 86 ans.

*

"Mourir est un pacte que nous faisons avec nous-même. L'important est de savoir quand et comment on le réalise et d'être sûr qu'il s'agit bien d'un voyage sans retour" (Alvaro Mutis, Le rendez-vous de Bergen, trad. François Maspéro, Grasset, 1995).

les épines de la vie, quand elles deviennent insupportables



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