Camille :
elles
ont besoin de nous, si nous étions dans leur situation, nous serions
bien contents qu'on nous vienne en aide et il faut toujours faire
pour les autres ce que nous voudrions qu'il soit fait pour nous.
(Carlo
Goldoni, L'amour
paternel ou la servante reconnaissante,
trad. Ginette Herry, in Les
Années françaises,
vol. 1, Imprimerie nationale, 1993)
Est-ce
que je vais trop au cinéma (sans compter les films que je vois en
dvd ou que j'enregistre) ? Je ne sais pas, j'ai toujours eu une
passion pour le cinéma, dès mon premier film, qui fut Blanche
neige et les sept nains,
vu dans une grange, projeté sur un drap, dans le petit village de
Gouze, où je passais les vacances chez mon cousin en 1952. Depuis,
il y eut le ciné-club du lycée (chaque mercredi soir, après dîner,
où j'ai découvert l'histoire du cinéma, de Harold Lloyd et Fritz
Lang pour le muet à Marcel Carné et John Ford pour le parlant,
entre autres bien sûr, puisque ça a duré toutes mes années de
pensionnaire, entre 10 et 17 ans), les salles commerciales où nous
emmenaient les pions le jeudi ou le dimanche, s'il pleuvait (sinon,
c'était promenade dans la forêt, ou match de rugby), puis les
films à la télévision (heureuse époque du début des années 60, où l'on pouvait voir La
strada
ou Les enfants du paradis
à 20 h 30 !). Le cinéma, tout autant que le roman, me fait vivre
des vies innombrables, découvrir des pays et des époques inconnus
de moi, me
permet de sortir totalement de moi-même : quand je regarde un
film, je suis dans le film, les personnages sont des connaissances,
des amis parfois. Est-ce fuite de la réalité ? Je ne sais, je
crois plutôt qu'il s'agit d'atteindre une autre réalité (une surréalité ?), celle
qu'on ne peut pas vivre... Je n'irai jamais sur les routes, comme Gelsomina, en compagnie d'un saltimbanque, par exemple...
Maintenant
que je n'ai plus de femme, que les enfants sont loin, que mes amis
d'Angoulins-sur-Mer m'ont fait découvrir le Festival de La Rochelle
(en 2010), mes cousins de Pignan la Mostra de Venise (en 2011), non
seulement je fréquente toujours beaucoup les salles obscures, mais
je hante les festivals de cinéma. Cette année, par exemple, il y
aura eu ceux de Pézenas (début mars), de La Rochelle (juillet), de
Douarnenez (août), de Bordeaux et de Montpellier (octobre), les
Rencontres de Pessac (novembre) et bientôt, à partir de samedi,
celui de Marrakech, où je vais avec un groupe de Bordeaux, groupe avec qui
j'avais d'ailleurs fait connaissance à Venise en 2013. C'est dans ces
festivals que l'on voit des films de tous pays en avant-première,
aussi bien que des films plus anciens (ça
faisait des années que je n'avais pas vu de films muets au
cinéma !),
des reprises de films restaurés, des rétrospectives sur
un cinéaste ou un pays, des films sur une ou des thématiques, aussi
bien que des acteurs ou des réalisateurs. Et surtout, au contraire
des salles commerciales, il n'y a que des films intéressants, et
souvent excellents.
Les
dernières rencontres du Film d'histoire de Pessac (17-24 novembre)
n'échappent pas à la règle : cette année, le thème était
l'Allemagne. J'ai donc pu voir, entre autres, des muets des années 20 : un inconnu, Les hommes
le dimanche de
Siodmak, deux classiques sublimes dont j'avais seulement entendu
parler : Loulou de
Pabst, avec la merveilleuse Louise Brooks (et aussi du même, L'opéra de quat'sous, un parlant encore jamais vu), Faust
de Murnau, des films allemands de l'est (dont le magnifique Étoiles,
de Konrad Wolf), de très beaux Schloendorff (Le
coup de grâce)
et Margarethe von Trotta (Rosa
Luxembourg et
Rosenstrasse),
un film tiré d'un roman pour la jeunesse (non traduit en français)
de Lisa Tetzner, Les enfants du n°
67, sur
la montée du nazisme en 1933 (qui serait à montrer dans tous les collèges), le
désopilant Un, deux, trois
(1962) de Billy Wilder, qui, en pleine guerre froide, renvoie dos à
dos Russes (à l'idéologie douteuse), Allemands (nostalgiques du
nazisme) et Américains (satire du dollar qui peut tout acheter).
Il y avait aussi (pas vus) les films-fleuve de Fassbinder, Berlin
Alexanderplatz,
de Edgar Reitz (Heimat)
et de Claude Lanzman (Shoah),
de nombreux documentaires, des conférences, etc.
Et
puis, il y avait les films en compétition. Je ne les ai pas tous
vus, j'ai raté en particulier celui qui a obtenu tous les prix
(jury, critique, public) : Le
labyrinthe du silence,
que
je pourrai voir lors de sa sortie française en mai 2015. par contre,
tous les autres que j'ai vus étaient soit bons, À
la vie (film
sorti la semaine dernière : trois
femmes rescapées d'Auschwitz, se retrouvent quinze plus tard),
Leopardi
(biopic du poète italien, qui
sortira en avril),
Amour fou
(autre biopic, de l'écrivain allemand Kleist et de son suicide avec
sa fiancée, sortira
en février),
soit très bons, Le temps des
aveux
(film franco-cambodgien très
émouvant sur
la prise du pouvoir par les Khmers rouges en 1975, qui
sortira le 17 décembre),
L'enquête
(belle évocation de l'affaire Clearstream, sortira en février),
soit excellents, le dernier Laurent Cantet, Retour
à Ithaque
(sur le retour à La Havane d'un exilé cubain, qui retrouve son
petit groupe d'amis, retour sur un passé et donc sur les illusions
perdues, à recommander à ceux qui parlent espagnol, il est sorti
hier) et Timbuktu,
mon préféré peut-être, sur l'imposition de l'islamisme au nord du
Mali, un film d'une très grande beauté visuelle : il
va sortir le 10 décembre et je vous le recommande vivement.
Un
très grand cru, comme celui de Montpellier.
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