Pourquoi
es-tu partie si rapidement,
ma
vie,
mon
beau ciel bleu,
mon
espérance ?
(Michel
Dunand, Mourir
d'aller)
Je
suis allé hier revoir à l'Utopia, en copie neuve restaurée, ce
film que Claire aimait tant : Les
parapluies de Cherbourg.
J'ai dû dix fois sortir mon mouchoir pour m'éponger les yeux.
L'enchantement de la musique et du chant (formidable orchestration de
Michel Legrand), la beauté des images, la beauté des interprètes,
la sincère justesse des aveux échangés (Guy/Geneviève, puis
Roland/Geneviève, enfin Guy/Madeleine) – les imbéciles ne se
privent pas de ricaner –, font de ce film une merveille que je ne me
lasse pas de revoir : comme un opéra (c'est entièrement
chanté), comme un mélo (les amours contrariées), tout ce que
j'adore – et comme un souvenir commun... Nous le regardions sur le
poste de télévision. Je ne l'avais pas vu sur grand écran depuis
sa sortie en 1964. C'est quand même autre chose que de le voir en
dvd !
C'est
aujourd'hui le quatrième anniversaire du décès de Claire. Je sais
qu'on se couvre de ridicule à présent en écrivant des alexandrins et des vers de forme classique, mais
une fois n'est pas coutume, j'avais à cœur de refaire pour
l'occasion un poème de circonstance – ça faisait d'ailleurs
partie de nos jeux littéraires, et aussi pour fêter nos
« retrouvailles » (je ne trouve pas d'autre mot pour
exprimer l'impression de son accompagnement à bord du cargo
Lutetia), aussi bien que nos trente-cinq ans de vie commune : nous nous
sommes en effet connus en 1978. Vous voudrez donc bien pardonner la
pauvreté de la rime, les images convenues, la mièvrerie propre au
souvenir, et je vous prie de ne considérer que la sincérité et
l'émotion, s'il se peut.
portrait de Claire par Dominique Levacher, d'après photo
Trente-cinq
ans
J'ai
le clair souvenir de ce beau jour d’automne :
Tu
es venue me voir ;
Il y
avait en nos cœurs comme un air qui chantonne
Pour
mieux nous émouvoir.
Et
nous voilà partis, colline en bandoulière,
À
la chasse aux aveux ;
Les
oiseaux chantonnaient comme en une volière
Pour
nous dicter des vœux.
Tu
m’as pris par la main, mon cœur cessa de battre
Pendant
un court instant :
Je
décidai alors de compter jusqu’à quatre,
C’était
trop excitant !
Voilà,
tout était dit ! Ces mots si doux : « je t’aime »
Ont
de nous débordé,
Comme
pour mieux jeter en dehors de soi-même
L’aveu
que l’on gardait.
Trente-cinq
ans ont fui ! C’est long, et c’est rapide,
Ce
fut plutôt heureux :
Notre
sentier à nous était resté limpide,
Tu
as bien résisté,
Comme
fait dans le vent un navire gréable
Quand
on l’a bien lesté !
Tu
m'as pourtant quitté, sur un conseil ultime :
Aime,
aime toujours.
Je
suis allé sur mer rechercher dans l'abîme
Les
plus beaux de nos jours.
Et
je t'ai retrouvée ; tu m'as suivi dans l'ombre,
Quand
la nuit me cernait.
Et
j'ai senti sur moi, dans la cabine sombre,
Ton
esprit qui venait.
Je
saurai désormais qu'on est toujours ensemble :
Je
n'ai pas oublié !
Trente-cinq
ans, c’est hier, et tu vois, ma main tremble,
Comme
un oiseau mouillé !
Quand
je te reverrai dans mon dernier voyage,
Je
te reconnaîtrai !
Comme
hier, aujourd'hui, demain, au bout de l'âge
Tu
diras ton secret.
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