Jamais
je n'ai su m'installer dans la vie. Toujours assis de guingois, comme
sur un bras de fauteuil ; prêt à me lever, à partir.
(André
Gide, Journal, 14 juillet 1930)
Je
dois avoir une drôle de touche en me baladant avec mon veston marron
recouvrant mon tee-shirt blanc, mon pantacourt corsaire noir, mes
mollets à nu, mes chaussettes et mes chaussures. Je vois bien qu'ici
ou là, on me regarde avec amusement, mais pourquoi ne pas m'habiller
comme il me plaît ? J'aime les culottes courtes, c'est un fait,
et j'étais désarçonné cette année de ne pas pouvoir les enfiler
plus tôt pour cause de froidure et de pluie... Maintenant que les
températures avoisinent les 18/20°, je peux enfin dévoiler mes
mollets jusqu'à la fin août, j'espère. Et en souhaitant que ça n'encouragera pas les gérontophiles (voir plus bas) !
J'apprécie
le cinéma Utopia (comme le Diagonal de Montpellier et en général,
les cinémas dits d'art et d'essai) parce qu'il n'y a pas de
publicité avant les films – la pub, ma phobie permanente, qui explique aussi pourquoi je
ne regarde quasiment pas la télévision que je considère comme une
vaste publicité déguisée –, je ne suis malheureusement pas assez
courageux pour faire partie des « casseurs de pub »
concrets, ceux qui taguent les panneaux publicitaires envahisseurs de
panoramas, et je me contente donc d'acheter assez régulièrement La
décroissance, un des rares périodiques qui me paraissent aller
dans le bon sens, et de consulter de temps en temps le site
http://www.casseursdepub.org/.
Néanmoins,
il arrive même à ces cinémas de projeter des films médiocres.
Hier je suis donc allé à l'Utopia voir Les beaux jours,
parce que j'aime voir Fanny Ardant. C'est le degré zéro du cinéma :
un film programmé pour passer à la télé, des gros plans à
tire-larigot, un scénario très relâché, des situations convenues.
Et puis, y en a un peu marre de ces films « troisième âge »
qui pullulent depuis quelque temps : Quartet, de Dustin
Hoffman (que je n'ai pas vu, mais dont on m'a dit du bien, ce qui ne
m'étonne pas, vu l'excellence des acteurs britanniques, notamment Maggie Smith), le faiblard
La fleur de l'âge (tellement nul que le film datait de 2011 et
est resté en boîte pendant deux ans !) ou le sinistre A song for
Marion, sortis par exemple les mois dernier. De la même manière
que je n'aime pas les maisons de retraite parce qu'on y ségrègue
les vieux – je préfèrerais des maisons communes, où l'on
trouverait toutes les générations confondues – je supporte mal ces films de
vieux, sans doute remplis de bonnes intentions, mais qui font aussi
une sorte de ségrégation. Le seul qui ait trouvé grâce à mes
yeux fut le film anglais de l'an passé Indian palace, parce que très
original et admirablement bien joué (Maggie Smith entre autres acteurs).
Certes,
ici, Caroline (Fanny Ardant), toute jeune retraitée, envoyée par ses filles dans
un club de 3ème âge intitulé Les beaux jours – et on a droit à
tous les clichés éculés sur ces clubs avec leurs différents
ateliers : yoga, gymnastique, théâtre, poterie, informatique,
randonnée scientifique en bord de mer, etc. –, Caroline donc y
rencontre un jeune professeur d'informatique (il a l'âge de ses filles, dans les 35 ans), qui
doit souffrir de troubles d'hypersexualité (ou de gérontophilie, ou
de myopie), puisqu'il lui saute dessus ! Et donc, il y a bien
une rencontre transgénérationnelle qui aurait dû me plaire et pu être émouvante
si on y avait cru un seul instant, ce qui n'est pas le cas :
c'est tout bonnement ridicule et mal filmé, proche du néant. Et
donc très insuffisant pour donner de l'intérêt au film, le roman
qui a servi de base ne doit pas être bien fameux. Fanny Ardant a
l'air d'être ailleurs (on la comprend), et son jeune tourtereau
aussi. Sur la différence d'âge en amour, 20 ans d'écart,
sorti il y a quelques mois, sans être un chef-d’œuvre, était
infiniment plus percutant.
Bref,
je vais être plus regardant dans mes choix cinématographiques, même
à l'Utopia, qui m'avait habitué à mieux ! Quitte à voir un
film dont les héroïnes sont âgées, ça me donne envie de revoir
La vieille dame indigne, tiens ! Ou celui sorti il y a
peu, d'une intelligence et d'une humanité singulières, le film
chinois Une vie simple, dont j'ai déjà causé (9 mai). Voilà
que les Chinois nous montrent la voie, nous donnent des leçons,
maintenant ! Encore une fois, écoutons Gide : "Pas
plus que de considérer la jeunesse seulement comme une promesse,
sied-il de ne voir dans la vieillesse qu'un déclin. Chaque âge est
capable d'une perfection particulière. C'est un art que de s'en
persuader, de contempler ce que les ans nous apportent plutôt que ce
dont ils nous privent, et de préférer la reconnaissance aux
regrets" (Journal, 29 janvier 1929).
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