lundi 12 avril 2021

12 avril 2021 : Migrants 6, le calvaire des mineurs isolés

 

À Dieu ne plaise que je ne vienne faire ici le procès de mon temps, accuser mon siècle de cruauté !

(Jules Vallès, Les Réfractaires, Plein chant, 1996)



Vais-je accuser notre siècle de cruauté ? Je ne sais pas, mais tout de même, quand je vois comment ça se passe avec les migrants, je me pose la question. Et la question est valable pour la France, aussi bien que pour nos voisins immédiats et notre pauvre (si on peut dire) Europe, ainsi que pour les USA, et quasiment tous les pays du monde. C’est-à-dire que les pays riches ont acquis la liberté de voyager (même si elle est remise en cause par la pandémie) mais que cette dernière est déniée aux migrants ; pire encore, quand ils cherchent à s’intégrer, on les refoule impitoyablement ! Comme le prouvent nombre de pétitions circulant sur les réseaux...




Je vous propose donc un texte signé par plusieurs organismes et qui m’a été communiqué par la PSM (Plateforme de Soutien aux Migrants) et publié sur le site du GISTI (Groupe d’Information et de Soutien aux Immigré.e.s) :


Protéger, soigner, accompagner ? Non, ficher, stigmatiser, sanctionner, renvoyer


Ce 10 mars, était présenté à la Commission des lois un rapport d’information parlementaire sur les « problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés ».

Rappelons pourtant, que la grande majorité des mineur⋅es et jeunes majeur⋅es isolé⋅es étrangers dont il est question ne posent aucun problème de sécurité, bien au contraire comme le constatent et en témoignent toutes et tous les professionnels et adultes qui les côtoient au quotidien, des mouvements tels les « patrons solidaires » allant jusqu’à être créés pour les jeunes apprentis.

Visant exclusivement la situation des mineurs non accompagnés en conflit avec la loi, qui ne représentent qu’une infime partie des mineur⋅es et jeunes majeur⋅es isolé⋅es et étrangers, et entretenant au passage la confusion entre ceux en conflit avec la loi et ceux victimes de traite, le rapport parlementaire présente 18 recommandations particulièrement inquiétantes en ce qu’elles sont de nature à stigmatiser encore plus ces mineur.e.s, parfois très jeunes, toujours très fragiles, polytraumatisé⋅es par leurs parcours de vie.

Ce rapport oublie, dans sa problématique générale, ce qui est le plus important : ces jeunes sont en danger et ont d’abord besoin de protection. De manière encore plus inquiétante, il entend institutionnaliser un traitement différencié les concernant, fondé davantage sur leur extranéité que leur minorité.

À l’âge où la plupart de leurs pairs vont au collège, eux n’ont connu que rejets, abandons, agressions répétées, violence, et sont souvent les victimes de réseaux de traite.

Vivant pour la plupart dans des conditions d’une extrême précarité, souvent à la rue, sans accompagnement éducatif, sous dépendance médicamenteuse des adultes qui les exploitent, elles et ils ont perdu l’estime d’eux-mêmes, et leurs passages à l’acte s’inscrivent dans un mécanisme de survie, souvent pour des délits de subsistance.

Est-ce cela la vie d’un enfant ?

Il ne sert à rien de préconiser, à peu de frais, leur fichage obligatoire via le fichier AEM (Appui à l’Évaluation de la Minorité) si décrié, la consultation obligatoire de fichiers tels VISABIO (Visa biométrique) dont l’inefficacité a été démontrée, l’accroissement des sanctions, des jugements plus rapides et discriminatoires, le retour dans le pays d’origine et toujours plus de coercition.

Ceci n’aura que pour conséquence de stigmatiser ces jeunes, les rapprocher toujours plus de situations de danger, les éloigner encore plus de leur situation de mineur et des dispositifs qui n’auront plus de « protection » que le nom.

Et si le rapport parlementaire préconise une prise en charge systématique en assistance éducative ainsi que quelques mesures d’accompagnement social, rien n’est dit du budget affecté à celles-ci, des moyens dédiés aux départements, qui risquent, sous des effets d’annonce, de se réduire à peau de chagrin…

Et rien ne changera.

Plus encore, ce rapport réalise la prouesse de suggérer qu’inverser la présomption de minorité, imposer à un ou une mineur⋅e de présenter des documents d’identité pour être protégé⋅e, serait dans l’intérêt supérieur de l’enfant !

Où est l’intérêt supérieur de l’enfant, « considération primordiale », rappelée par la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire ?

Ces jeunes doivent être protégés, accompagnés, bénéficier d’une prise en charge éducative effective qui fait actuellement cruellement défaut, de façon pluridisciplinaire (en matière civile tant par les départements que par la Protection Judiciaire de la Jeunesse qui connaît leurs problématiques particulières), basée sur la confiance en l’adulte, qu’elles et ils doivent réapprendre, ayant souvent été trompés dans leurs vies par ceux qui les ont entourés auparavant.

Ce n’est que par les mesures de protection que ces jeunes pourront se réinsérer, ce qui est de leur intérêt et de celui la société.

Alors que le débat médiatique glisse, sans surprise, vers la question plus large de l’évaluation de minorité des mineur⋅es isolé⋅es, qui n’était pas l’objet de ce rapport, nos organisations et associations demandent que soit mise en place, sans stigmatisation, sans discrimination, sans fichage, une vraie politique éducative faite d’accompagnement, de protection, d’éducation, de soins et d’insertion pour ces jeunes, qui sont avant tout des enfants en souffrance !

Le 17 mars 2021

Organisations signataires :

  • AADJAM

  • ADDE

  • La CGT

  • La Cimade

  • Fédération Sud Collectivités territoriales

  • Fédération Sud Santé

  • FSU

  • Gisti

  • InfoMIE

  • Ligue des droits de l’Homme

  • Ordre des avocats du barreau de Paris

  • Secours Catholique-Caritas France

  • SNEPAP-FSU

  • SNPES PJJ/FSU

  • SNUASFP-FSU

  • SNUTER-FSU

  • Solidaires

  • Solidaires Justice

  • Soutien à 59 Saint Just

  • Syndicat des avocats de France

  • Syndicat de la magistrature

     

    Et lire Jules Vallès aux éditions Plein chant (1996) :



     

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