mercredi 20 novembre 2019

20 novembre 2019 : La Bolivie au cœur


« Mais ça compte, quand même, la dignité humaine !… S’il y en a qui peuvent s’en passer, moi, je ne peux pas ! »…
(Jean Meckert, L’homme au marteau, J. Losfeld, 2006)



Les rencontres du film d’histoire de Pessac (devenues Festival international du film d'histoire) ont pour thème cette année l’Amérique latine et les problèmes qui s’y posent. C’est pour moi une excellente occasion de faire du vélo, puisque le cinéma est à environ 9 km de chez moi. Espérons qu’il ne pleuvra pas trop !


Sebastián, enfant aymara de la montagne, a été confié, petit, à des citadins de la grande ville, où il est devenu menuisier fabricant de cercueils. Il ne revient que des années plus tard, adulte et se trouve déconnecté de son identité communautaire ; élu maire du village pour un an, il finit par être chassé sous peine de mort, pour avoir, citadin qu’il est devenu, favorisé des projets gouvernementaux jugés toxiques par les villageois et par les anciens. Après le décès de son père, et bien qu’interdit de retour, il décide de revenir, affublé en Danzanti (dont il a fait faire le costume et le masque à la ville), danseur traditionnel de la mort : enfant, il a assisté à cette danse sacrificielle traditionnelle et maintenant quasi oubliée. C’est l’époque du coup d’État militaire et de la grève des mineurs ; quelques-uns des villageois ont trouvé la mort dans la lutte. Sebastián cherche à renouer avec la tradition : on le reçoit sans aménité, on le menace de mort, mais les anciens – parmi lesquels le vieux "professeur" - acceptent son sacrifice traditionnel, ce qui lui permet de renouer une dernière fois avec l’esprit de la communauté aymara. On a donc affaire ici à un film sur l’identité collective indigène

 
La nation clandestine est un conte libérateur de la conscience aymara, le voyage de retour à pied de Sebastián est une une sorte de parcours initiatique, dans un climat spirituel, concret et proche du réalisme magique latino-américain, pendant lequel notre héros revit des retours en arrière qui lui permettent de retrouver des scènes de son enfance et de ses premiers retours au village, de son service militaire aussi, où il fut nié en tant qu’indien. C'est une œuvre complexe, inédite en France, du cinéaste bolivien Jorge Sanjinés. Le héros représente donc cette nation "clandestine" qu’est la population bolivienne d’origine amérindienne, ostracisée par la culture chrétienne dominante et durement exploitée par les descendants des colons, prise en tenaille entre leur héritage culturel, le déracinement et, très clairement, la désagrégation sociale qui s’ensuit, et l'aliénation qui doit céder devant l’origine perdue et retrouvée. Au moment où les indigènes de Bolivie (et du Brésil, du Chili, de l’Équateur...) vivent des moments difficiles (l’impérialisme américain et les oligarques locaux n’ont jamais accepté, par exemple, Eva Moralés, un président indigène), ce film est incontournable.



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