« Mais
ça compte, quand même, la dignité humaine !… S’il y en a
qui peuvent s’en passer, moi, je ne peux pas ! »…
(Jean
Meckert, L’homme au marteau, J. Losfeld, 2006)
Les
rencontres du film d’histoire de Pessac (devenues Festival international du film d'histoire) ont pour thème cette année
l’Amérique latine et les problèmes qui s’y posent. C’est pour
moi une excellente occasion de faire du vélo, puisque le cinéma est
à environ 9 km de chez moi. Espérons qu’il ne pleuvra pas trop !
Sebastián,
enfant
aymara de la
montagne, a été
confié, petit, à des citadins
de la grande ville,
où
il est
devenu menuisier fabricant
de cercueils.
Il
ne revient que des années plus tard,
adulte et
se trouve déconnecté de
son
identité
communautaire ;
élu maire du village pour un an, il
finit par être chassé sous
peine de mort, pour
avoir, citadin qu’il est devenu, favorisé des projets
gouvernementaux jugés toxiques par les villageois et par les anciens.
Après le
décès de son père,
et
bien qu’interdit de retour,
il décide
de revenir, affublé en
Danzanti
(dont
il a fait faire le costume et le masque à la ville),
danseur traditionnel de la mort : enfant, il
a assisté à cette danse sacrificielle traditionnelle et maintenant
quasi oubliée. C’est
l’époque du coup
d’État militaire et
de la grève des mineurs ; quelques-uns des villageois ont trouvé la mort dans la lutte.
Sebastián cherche
à renouer avec
la
tradition : on
le reçoit
sans
aménité, on le menace de mort,
mais
les
anciens – parmi
lesquels le vieux "professeur"
- acceptent
son sacrifice traditionnel,
ce
qui lui
permet de
renouer une dernière fois avec l’esprit de la communauté aymara.
On
a donc affaire ici à un film sur
l’identité collective indigène.
La
nation clandestine est
un conte libérateur de la conscience aymara, le
voyage de retour à pied de
Sebastián
est une une sorte de parcours initiatique, dans
un climat spirituel, concret et proche du réalisme magique
latino-américain, pendant lequel notre héros revit
des retours en arrière qui lui permettent de retrouver des scènes de son enfance et de ses premiers
retours au village, de son service militaire aussi, où il fut nié en tant qu’indien. C'est une œuvre
complexe, inédite
en France,
du cinéaste bolivien Jorge Sanjinés. Le
héros
représente
donc cette nation "clandestine" qu’est
la population bolivienne d’origine amérindienne, ostracisée par
la culture chrétienne dominante
et durement
exploitée par les descendants des colons, prise en tenaille entre
leur
héritage culturel, le
déracinement et, très clairement, la
désagrégation sociale qui
s’ensuit,
et
l'aliénation
qui
doit céder devant l’origine
perdue
et retrouvée.
Au
moment où les indigènes de Bolivie (et
du Brésil, du Chili, de l’Équateur...)
vivent des moments difficiles (l’impérialisme américain et les
oligarques locaux n’ont jamais accepté, par
exemple,
Eva Moralés, un président indigène), ce
film est incontournable.
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