Immobile
au milieu de ton propre vertige
(Jean
Marcenac, La marche de l’homme,
Seghers, 1949)
un hommage en amitié aux gilets jaunes, par l'artiste Lili-Oto
(exposition en ce moment au CALO, centre d'art en Ardèche)
Il
y a déjà bien des années que j’avais recopié ce poème sur un
de mes cahiers de poésie (j’en ai une dizaine, j’ai commencé
après le bac, en 1964, j'ai arrêté d'en recopier dans les années 90) : de temps en temps, je les feuillette
pour voir ce qui me plaisait à tel moment de ma vie, ça me fait une sorte d'autobiographie intellectuelle. Je travaillais
alors dans la bibliothèque centrale de prêt du Gers (1973-1981), où je
lisais des recueils de poèmes pendant les tournées de bibliobus,
assis aux côtés du conducteur, l'ami Paul, quand j’ai découvert et recopié
(chez moi, en rentrant le soir) dans mon cahier de l’époque ce
texte de Jean-Pierre Voidiès. Depuis, j’ai découvert l’alias dans
Wikipedia : "Ovida
Delect, assignée
homme à la naissance sous le
nom de Jean-Pierre Voidiès
en 1926, et morte en 1996, est une poétesse,
résistante déportée et femme politique communiste
française." Excusez du
peu ! Jusqu’à 1974, il/elle publia sous son nom de naissance,
à partir de 1975, sous son alias féminin. Un poète transsexuel, je
n’en revenais pas de la découverte... À vrai dire, je n’en
connais pas d’autres ! Marié, père d’un enfant, il/elle
choisit vers la cinquantaine d’assumer ce qu’il pensait être
profondément, intérieurement : une femme dans un corps
d’homme.
Le
poème n’y fais pas allusion, ou
alors, il faut lire entre les lignes, mais il parle de l’amitié,
qui aura été la grande affaire de ma vie et, peut-être, de la sienne, notamment dans ses engagements militants.
Amitié
Ce
qui est beau, c’est un visage
Ce
qui est beau, c’est l’amitié
Une
robe qui s’en va un peu plus loin et volage
Laisse
autour d’elle les oiseaux gazouiller.
Ce
qui est beau, c’est le passage
De
la brume à l’aurore et du cep au raisin
Ce
qui est beau, c’est le ramage
Car
tout ce qui vit sur la terre est du bien.
Ce
qui est beau, c’est tout le monde
Ce
qui est beau, c’est les filets
Du
pêcheur qui s’en va près des rives profondes
Cueillir
la sardine et le nacre des fées.
Ce
qui est beau, c’est comme une onde
La
marche en avant de l’homme et l’été
Qui
revient tous les jours car toujours il triomphe.
Ce
qui est beau, c’est l’amitié.
Jean-Pierre
Voidiès
À
l’époque, je ne notais pas entre parenthèses le titre du recueil
et l’éditeur, ce qui fait que j’ignore où je l’avais dégoté,
ce texte poignant ! Peut-être dans une anthologie sur
l’amitié ? Ou dans Le
monde des livres,
qui publiait à l’occasion quelques poèmes. Ou dans la revue
Europe ?
Peu importe : il parle de "la marche en avant de l’homme",
des "oiseaux", de "la brume à l’aurore" et de
la peine des hommes, avec le "pêcheur". Et en le relisant, j'ai vu qu'il avait des rimes ou des assonances...
Comme
j’aurais aimé l’avoir écrit, ce poème...
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