mardi 5 mars 2019

5 mars 2019 : le vélo enchanté


Mais aujourd’hui le vide ne saurait amener la joie de vivre. Ni le vide, ni le zapping permanent, le nez vissé sur un écran. On a l’impression de communiquer avec le monde entier et on est seuls.
(Pedro Okepa, Insurgez-vous !, Éd. du Rocher, 2017)


Idéal pour découvrir les avantages du vélo, le documentaire néerlandais Why we cycle, que proposait l’association Vélocité à l’Utopia ce lundi soir. Il démontre tout ce que je savais déjà, puisque j’ai toujours fait du vélo, à la fois pour mon plaisir physique, pour aller au travail (90 % de mes trajets de chez moi à mes bibliothèques se sont effectués à vélo, y compris en Guadeloupe, où je devais monter une rude côte de 6 km à 10 % de moyenne de dénivelé pour rentrer chez moi le soir ; j’ai d’ailleurs aussi fait le tour complet de la Guadeloupe à vélo en une semaine enchanteresse) et pour en savourer les effets bénéfiques du vélo sur moi, sur mon entourage : impossible d'être désagréable avec les autres quand on est cyclable ! Avouons-le, le vélo, au contraire de la voiture (où l’on est totalement passif) est un moyen de mobilité active. Mon séjour d’été aux Pays-Bas en 2000 m’avait de surcroît convaincu que ce pays avait des années d’avance sur la France, tant en matière d’infrastructures cyclables (pistes, couloirs dédiés, immenses parkings à vélo, etc.) que de pratique réelle des habitants de tous âges, ce que confirme cet excellent documentaire.


Le film est un enchantement, une invitation au bonheur simple et tranquille, la fête de la petite reine : même la famille royale tient à montrer qu’elle pratique la bicyclette. Les ministres eux aussi donnent l’exemple (à ma connaissance, je n’ai vu chez nous que Christiane Taubira aller au Conseil des ministres à vélo, sous Hollande). Le vélo est déstressant, au contraire du transport en métro ou en bus, ou en voiture. Les Néerlandais sont un modèle de mobilité durable qu’on peut envier, en dépit de la forte pression du lobby automobile. Comment y résistent-ils ? Bien sûr, ils connaissent les arguments courants : le vélo est bon pour la santé, ne pollue pas, il est plus rapide et maniable en ville, il est nettement moins cher dans l’usage, etc. Mais surtout, dès le plus jeune âge, on monte à vélo, et les parents encouragent leurs enfants à l’autonomie que procure la bicyclette, pour aller à l’école, pour rejoindre les copains et même pour aller en ville (ils deviennent de "petits débrouillards"). Le vélo est synonyme de confiance et de liberté, de grand air et d’aventure. Le documentaire fait état d’une étude faire avec la technologie GPS sur les choix d'itinéraires faits par les cyclistes. Les chercheurs néerlandais ont découvert que les cyclistes ne prenaient pas forcément les belles pistes cyclables spécialement aménagées pour eux ! Ils les trouvent en effet un brin ennuyeuses. Leurs choix d’itinéraire était davantage guidé par leur instinct que par la logique raisonneuse (rationnelle ?) des urbanistes et ingénieurs de la circulation. L’urbaniste Marco te Broemmelstroet explique que sur un vélo, vous n’êtes pas enfermé comme dans une voiture, mais exposé au contact humain et social. Les voitures sont en fait des "cages" qui n’invitent pas au contact, ni au dialogue, ni au toucher, ni au sourire... Aux Pays-Bas, on apprend à vélo le fameux "vivre ensemble", dont on nous rebat les oreilles depuis trente ans ici : l’art de la négociation directe par tous les sens pour se croiser dans les carrefours ; c’est une école de confiance mutuelle entre les cyclistes, qui apprennent à donner un coup de pédale ou de frein quand il le faut pour ne pas gêner les autres. Ce qui crée une solidarité, une fraternité, une égalité dans l’ensemble de la société. Les enfants apprennent à se déplacer seuls à vélo dès l’âge de 4 à 5 ans. Des séquences nous montrent comment les parents s’y prennent pour apprendre la confiance à leurs rejetons ; et j'ai noté que l'usage du casque est très rare ! Les enfants apprennent à diriger leur vie plus tôt que chez nous (où ils sont transportés comme des marchandises à l’arrière de la voiture pour aller à l’école, voire même au lycée). Ils deviennent ici des adolescents, puis des adultes, plus confiants et ouverts à la relation humaine.


le cycliste néerlandais qui allait à Compostelle et s'était arrêté chez moi en 2017
 
Là-bas, rouler à vélo est aussi naturel que respirer. L’histoire de ne pas utiliser la voie la plus usuelle (fût-elle cyclable) pour aller au travail, je l’avais expérimentée quand j’ai été nommé à la BU de Poitiers, distante d’à peine un petit kilomètre de chez moi. Comme je partais une demi-heure avant l’ouverture, je faisais de longs détours pour arriver à bon port, ayant respiré l’air pur des petits bois proches, et arrivant au travail décontracté et serein. Idem au retour, où je prenais également le chemin des écoliers pour me dérouiller des heures d’enfermement au travail. Et je dois dire que ça vaut tous les anti-dépresseurs chimiques ! Vive le vélo ! Et le vrai, pas l'électrique !

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