Mais
aujourd’hui le vide ne saurait amener la joie de vivre. Ni le vide,
ni le zapping permanent, le nez vissé sur un écran. On a
l’impression de communiquer avec le monde entier et on est seuls.
(Pedro
Okepa, Insurgez-vous !,
Éd.
du Rocher, 2017)
Idéal
pour découvrir les avantages du vélo, le documentaire néerlandais
Why we cycle, que
proposait l’association Vélocité à l’Utopia ce lundi soir. Il
démontre tout ce que je savais déjà, puisque j’ai toujours fait
du vélo, à la fois pour mon plaisir physique, pour aller au travail
(90 % de mes trajets de chez moi à mes bibliothèques se sont
effectués à vélo, y compris en Guadeloupe, où je devais monter
une rude côte de 6 km à 10 % de moyenne de dénivelé pour rentrer chez moi le soir ;
j’ai d’ailleurs aussi fait le tour complet de la Guadeloupe à
vélo en une semaine enchanteresse) et pour en savourer les effets
bénéfiques du vélo sur moi, sur mon entourage : impossible d'être désagréable avec les autres quand on est cyclable ! Avouons-le, le vélo, au contraire de la voiture (où
l’on est totalement passif) est un moyen de mobilité active. Mon
séjour d’été aux Pays-Bas en 2000 m’avait de surcroît
convaincu que ce pays avait des années d’avance sur la
France, tant en matière d’infrastructures cyclables (pistes,
couloirs dédiés, immenses parkings à vélo, etc.) que de pratique
réelle des habitants de tous âges, ce que confirme cet excellent
documentaire.
Le
film est un enchantement, une invitation au bonheur simple et
tranquille, la fête de la petite reine : même la famille
royale tient à montrer qu’elle pratique la bicyclette. Les
ministres eux aussi donnent l’exemple (à ma connaissance, je n’ai
vu chez nous que Christiane Taubira aller au Conseil des ministres à
vélo, sous Hollande). Le vélo est déstressant, au contraire du
transport en métro ou en bus, ou en voiture. Les Néerlandais sont un modèle de
mobilité durable qu’on peut envier, en dépit de la forte pression
du lobby automobile. Comment y résistent-ils ? Bien sûr, ils
connaissent les arguments courants : le vélo est bon pour la
santé, ne pollue pas, il est plus rapide et maniable en ville, il est nettement
moins cher dans l’usage, etc. Mais surtout, dès le plus jeune âge,
on monte à vélo, et les parents encouragent leurs enfants à
l’autonomie que procure la bicyclette, pour aller à l’école,
pour rejoindre les copains et même pour aller en ville (ils deviennent de "petits débrouillards"). Le vélo est
synonyme de confiance et de liberté, de grand air et d’aventure.
Le documentaire fait état d’une étude faire avec la technologie
GPS sur les choix d'itinéraires faits par les cyclistes. Les chercheurs néerlandais ont découvert
que les cyclistes ne prenaient pas forcément les belles pistes
cyclables spécialement aménagées pour eux ! Ils
les trouvent en effet un brin ennuyeuses. Leurs choix d’itinéraire
était davantage guidé par leur instinct que par la logique
raisonneuse (rationnelle ?) des urbanistes et ingénieurs de la
circulation. L’urbaniste Marco te Broemmelstroet explique que sur
un vélo, vous n’êtes pas enfermé comme dans une voiture, mais
exposé au contact humain et social. Les voitures sont en fait des "cages" qui n’invitent pas au contact, ni au dialogue, ni au toucher, ni au
sourire... Aux Pays-Bas, on apprend à vélo le fameux "vivre
ensemble", dont on nous rebat les oreilles depuis trente ans ici :
l’art de la négociation directe par tous les sens pour se croiser
dans les carrefours ; c’est une école de confiance mutuelle
entre les cyclistes, qui apprennent à donner un coup de pédale ou
de frein quand il le faut pour ne pas gêner les autres. Ce qui crée
une solidarité, une fraternité, une égalité dans l’ensemble de la société.
Les enfants apprennent à se déplacer seuls à vélo dès l’âge de
4 à 5 ans. Des séquences nous montrent comment les parents s’y
prennent pour apprendre la confiance à leurs rejetons ; et j'ai noté que l'usage du casque est très rare ! Les enfants
apprennent à diriger leur vie plus tôt que chez nous (où ils sont
transportés comme des marchandises à l’arrière de la voiture
pour aller à l’école, voire même au lycée). Ils deviennent ici des
adolescents, puis des adultes, plus confiants et ouverts à la relation
humaine.
le cycliste néerlandais qui allait à Compostelle et s'était arrêté chez moi en 2017
Là-bas,
rouler à vélo est aussi naturel que respirer. L’histoire de ne
pas utiliser la voie la plus usuelle (fût-elle cyclable) pour aller
au travail, je l’avais expérimentée quand j’ai été nommé à
la BU de Poitiers, distante d’à peine un petit kilomètre de chez
moi. Comme je partais une demi-heure avant l’ouverture, je faisais
de longs détours pour arriver à bon port, ayant respiré l’air
pur des petits bois proches, et arrivant au travail décontracté et
serein. Idem au retour, où je prenais également le chemin des
écoliers pour me dérouiller des heures d’enfermement au travail.
Et je dois dire que ça vaut tous les anti-dépresseurs chimiques !
Vive le vélo ! Et le vrai, pas l'électrique !
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