Ceux
qui prétendent que l'amour ne saurait résister à l'habitude en ont
une conception basse. La médiocrité est souvent dans celui qui
regarde, non dans ce qu'il croit voir.
(Marc
Bernard, La mort de la bien aimée,
Gallimard, 1972)
L’humanité de
demain
se construit par l’accueil des migrants
aujourd’hui
18 décembre 2017
En
cette journée internationale des migrants, nous pensons à ces
milliers d’enfants, de femmes et d’hommes qui ont péri en
Méditerranée, dans le désert, ou en captivité, alors qu’ils
avaient entrepris un voyage pour une vie meilleure, plus sûre et
plus digne, comme tout être humain peut la désirer. Hommage à tous
ces exilés qui ont dû risquer leur vie à cause de plusieurs
décennies de politiques des pays les plus riches qui ont rendu les
routes de l’exil impraticables et périlleuses.
En
cette journée mondiale des migrants, nos pensées se portent
également vers tous et toutes ces citoyens et citoyennes engagé·e·s
qui, en France, en Europe et dans le monde, pensent qu’accueillir
les personnes migrantes, manifester de la solidarité envers elles,
c’est construire l’humanité d’aujourd’hui et le monde de
demain.
Les
obstacles mis sur les routes des migrants font le jeu des profiteurs
de malheur, qui sèment le trouble et la terreur en se livrant au
trafic d’êtres humains, au racket et à l’esclavage. Ces maux
doivent être dénoncés et combattus. Or l'arsenal répressif
déployé aveuglément par les gouvernements européens frappe du
même coup les personnes migrantes, renforçant encore la nécessité
pour elles de recourir à des réseaux criminels.
La
France est en première ligne de ce mauvais combat. Une proposition
de loi actuellement en discussion au parlement permettrait la
rétention administrative anticipée des personnes dubliné.e.s,
puis, début 2018, un projet de loi sur l’immigration et l’asile
risque d'accroître encore le dispositif de répression à l'encontre
de l'ensemble des étrangers. Sans attendre l'adoption de ces
réformes, le ministre de l’Intérieur, via une circulaire en date
du 20 novembre, a exhorté les préfets à obtenir des résultats
rapides en matière d’expulsion de personnes en situation
irrégulière. Pour ajouter encore au caractère inacceptable de
cette politique, d'autres mesures sont envisagées qui remettraient
en question le principe de l’accueil inconditionnel dans les
structures d’hébergement d’urgence, et viseraient à contraindre
les acteurs associatifs opérant dans ces centres à participer au
tri entre "bons" et "mauvais" migrants.
L’action
extérieure de la France est à l’avenant. Le Président Macron
s’indigne du traitement des migrants détenus en Libye, et des
marchés aux esclaves, qu’il feint de découvrir quand les ONG
alertent sur leur existence depuis plusieurs années. Mais ni la
France ni l’Europe n’envisagent de renoncer à financer les "autorités" libyennes pour qu’elles continuent de bloquer les
migrants, et donc à fermer les yeux sur les violences et les trafics
dont elles se rendent de fait complices.
L’argumentaire
est toujours le même : la France, comme l’Europe, ne peut pas
accueillir toute la misère du monde... Sauf que toute la misère
du monde n’a aucunement l’intention de venir en France ou en
Europe ! Les chiffres l’attestent clairement. Entêtées dans cette
logique manichéenne de tri, les autorités des pays européens
refusent d’admettre que les causes des migrations sont multiples,
et d'envisager, en conséquence, que les critères pour accueillir et
accorder une protection le soient aussi.
Dans
nos actions de terrain, nous, associations et organisations
citoyennes, constatons quotidiennement les conséquences de ces
orientations : maltraitance des migrants, violation de leurs droits
fondamentaux, criminalisation des bénévoles, affaiblissement des
principes guidant le travail social et la protection des personnes
les plus fragiles, et donc les fondements mêmes de la solidarité
nationale.
Cette
politique se développe sans concertation large avec les centaines
d’associations locales, collectifs citoyens ou organisations
nationales qui travaillent aux côtés des personnes migrantes. En
dépit de nos demandes, le gouvernement se barricade derrière ses
certitudes, se limitant à quelques rencontres avec certains acteurs
pour les informer de ses décisions et confirmer son choix de
pratiques démagogiques, au demeurant dénuées de réalisme, érodant
chaque jour un peu plus nos chances de construire un futur fait de
droits, de solidarité et de respect.
Dans
ce contexte plus qu’inquiétant, nous avons pris l’initiative, le
21 novembre, de lancer les "États généraux des Migrations".
D’abord marqués par des rencontres en régions de tous les acteurs
citoyens impliqués, les idées et propositions qui en émergeront
seront ensuite discutées à l’occasion d’une session nationale
plénière prévue au printemps prochain. Notre objectif est de faire
ressortir des revendications communes et des propositions concrètes
pour une autre politique migratoire, respectueuse des droits
fondamentaux.
Ce
18 décembre, en soutien à tous et toutes les migrant·e·s, nous
sommes fermement décidés à promouvoir un changement radical qui
mette un terme à ces politiques migratoires aux conséquences
humaines dramatiques.
(ce
texte, auquel je souscris entièrement, a été signé par plus de
quatre cents associations françaises, nationales et locales)
J'ajouterai que l'asile est non seulement un droit, mais un devoir !
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