qu’adviendrait-il
de l’Amérique blanche si elle devait être confrontée, dans la
banalité du quotidien, à l’égalité entre ceux qui se sont
inventé une histoire nationale de tolérance et de grandeur, et
ceux, les Noirs, qui sont la trace vibrante et turbulente de la
preuve que cette histoire n’est qu’une fable ?
(Christiane
Taubira, Préface à
Ta-Nehisi Coates, Le procès de l’Amérique,
trad. Karine Lalechère, Autrement, 2017)
Depuis
quelque temps, je me sens plus léger. Hier, c’était même
extraordinaire, j’avais l’impression que si le vent se mettait à
souffler, je m’envolerais !
Il
faut dire que j’ai fait de bien belles lectures, le livre de
Ta-Nehisi Coates par exemple, Le procès de l’Amérique
(Autrement, 2017), réquisitoire
implacable contre l’Amérique blanche malade du racisme, ou celui d’Asli Erdoğan,
Le silence même n’est plus à toi (Actes
sud, 2017), réquisitoire tout aussi implacable contre la dictature
turque actuelle, qui emprisonne par centaines et par milliers les
opposants, qui assassine les Kurdes du PKK (ou ceux suspectés de l'être, donc "terroristes" en puissance=, ce qui arrange bien nos
soi-disant démocraties, toujours prêtes à disserter savamment sur
le "droit des peuples à disposer d’eux-mêmes", mais
refusant de reconnaître les référendums organisés pacifiquement
(chez les Kurdes d’Irak, chez les Catalans, où
même un grand nombre de votants furent sauvagement matraqués par la police dans le
silence sidérant de l’Europe)
quand le résultat leur déplaît.
J’ai
vu aussi de bien beaux films, la plupart du temps extrêmement durs,
même d’une noirceur absolue, le film russe de Zwiaguintzev, par
exemple, Faute d’amour,
où l’on voit des adultes vivre leur vie sans se soucier des
enfants qu’ils ont faits, enfants qui en meurent, Derrière
les fronts : résistances et résiliences en Palestine,
d’Alexandra Dols, qui relate sans concessions les effets
dévastateurs de l’occupation israélienne sur l’esprit des
Palestiniens, ou L’enclos,
une rareté d’Armand Gatti datant de 1960, jamais vu encore, et qui
met au jour la barbarie nazie (ce n’était pas sans évoquer
l’usage de la torture et du meurtre tels que je venais de les lire
dans les deux livres précités ou de les voir dans le film sur la Palestine).
Et
j’apprends ce matin à la radio qu’une polémique agite notre petit
Landerneau, entre Médiapart
et Charlie hebdo. Ce
dernier hebdomadaire et leurs rédacteurs, on se demande dans quel
monde ils vivent : certainement pas dans un pays où vivent plus
de 5 000 000 de musulmans. Ils ne doivent pas non plus se promener
dans les quartiers où ces derniers habitent. Ils sauraient alors, en
parlant avec les gens, que leurs couvertures bêtes et méchantes (et
rarement drôles, ça ne doit faire rire qu’eux !), imbécilement
agressives et souvent en dessous de la ceinture, y sont perçues
comme des provocations, notamment
par les jeunes et font le lit de la radicalisation chez certains.
Je
me souviens que mon sujet de philosophie au baccalauréat de 1964
fut : « Peut-on tirer des leçons du passé ? »
Personnellement, je crois que oui : tant au niveau individuel
(bien qu’il nous arrive de rééditer deux fois la même erreur)
qu’au niveau collectif. L’Allemagne a bien fait son mea culpa, et
octroyé des réparations à Israël dans les années 50 et 60. En
France, nous n’avons toujours pas réussi à mettre sur le tapis
notre problème colonial, pensant sans doute que la décolonisation
avait clos la question de l’esclavage, des diverses spoliations, des
humiliations. Et Charlie
serait mieux inspiré en essayant de nous parler un peu du
néo-colonialisme et des effets du libéralisme mondialisé, plutôt
que d’ajouter de nouvelles offenses et humiliations à ceux qui en
sont déjà largement abreuvés.
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