Pour
des esprits vivants, rien ne peut être plus terrible – et ce n’est
pas une simple hypothèse, mais la réalité qui concerne des
millions d’êtres humains – que de vivre dans le monde de la
quantité où tout est mesuré par le chiffre, non par la valeur
intrinsèque (l’homme évalué en fonction de son salaire, la
qualité d’une opinion par le nombre, la valeur d’un livre ou
d’une œuvre d’art par le chiffre de vente...), hors de l’esprit,
hors de la pensée.
(Christine
Jordis, William Blake ou l’infini,
Albin Michel, 2013)
Avant
de procéder d’ici quelques jours à un compte rendu des Rencontres
internationales du Film d’histoire de Pessac (20-28
novembre 2017), je
reviens sur mes récents déplacements.
une des fresques d'Orgosolo
D’abord
la Sardaigne : en dépit du décès de mon frère, qui m’a
affecté plus que je ne pensais, j’ai beaucoup aimé ce pays,
probablement assez semblable à la Corse au point de vue du relief :
une île assez grande et très montagneuse. Les
paysages m’ont paru grandioses, quoique très austères, à cause
sans doute de la sécheresse persistante (il paraît qu’il n’avait
pas plu du tout depuis le début de l’année, nous avons donc
essuyé quelques averses, surtout en soirée, les premières, selon
les insulaires, qui les attendaient avec impatience, car les rivières
et retenues d’eau étaient au plus bas !). J’ai aussi beaucoup
aimé les habitants, fiers de leurs nombreux dialectes (au moins
seize sur l’île, ils apprennent l’italien à l’école) et de
leur identité, même s’ils ont de plus en plus de mal à trouver du boulot.
La saison touristique est trop courte (notre hôtel en était, fin
septembre, à sa dernière semaine d’ouverture) et les métiers ou
travaux traditionnels ont quasiment disparu. Résultat, une
hémorragie de la population, qui diminue chaque année, les jeunes partant sur le continent !
notre station balnéaire
Dans
les excursions, j’ai particulièrement aimé celle de Nuoro, faite
en autocar, avec la visite du
musée ethnographique, puis la visite de Orgosolo, célèbre dans les
années 50 par les enlèvements pour rançon (cf le beau film de
Vittorio de Seta, Banditi a Orgosolo,
1961), mais aussi par ses fresques murales que l’on peut voir tout
au long de la grand rue, souvent à teneur sociale et contestataire, et par ses élevages de moutons et de porcs
en plein air et en toute liberté. Et nous avons eu droit au festin
offert par les bergers d’Orgosolo : charcuterie, fromage,
agneau rôti et cochon de lait grillé, le tout mangé avec les doigts, un
régal absolu (et tant pis pour les végétariens !). Un très beau
moment (en tout cas pour moi)...
pique-nique à Orgosolo (l'ami Christian à gauche)
Deuxième
excursion, cette fois en
voiture : vers les
restes archéologiques de
Buromini, où nous sommes allés à la rencontre des géants de la
civilisation nuralgique, qui a occupé les lieux pendants les deux
millénaires qui ont précédé notre ère. Tout un village a été
mis au jour : la cité de Nuragui. J’ai trouvé ça magnifique, ces tours, ces murs de
pierre, ce silence. La troisième, en autocar, nous a amenés vers l’archipel
des îles du Nord, proches de la Corse. La guide nous avait beaucoup
alléchés pendant les deux heures de route, notamment pour la visite
de l’île de la Maddalena (dont Bonaparte tenta en vain de
s’emparer en 1793), où on trouverait la maison de Garibaldi !
Résultat, on a fait une excursion en ferry, avec arrêts prolongés
sur les plages des îles désertes (où j’ai oublié mon appareil
de photo !!!) et un arrêt bref sur la fameuse Maddalena, où, faute de
temps, nous avons pu uniquement admirer le boulet de Napoléon,
précieusement conservé dans la mairie.
ruines de Nuragui, près de Buramini
Pour
les autres jours, je me suis contenté de découvrir la station
balnéaire proche de notre hôtel et de me balader sur les rochers
vers le nord et vers le sud. J’y ai rencontré deux Suissesses
d’une quarantaine d’années qui rongeaient leur frein, leurs
maris ayant amené leurs motos et se régalant, paraît-il, sur les
routes montagneuses, pendant qu’elles se contentaient de ma
compagnie ou de celles d’autres touristes. Globalement, la
nourriture de l’hôtel était bonne (quoique largement
internationale) comme en Sicile. Voilà un endroit où on mange
bien ! Y reviendrai-je ? J’avoue qu’y randonner à vélo
me siérait bien.
Ubu roi
De
mon voyage vers le sud-est, j’ai déjà dit tout le bien que je
pensais du Cinémed. Mon passage à Lyon m’a permis de retrouver
mon fils et mes vieux amis de voyages au long cours : Jean du
cargo de 2013 (cf mes pages de blog du 12 au 26 mars 2013), et
Fortune, la "vieille
dame" de Tanger (cf mes pages de blog du 5 au 7 mars 2012).
J’ai pu visiter l’atelier d’artiste de Mathieu dans un
collectif : ils sont une vingtaine à travailler
individuellement et parfois ensemble. Nous
sommes allés voir ensemble Ubu roi
au TNP de Villeurbanne, joué dans un décor surchargé, mais pas si mal. Et
Mathieu m’a baladé dans Lyon (il y a un jour où nous avons fait
plus de 22 km à pied ), où
nous avons visité le musée d’art contemporain et mangé dans des
restaurants chinois et japonais. Tant pis pour les fameux
"bouchons" lyonnais, ce sera pour une autre fois.
L’ange
exterminateur
Enfin
le week-end dernier, j’étais au Mans où j’ai retrouvé mon ami
Philippe Bouquet, grand traducteur du suédois (quelques 150 livres à
son actif) et qui vient de décider, à cinquante ans, de prendre sa
retraite. Il faut dire que six ou sept de ses dernières traductions
lui ont bien été payées, mais n’ont toujours pas été publiés
et ne le seront peut-être jamais ! Il m’a magnifiquement
reçu, m’a emmené voir au cinéma la retransmission depuis le Met
de New York de l’opéra de Thomas Adès L’ange
exterminateur (d’après le
film de Bunuel), qui m'a bien plu, et le lendemain l’extraordinaire documentaire
de Frederick Wiseman sur la New York Public Library Ex
libris : The New York Public Library, qui m'a enchanté :
nous n’étions que cinq pelés et les seuls à être restés
jusqu’au bout de ses 3 h 17 mn ! Ça m’a passionné, surtout
pour découvrir le rôle éducatif et social dévolu à la Bibliothèque de New
York et à ses annexes, notamment dans les quartiers. On en est loin, en France !
De bien beaux déplacements...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire