dimanche 26 février 2017

26 février 2017 : du cinéma, encore !


Le voleur le regarda sans sourciller ; mais il avait appris qu’il avait affaire à un véritable honnête homme, autrement dit à un authentique couillon.
(Luigi Bartolini, Les voleurs de bicyclette, trad. Olivier Favier, Arléa, 2008)

Je n’en parlais pas, mais croyez-moi, j’ai continué à aller au cinéma ces derniers temps. Je me suis même investi dans la création de l’Association des Amis de l’Utopia 33, qui va démarrer prochainement ses activités. Ça me fait connaître du monde sur Bordeaux, et je peux encore me rendre utile, on verra bien !
Qu’est-ce que j’ai vu ce dernier mois ?

Des films qui font du bien :

L‘ascension

Dans ce petit film français, tiré du livre de Nadir Dendoune, Un tocard sur le toit du monde, nous voyons un jeune des cités qui essaie de prouver son amour à sa belle en s’attaquant au sommet du monde, l’Everest. Samy, un peu hâbleur, qui n’a jamais grimpé la moindre montagne, trouve un sponsor, arrive à s’inscrire sur internet à un groupe qui doit gravir la montagne. Il débarque au Népal et rejoint le groupe. De temps en temps, il envoie de ses nouvelles en France, où son aventure est suivie par tout un peuple. C’est modeste, c’est rafraîchissant, ça montre qu’on peut faire quelque chose dont on est fier quand on vit dans ces cités oubliées de l’État. Mention spéciale aux acteurs et à celui qui joue le héros : c’est son premier film en vedette, il ne s’arrêtera pas là ! Paysages de montagne magnifiques, qui contrastent avec la banlieue un peu triste. J’en suis sorti aussi ravi que j’avais pu l’être il y a plus de cinquante ans en sortant des Demoiselles de Rochefort ! C’est dire si ça m’a rajeuni...

Les derniers Parisiens

Là, je ne savais à peu près rien du film ! Au début, je me suis dit que ça n’allait pas me plaire : scènes nocturnes, dialogues argotiques banlieusardes peu audibles. Le héros, Nasser (joué par Reda Kateb, un de mes acteurs actuels préférés) sort de prison. Il est embauché (en contrat aidé, le temps de sa période de probation) dans le bar de son frère, Arezki, qui essaie de vivre dignement, en attendant de revendre son bar pour partir vivre en haute Provence en créant le restaurant de ses rêves. Le courant passe mal entre les deux frères, d’autant que Nasser a renoué avec sa bande de petits trafiquants. Peu à peu, pourtant, Nasser, qui finit par être pris à son propre piège par un truand plus matois que lui, comprend qu’il doit se ranger. J’ai aimé cette évolution simple d’un homme aux abois, qui cependant ne veut pas être écrasé par la société qui l’entoure. C’est vivant, enlevé, bien joué, filmé dans des couleurs flashantes par deux rappeurs dont c’est le premier film, très réussi.
Des films qui font peur, mais obligent à réagir :

Les fleurs bleues

Nous sommes en Pologne, à la fin des années 40 et au début des années 50. C’est un épisode de la fin de la vie de Wladislaw Strzeminski, artiste polonais de grande renommée mais d’avant-garde, adulé de ses élèves à l’École des beaux-arts, et qui est persécuté par le régime stalinien qui se met en place à partir de 1948 et qui ne prône que le réalisme socialiste en art et la soumission des artistes. Le film d’Andrzej Wajda (son dernier, car il est mort l’an passé) renoue avec les qualités de ses premiers films, réalisés dans la période communiste. Classicisme assumé, jolis mouvements de caméra, interprétation émouvante, belle reconstitution d’époque. J’ai beaucoup pensé à Piotr, mon ami polonais du début des années 70. Le totalitarisme de l'époque est montré avec vigueur.

Chez nous

Ce totalitarisme politique est à l’œuvre aussi dans le nouveau film de Lucas Belvaux, Chez nous, qui raconte l’ascension d’un parti politique d’extrême droite dans une petite commune du Nord de la France, et la manière dont le parti se sert de la naïveté d’une jeune infirmière, à qui on fait miroiter l’élection à la mairie, mais qui doit dès lors abdiquer toute vie privée pour se consacrer au parti. J’avoue que j’ai eu peur que ça fasse un film à thèse. En fait, non, c’est certes un tableau à charge d’un parti qui se veut rassurant, mais qui cherche clairement à enchaîner les âmes. Le seul point faible, la conversion un brin trop rapide de la jeune femme. Mais, en dehors de ça, c’est vraiment le film à voir en ce moment. On comprend qu’il déplaise à un certain parti. Car voir la manière dont on déchaîne les passions (même chez les enfants), observer la violence des services d’ordre occultes... Wouah, ça fait froid dans le dos. Une sorte de totalitarisme à venir !
Un classique inédit et formidable :

Le plus dignement

Le deuxième film (1944) de Akira Kurosawa est clairement un film patriotique, comme il devait s’en tourner des dizaines dans le Japon en guerre, destinés à galvaniser les populations derrière leur armée. Le film se passe dans une usine d’optique qui fabrique des produits destinés aux avions, bateaux, tanks, etc. Le gouvernement lance un plan de hausse de la production, et les ouvrières s’engagent à augmenter la leur de 2/3. Le film suit donc l’histoire de ces femmes harassées. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est nullement un film de propagande (ce qui nous aurait étonné d’un humaniste de la trempe du réalisateur), mais une tranche de vie qui expose directement les combats et les difficultés de ces femmes éloignées de leurs familles, leurs espoirs aussi, leurs rires et leurs révoltes. Le tout dans le superbe noir et blanc des films de ce temps, très correctement restauré. Inédit en France, c’est un film à découvrir pour tous les amateurs du vieux maître, aujourd’hui disparu.

À noter que le dernier roman que j’ai lu est celui de Luigi Bartolini, cité en exergue, et dont Vittorio De Sica a tiré son film le plus célèbre. Le roman est très différent et mérite largement le détour, par la description sans fard de la Rome de 1944, libérée des fascistes, mais certes pas des trafiquants de tous poils ! De ceux qui prolifèrent toujours, sur les décombres du totalitarisme...


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