« Un
monsieur ? Comment était-il ?
— Comme
tous les messieurs, répondit le jeune homme rudement : jusqu’à
l’âge de quarante ans, ce sont des messieurs et, au-delà, des
petits vieux.
(Virgilio
Piñera, La chair de René,
trad. Liliane Hasson, Calmann-Lévy, 2005)
Après-demain,
j’aurai 4 x 18 ans : j’étais "jeune" à 18 ans,
"adulte" à 36 ans, "mûr" à 54 ans. Désormais,
je suis "vieux", en attendant d’atteindre le stade du
"vieillard" à 5 x 18, soit 90 ans, si j’y arrive. Et
dire que certains me traitent encore de jeune ! Ils ne doivent pas
avoir les yeux en face des trous !
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Hier,
dans le bus, j’ai remarqué que le chauffeur avait son smartphone
sur les genoux et qu’à chaque arrêt, il le regardait. Prions pour
que lui et ses collègues ne regardent pas les leurs avant un
croisement à feux, comme peut-être étaient en train de le faire
ceux ou celles qui ont causé des accidents dramatiques, telle la
conductrice d’une voiture qui n’a pas vu un feu rouge (à 22 h,
faut le faire, la soirée était très belle et il n’y avait nul
brouillard), renversant un livreur de pizzas à scooter et heurtant
un cycliste en V3 (vélo de ville). Elle ne devait pas avoir les yeux
en face des trous !
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Israël
n’en finit pas d’opprimer les Palestiniens, non seulement en
entravant leur liberté de circulation (causant la mort en couches de
femmes qui se dirigeaient vers un hôpital), en restreignant
considérablement l’électricité et l’eau à Gaza (avec des
conséquences sanitaires très graves, mais aussi comment ces "gueux"
ont-ils eu le culot de voter pour le Hamas ?), en harcelant et
emprisonnant systématiquement tous ceux qui ne courbent pas
l’échine, y compris des préadolescents et des mineurs en grand
nombre, en arrachant les oliviers et détruisant les récoltes et les
maisons des suspects de "terrorisme", mais encore cet
état-voyou voudrait qu’on l’aime et qu’on le considère comme
une démocratie exemplaire, et surtout il s’étonne de la haine que
leur portent les jeunes Palestiniens !
Voilà un état qui n'a pas les yeux en face des trous !
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Étant
allé en ville ce jourd’hui, j’ai été frappé par la cohue
frénétique des acheteurs, y compris dans la célèbre librairie
Mollat. Décidément, ces libraires font fort mal leur boulot. Alors
que le film Les gardiennes
remportent
un certain succès, le roman dont il est tiré est introuvable. À La
machine à lire,
autre librairie de Bordeaux habituellement plus clairvoyante, j’ai
dû expliquer au libraire que le livre leur serait demandé par
certains spectateurs désireux de le lire avant ou après avoir vu le
film. Ils en ignoraient tout. Il est vrai que Ernest Pérochon,
l’auteur du roman (pourtant prix Goncourt en 1921 pour Nêne),
était également totalement inconnu des critiques cinéma du
Masque et la plume dimanche
dernier qui se vantaient de ne jamais en avoir entendu parler et en
faisaient des gorges chaudes. Décidément, il n’y a pas que les
hommes politiques qui sont incultes. Libraires et critiques aussi
n'ont pas toujours les yeux en face des trous !
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La
télé propose dans ses programmes de fêtes quelques fleurons du
cinéma hollywoodien, du meilleur (Autant en emporte
le vent)
au pire (La mélodie du bonheur).
J’aurais aimé qu’elle propose aussi quelques fleurons du cinéma
français (pourquoi pas Les
enfants du paradis
ou Lola Montès
?)
ou du théâtre classique (ne sommes-nous pas connus comme le pays de
Molière ?), qui brillent courageusement par leur absence. Il est
vrai que les rayons librairie sont surchargés d’innombrables
traductions de romans anglo-saxons. Paraît que le public ne veut
lire que ça. Pour se faire pardonner, sans doute, d’être si nul
en langues étrangères, anglais compris ? Téléspectateurs et
lecteurs ont-ils encore les yeux en face des trous ?
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Enfin,
certaines compagnies aériennes cassent les prix. Mais à quel prix ?
Un déclassement des pilotes et des personnels navigants, qui
déplorent un service médiocre, et à terme, on peut s’attendre à
une désaffection du public pour le low-cost. Pareillement, une
enquête du Daily Mirror révèle la condition de forçat des
livreurs d’Amazon en Angleterre, obligés d’avoir avec eux une
bouteille en plastique pour uriner pendant leur boulot ! Souvent,
on parle des conditions de travail proches de l’esclavage au Bangla
Desh ou en Chine, mais ici, ça se passe dans des pays riches,
proches de nous, peut-être même chez nous, c’est-à-dire
"civilisés" : où va se cacher la civilisation
aujourd’hui ? Les acheteurs à bas prix ont-ils vraiment les
yeux en face des trous ?
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Hier,
à la RPA où je faisais une animation-lecture, j’ai eu la surprise
qu’à la même heure, il y avait aussi un atelier-mémoire, alors
que certains jours, il n'y a aucune animation. Or, plusieurs
personnes voulaient aller aux deux. Un petit groupe est resté avec
moi. Pourtant l’animatrice m’avait garanti que le créneau était
libre. Au secours, plus personne n’a les yeux en face des trous !
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PS : 22 décembre (dans la nuit). Décidément,
pour ceux qui ont lu ma page en avant-première hier 21, j'avais
écrit "21 novembre" : moi-même, je n'ai pas toujours les yeux
en face des trous !
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La
cent millième page visitée de mon blog approche, et sera dépassée probablement
pendant que je serai pour Noël à Toulouse : tiens ! en voilà qui
ont peut-être les yeux en face des trous !