La
civilisation planétaire, celle de la mondialisation du marché,
n’est pas un pur fantasme. Mais si nous y incluons quelque
dimension culturelle, suivant le modèle indéniable de l’Occident,
avec son paradigme politico-démocratique, et son paradigme
éthico-social des droits de l’homme, c’est une illusion.
(Edouardo
Lourenço, La
splendeur du chaos, trad.
Annie de Faria, L’Escampette, 2002)
Retour
de Marrakech un peu rude. Sans doute, j'ai retrouvé avec grand
plaisir à Toulouse mes enfants et ma famille, mais les signes
avant-coureurs que j'ai ressentis à la fin de mon séjour à
Marrakech (la fumée de tabac me causait une grosse gêne et, au
Maroc, on fume toujours au restaurant, la lumière m'aveuglait) se
sont développés en un gros rhume qui s'est installé à Toulouse et
a éclaté violemment à Bordeaux. La journée de jeudi a été la
plus pénible avec l’œil qui coule, le nez bouché et de grosses
difficultés avec la luminosité. Mes bonnes vieilles sinusites
d'antan, après une pause entre 2000 et 2010, ont repris. Ça me dure
quelques jours, à chaque fois, je me dis que c'est la fin finale, et
puis ça repart ! Bon, donc quelques jours à me remettre...
Avec ce temps inusité de décembre, 20° l'après-midi, tout ça ne
m'étonne pas...
cascades d'Ouzoud : une merveille
Le
Festival international de cinéma de Marrakech, où j'étais un peu esseulé –
la majorité des participants du groupe de Bordeaux ayant déclaré
forfait – s'est révélé excellent, comme pour leur faire
regretter de n'être pas venus. Placé sous haute protection
policière et militaire, davantage encore que l'an passé, il
proposait une cinquantaine de films (environ 90 annoncés dans le catalogue,
mais certains n'étaient indiqués nulle part dans les programmes de
projection). J'ai pu en voir dix-sept, tous bons, parfois excellents,
provenant de quatorze pays différents : Belgique, Canada (3), Côte
d'ivoire, Danemark, GB, Inde, Italie, Japon, Kosovo, Liban, Maroc
(2), Mexique, République Tchèque, USA. Le cinéma canadien était
à l'honneur, d'où le nombre plus important des films visionnés
provenant de ce pays, en prévision d'ailleurs de mon prochain voyage
là-bas l'été prochain.
Babai
(Kosovo) raconte l'odyssée d'un père et de son fils migrant vers
l'Allemagne : poignant, j'espère qu'il sortira en France. Leur errance dans les rues allemandes avec une bicyclette m'a évoqué Le voleur de bicyclette de De Sica.
Closet
monster
(Canada anglais) : un jeune homme, perturbé par l'horrible
scène d'un passage à tabac d'un homosexuel, dont il a été témoin
enfant, doit affronter les traumatismes psychiques nés de cet
événement.
Cop
car (thriller
américain) : un shérif se fait voler sa voiture par deux
préadolescents en fugue. Il les pourchasse à son tour, surtout qu'il est loin d'avoir la conscience tranquille. Terrifiant portrait de la province américaine et d'enfants en désarroi.
Desierto
(Mexique) :
Gael Garcia Bernal émigre avec un groupe vers les USA. Ils sont pris
à partie par un tireur fou qui se croit à la chasse aux lapins.
Encore plus terrifiant.
Family
film
(République tchèque) : un couple pragois très aisé part pour
des recherches scientifiques sur les océans lointains et laisse à
domicile leur fille aînée, étudiante et leur fils lycéen. La
liberté profite mal à ce dernier. Et les secrets de famille
ressurgissent.
La
Isla
(Maroc) : le seul film qui nous a déridés un peu et qui m'a beaucoup
fait rire. Un soldat marocain est expédié sur un îlot inhabité très proche de la côte marocaine,
où on le charge de surveiller le trafic de drogue et les immigrants
clandestins. Tel Robinson, il découvre son Vendredi, un Sénégalais
échoué sur la plage. Les deux solitaires se lient de fraternité.
C'est sans compter sans l'Espagne qui revendique aussi cet îlot et envoie
une armada et une opération hélico-portée hilarante pour s'en emparer. Tiré
d'une histoire vraie, le film est en même temps d'une grande humanité. J'espère
aussi qu'il sortira en France ! Acteurs excellents...
Mon film préféré
Keeper
(Belgique) :
un des films les plus poignants. Maxime et Mélanie s'aiment ;
mais ils n'ont que quinze ans. Mélanie tombe enceinte et décide de
garder le bébé malgré l'opposition de sa mère. Je n'en dis pas
plus, car il sortira en France. C'est un très bon film sur un thème délicat.
Key
house mirror (Danemark) :
un couple âgé est en foyer-logement. Lui, victime d'un AVC sévère,
est devenu un légume dont elle s'occupe avec amour. Elle, qui débute
un Alzheimer (les trois mots du titre font partie d'un test sur cette
maladie), aimerait vivre encore et tombe amoureuse d'un autre résident,
ancien pilote de ligne. Très beau film sur les espoirs et le naufrage de la
vieillesse.
Lingering
memories
(Japon) : une jeune fille, serveuse dans un bar de la grande
ville, pète un câble devant un client éméché qui la bouscule, elle est virée. Elle
en profite pour revenir dans le village de son enfance et faire un
retour sur le passé. Très émouvant, tendre, pudique et très beau.
Love
projet
(Canada) : ce film de Carole Laure se passe dans les milieux
artistiques. Un groupe projette un spectacle de danse et chant. Un
film musical donc sur des musiques de Lewis Furey.
Mr
Holmes (Grande-Bretagne) :
en 1947, Sherlock Holmes achève sa vie dans une retraite en bord de mer. Le
vieil homme a une gouvernante, veuve d'un pilote tué à la guerre de
39-45. il se lie d'amitié avec son fils d'une dizaine d'années.
Il cherche à résoudre une affaire que Watson a caricaturé, selon
lui, et le jeune garçon l'aide. Un film admirable sur le
vieillissement et sur le mythe créé par Conan Doyle.
On
ne peut pas se sauver tout seul (Italie) :
le naufrage d'un couple dans l'Italie contemporaine. Un film fait
d'allers-retours entre le passé et le présent, dans la lignée
d'Antonioni, mais en moins austère.
Sans
regret
(Côte d'Ivoire) : Le héros est docker au port d'Abidjan et
mène une vie difficile. Pour aider les études de ses enfants, il
décide de se lier à la pègre locale en participant à des coups. Un film sur la corruption et
le doute. Serait très bon, si les acteurs parlaient une autre langue que le français : comme dans beaucoup de films francophones d'Afrique noire, ça paraît ici très artificiel ; je suis sûr que le français est la langue de l'école, pas la langue naturellement parlée à la maison dans une famille de dockers ivoiriens !
Secrets
d'oreiller
(Maroc) : une maison close à Tanger. De superbes portraits de
femmes. Un film anti-macho ! Très émouvant.
Sleeping
giant (Canada) :
un adolescent, plutôt timide et réservé, est en vacances avec ses
parents au bord d'un lac. Il se lie avec deux ados bien plus délurés
que lui, qui lui font découvrir un secret concernant son père. Les difficultés de la
pré-adolescence. Un film douloureux.
Thithi
(Inde) :
le centenaire du village meurt. Tout un rituel se met en place, qui se
clôture par le thithi, grand banquet en l'honneur du défunt, où l'un de ses
petit-fils se ruine en invitant le village entier ainsi que les
villages voisins. Le conflit des générations à l'indienne...
Very
big shot (Liban) : le
héros sort de prison où il a purgé une peine à la place de son
frère aîné, le vrai meurtrier. Ce dernier est lié au trafic de
drogue avec la Syrie. Un thriller haletant qui a emporté l'étoile
d'or.
ma chambre d'hôtel, luxueuse
Bilan
largement positif, où j'ai oublié les soucis franco-français. Par rapport à l'an passé, j'ai
changé d'hôtel, et j'ai coupé la semaine cinéma par une escapade aux cascades
d'Ouzoud, à trois heures de route de Marrakech, avec un minibus très
cosmopolite.
Pendant le séjour, j'ai lu sur ma liseuse deux très bons romans francophones des auteurs belge (Georges Eekhoud, La Nouvelle Carthage, description naturaliste des développements de la ville d'Anvers à la fin du XIXe siècle) et suisse (Édouard Rod, Là-haut, superbe évocation de la montagne et de la délicatesse de l'amour), ainsi qu'un roman historique que j'ai acheté à Marrakech : Les petits-enfants de Zaynab, de Zakya Daoud, où j'ai révisé avec joie mon histoire médiévale du Maroc, de l'Andalousie et de toute l'Afrique du nord, du temps des Almoravides et des Almohades (12e-13e siècles).
Pendant le séjour, j'ai lu sur ma liseuse deux très bons romans francophones des auteurs belge (Georges Eekhoud, La Nouvelle Carthage, description naturaliste des développements de la ville d'Anvers à la fin du XIXe siècle) et suisse (Édouard Rod, Là-haut, superbe évocation de la montagne et de la délicatesse de l'amour), ainsi qu'un roman historique que j'ai acheté à Marrakech : Les petits-enfants de Zaynab, de Zakya Daoud, où j'ai révisé avec joie mon histoire médiévale du Maroc, de l'Andalousie et de toute l'Afrique du nord, du temps des Almoravides et des Almohades (12e-13e siècles).
un des chats (plutôt faméliques) de Marrakech
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire