vendredi 3 janvier 2014

3 janvier 2014 : Aime et fais ce que tu veux


Les motifs qu'on donne aux autres ou à soi-même ne sont certainement pas suffisants. On peut tout motiver. Mais en dernier ressort on agit à partir d'une base qui nous reste cachée.
(Dietrich Bonhoeffer, Journal, 20 juin 1939)


Premier film que je vois cette année, celui de la Polonaise Malgorzata Szumowska, Aime et fais ce que tu veux (titre anglais : In the Name of, qui correspond au titre original : w imie...) raconte l’histoire d’un prêtre catholique, Adam, qui encadre des jeunes difficiles, désaxés, dévoyés (à côté d'eux, les jeunes de La fureur de vivre de Nicholas Ray de 1956 apparaissent comme des anges – le monde a bien changé), dans un village paumé, en forêt, non loin d'un lac. Des jeunes très durs, au vocabulaire ordurier, à la violence facile dès qu'ils repèrent la faiblesse de quelqu'un (ils s'en prennent à des simples d'esprit, violent l'un d'entre eux qui finit par se suicider). Adam, mal à l'aise dans sa peau – il se sait homosexuel, mais n'a pas franchi le pas, et se saoule parfois pour oublier, a suffisamment de charisme pour les encadrer efficacement. Un sujet fort donc, porté par une belle photo, une interprétation excellente, et qui s'attaque à un des tabous de la société polonaise. On reste un peu à côté du problème de la foi et de la sincérité de la croyance (la vocation d'Adam existe-t-elle vraiment, et même a-t-il la foi ?) : quand Adam veut se confesser, il trouve porte close. Cependant, dénoncé à l'évêque (sur des soupçons seulement), alors qu'il n'a pas encore succombé, il est muté une nouvelle fois, sans que l'évêque n'approfondisse justement le problème des prêtres amoureux : trop facile d'évacuer le problème dans la fuite et la mutation.
AIME et fais ce que tu veux

Adam fait partie de ces prêtres qui ont besoin d'affection : qui n'en a pas besoin ? Le célibat imposé est dur. Il combat ses démons en pratiquant la course à pied ("La course aussi est une prière", dit-il au jeune qui s'est confessé de son homosexualité  et dont la fragilité l'a ému). Une des femmes du village s'offrirait bien à lui, mais ce n'est pas son choix. Il finit par se prendre d'amour pour Lukasz, un des garçons du foyer, à qui il apprend à nager dans une belle scène qui ressemble à une sorte de baptême. Autre référence biblique, Lukasz (cheveux longs, barbe légère) ressemble à ces images saint-sulpiciennes qui représentent Jésus et fleurissent partout en Pologne. Pourtant, Adam, conscient de sa propre nature, cherche à s'éloigner de la tentation, tout en étant tout autant conscient des ravages psychiques et physiques du renoncement.
Dans un pays comme la Pologne, où la religion catholique a un poids prépondérant (malgré plus de quarante ans de propagande anti-religieuse, comme en Russie où, après soixante-dix ans d'athéisme contraint, les religions fleurissent de nouveau, au grand et naïf étonnement des Occidentaux), l'homosexualité semble donc être toujours une malédiction, et son existence niée, en particulier celle des prêtres.

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