Les
motifs qu'on donne aux autres ou à soi-même ne sont certainement
pas suffisants. On peut tout motiver. Mais en dernier ressort on agit
à partir d'une base qui nous reste cachée.
(Dietrich
Bonhoeffer, Journal,
20 juin 1939)
Premier
film que je vois cette année, celui de la Polonaise Malgorzata
Szumowska, Aime
et fais ce que tu veux
(titre anglais : In
the Name of,
qui correspond au titre original : w
imie...)
raconte l’histoire d’un prêtre catholique, Adam, qui encadre des
jeunes difficiles, désaxés, dévoyés (à côté d'eux, les jeunes de La fureur de vivre de Nicholas Ray de 1956 apparaissent comme des anges – le monde a bien changé), dans un village paumé, en
forêt, non loin d'un lac. Des jeunes très durs, au vocabulaire
ordurier, à la violence facile dès qu'ils repèrent la faiblesse de
quelqu'un (ils s'en prennent à des simples d'esprit, violent l'un
d'entre eux qui finit par se suicider). Adam, mal à l'aise dans sa peau – il
se sait homosexuel, mais n'a pas franchi le pas, et se saoule parfois
pour oublier, a suffisamment de charisme pour les encadrer
efficacement. Un sujet fort donc, porté par une belle photo, une
interprétation excellente, et qui s'attaque à un des tabous de la
société polonaise. On reste un peu à côté du problème de la foi
et de la sincérité de la croyance (la vocation d'Adam existe-t-elle
vraiment, et même a-t-il la foi ?) : quand Adam veut se
confesser, il trouve porte close. Cependant, dénoncé à l'évêque (sur des soupçons seulement),
alors qu'il n'a pas encore succombé,
il est muté une nouvelle fois, sans que l'évêque n'approfondisse
justement le problème des prêtres amoureux : trop facile d'évacuer le problème dans la fuite et la mutation.
Adam
fait partie de ces prêtres qui ont besoin d'affection : qui
n'en a pas besoin ? Le célibat imposé est dur. Il combat ses
démons en pratiquant la course à pied ("La
course aussi est une prière",
dit-il au jeune qui s'est confessé de son homosexualité et dont la fragilité l'a ému).
Une des femmes du village s'offrirait bien à lui, mais ce n'est pas
son choix. Il finit par se prendre d'amour pour
Lukasz, un des garçons du foyer, à qui il apprend à nager dans une
belle scène qui ressemble à une sorte de baptême.
Autre référence biblique, Lukasz
(cheveux longs, barbe légère) ressemble à ces images
saint-sulpiciennes qui représentent Jésus et fleurissent partout en
Pologne.
Pourtant, Adam, conscient de sa propre nature, cherche à s'éloigner
de la tentation, tout en étant tout autant conscient des ravages
psychiques et physiques du renoncement.
Dans
un pays comme la Pologne, où la religion catholique a un poids
prépondérant (malgré plus de quarante ans de propagande
anti-religieuse, comme en Russie où, après soixante-dix ans
d'athéisme contraint, les religions fleurissent de nouveau, au grand
et naïf étonnement des Occidentaux), l'homosexualité semble donc
être toujours une malédiction, et son existence niée, en
particulier celle des prêtres.
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