jeudi 4 septembre 2008

8 septembre 2008 : 700 € par mois

Ma chronique de juillet (posséder) m'a valu de recevoir des témoignages extrêmement intéressants, très émouvants, fort longs, que je ne peux publier, car ils sont trop personnels et je n'admets que des commentaires. Mais qui corroborent absolument ce que j'ai écrit. Et sans aller jusqu'à prétendre que l'homme (le mâle principalement) est intrinsèquement mauvais, je crois tout de même que ces témoignages confirment que le désir de possession peut aller jusqu'au crime.
On m'a écrit : Le viol, c'est la négation d'autrui ; c'est la pulsion toute-puissante de l'ego qui l'espace d'un instant se croit "régner sur le monde." C'est un aveu d'impuissance terrible : "la seule manière de me mettre en valeur, c'est de rabaisser l'autre, de le détruire." On retrouve ces mêmes pulsions dans le patron qui martyrise ses employés, dans le policier qui tabasse un sans-papiers, dans l'assistante sociale qui méprise un RMIste. Le viol n'est pas que physique, hélas...Oui, rabaisser l'autre, voilà bien le hic, on voit ce que ça donne en Irak, au Tibet, en Afghanistan, en Géorgie, et sans doute partout ailleurs, partout où l'on veut dominer, posséder l'autre ! Et bien sûr, c'est aussi vrai au travail, à la maison, en famille (ah ! faire peur aux enfants, les menacer pour les faire tenir tranquilles...), à l'école (ah ! ces fameuses notes, et ces professeurs qui - autrefois, j'espère que ça a disparu - humiliaient les élèves en lisant systématiquement la plus mauvaise copie à haute voix, partiellement, voire en entier !)
Heureusement, il existe des humains plus humains que les autres, j'en ai aussi rencontrés ! Mais à vouloir rester dans l'humanité, à ne pas se jeter dans la jungle de la société, à vouloir être soi-même, on se retrouve souvent isolé, écrasé, laminé.
C'est ainsi que mon ami d'adolescence, Alain P., celui qui m'a initié à la lecture et à la littérature, qui m'a entraîné à la fréquentation des bibliothèques, se retrouve, à bientôt 64 ans, nanti d'une retraite de moins de 700 € par mois, et contraint de continuer à travailler ! Et pourtant, il a beaucoup travaillé. Mais il n'a pas toujours été déclaré... Comme par hasard. Dessinateur dans un cabinet d'architectes, après avoir été licencié dans les années 80, il a préféré finir comme technicien de surface, admirable euphémisme pour dire "homme de ménage", plutôt que pointeur au chômage. Certes il n'avait pas achevé ses études d'architecte, mais il est nanti par ailleurs d'une licence de philosophie. Ce qui l'a rendu philosophe, justement. Il dépense peu, et il est, heureusement pour lui, propriétaire de son F2. Comment font tous ceux, qui sont légion et qui n'ont pas davantage, ou même moins, de retraite que lui, et qui doivent, de plus, payer leur loyer ? Ils en sont réduits à fouiller les poubelles et à pointer aux restos du coeur ! Ou à rejoindre, au sein des prisons, ceux que l'administration pénitentiaire nomme les indigents.
Pendant ce temps, les plus riches bénéficient de niches fiscales : quand arrêtera-t-on de voter pour eux ? C'est bien le drame de la démocratie représentative, elle ne représente, en fait, que les classes aisées, et même très aisées, celles qu'on appelait dans le jargon marxiste les classes possédantes. On voudrait nous faire croire qu'elles n'existeraient plus que dans la tête d'Arlette Laguiller ou d'Olivier Besancenot, qu'il n'y aurait plus de classe ouvrière, plus d'exploitation de l'homme par l'homme, mais la réalité a la peau dure, et le dit jargon a encore de beaux jours devant lui, hélas !
Eh oui, quand on possède, on possède tout, la terre, le logement, la bonne cuisine, les beaux vêtements et les belles voitures, la possibilité de circuler librement, la parole et la culture, les meilleurs établissements scolaires et les bons profs, la santé et les soins les meilleurs, et même les rênes de la démocratie. Et en général, on méprise les autres, qui ont pourtant le bon goût de voter pour nous ! Qu'en conclure ? La démocratie est donc impossible, c'est une mascarade.






Et ça rejoint le problème de "posséder" que j'évoquais précédemment. Le pouvoir est la source de la tragédie. Relisons Hamlet, ou Le Cid ou L'avare, pour ne reprendre que trois des grandes pièces classiques qui vont être prochainement jouées à Poitiers, et que j'ai commencé à relire. Car le bon usage des "classiques" veut qu'on connaisse bien les pièces avant de les revoir, comme les opéras. On y verra en filigrane comment en général des pères (exigeant la vengeance dans Hamlet et Le Cid, ou imposant d'absurdes mariages à leurs enfants dans L'avare) exercent un pouvoir néfaste sur les jeunes gens, qui pourraient être idéalistes, mais qui sont contraints d'entrer dans leur jeu.




On finit par regretter de ne pas être resté un enfant. Mais en fait, ne le suis-je pas encore un peu ?

1 commentaire:

Théobrist Phechers (pseudonyme) a dit…

Ah ! Les misères de l'humanité. Les forts dominants les faibles, comme cela se passe selon la plus pure loi de la nature, à tel point qu'on a pu la comparer à un monstre se dévorant lui-même dans une autophagie infernale. L'homme n'y échappe pas et il y ajoute la cruauté.
En tout cas, comme tu l'affirmes au terme de ta chronique, c'est peut-être grâce à notre âme d'enfant, capable de s'émerveiller, que nous ne cédons jamais totalement au cynisme.