jeudi 11 septembre 2008
11 septembre 2008 : qui sommes-nous, V. W. ?
J’ai donc lu La chambre de Jacob, qui semble être le premier roman expérimental de Virginia Woolf. Eh bien, c’est tout bonnement formidable ! Et j’ai bien fait d’attendre, car je suis maintenant en mesure d’apprécier. C’est un livre qui répond aux questions suivantes : qui sommes-nous, et comment nous voit-on ? « Aucun de nous ne voit les autres tels qu’ils sont, et pas plus une cinquantenaire assise en face d’un jeune inconnu, dans le train. Ce qu’on voit, c’est un ensemble – c’est toutes sortes de choses – c’est soi qu’on voit. » Voici ce que nous dit l’auteur à moment donné. La chambre de Jacob ne raconte pas d’histoire, mais est une sorte de kaléidoscope impressionniste sur un personnage, Jacob Flanders : que peut-on savoir de quelqu’un d’autre ? Jacob est donc vu au travers de quelques épisodes de sa vie, non directement reliés entre eux, et on apprend à le connaître par le point de vue d’autres personnages qui l’entourent, sa maman, ses amis notamment d’université, sa logeuse, « ses » femmes… Jacob se heurte au monde : « N’importe comment, que l’on soit étudiant de première année ou garçon de magasin, homme ou femme, vers l’âge de vingt ans, on subit, comme un choc – et c’est inévitable – la révélation du monde des hommes faits, du monde qui se dresse, avec des contours si sombres, contre ce que nous sommes, contre la réalité… » (et voilà aussi une phrase qui me touche particulièrement, cette espèce de chute dans le néant que représente l’entrée dans le monde des adultes, des « hommes faits », auquel je n’ai jamais pu me faire, précisément).
Plus loin, « Et puis, considérez l’influence du sexe – voyez comme, entre homme et femme, il oscille, tremblant, hésitant, si bien qu’on découvre ici une vallée, ici un pic, alors qu’en vérité, peut-être, tout est plat comme la main ». Là aussi, je me retrouve pleinement. Virginia, tu me touches en plein cœur ! Ou encore le problème du langage et de conversations : on sait à quel point la vie peut être écrasée sous le poids des conventions langagières et du non-dit ! « Les mots justes eux-mêmes ont l’accent mal placé », nous rappelle l’auteur. En fin de compte, nous ne savons pas grand’chose de Jacob, qui disparaît dans la Première guerre mondiale, comme soldat. Mais que savons-nous des autres : « Chacun avait assez de penser à ses propres affaires. Chacun contenait son passé enfermé en lui, tel un livre connu par cœur. » Et aussi que pouvons-nous espérer des autres : « En même temps, elle se demandait : – Mais qu’est-ce que j’attends de lui ? peut-être quelque chose que je n’ai jamais eu ? » s’interroge une des amoureuses de Jacob. On ressort de ce livre, pour peu que l’on accepte l’absence d’histoire linéaire, subjugué, envoûté. Attention, un livre à lire lentement, à déguster (j’ai mis une dizaine de jours, et il n’est pourtant pas bien long, alors que lisais en parallèle quatre ou cinq autres livres) pour faire – peut-être – « la découverte accablante de l’éternité. »
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