C’est pour ça que la mer me fait du bien et que j’adore partir naviguer, environ deux mois et demi tous les étés, généralement dans le nord de la planète. Tous les ans, vers le 25 juin, je change le message sur le répondeur de mon téléphone portable et je dis : soyez patients, je reviens le 10 septembre. Puis je laisse le téléphone dans un tiroir chez moi et je m’en vais.
(Isabelle Autissier, Télérama, n° 3777, 4 au 10 juin 2022)
Ça me fait du bien de lire les phrases ci-dessus ! Enfin quelqu’un qui n’a pas envie d’être embêtée, parasitée par son téléphone pendant les vacances ! Je croyais être seul à apprécier ça (mes voyages en cargo ont été enchanteurs grâce à l’absence de téléphone : imaginez qu’en 2015 j’ai été coupé du monde pendant 91 jours, quel bonheur !), ouf je ne suis pas le seul au monde à pouvoir me passer de cet engin redoutable. En lisant ces quelques lignes dans le Télérama de cette semaine, j’ai ressenti le même soulagement qu’en 1964, quand j’étais moniteur en colonie de vacances : pour la première fois de ma vie, à 18 ans, j’ai rencontré quelqu'un qui, comme moi, n’aimait pas le beurre ; c'était un des petits colons de mon groupe d'enfants. Ouf, je n’étais pas anormal, ou, plutôt d’autres étaient aussi anormaux que moi ! Depuis, j’exècre la norme : nous sommes tous différents, sur un point ou sur un autre, et c’est tant mieux ! Allez, qualifiez-moi de bizarre, mais chacun ne l’est-il pas, peu ou prou ?
Revenons au téléphone portable, et plus précisément à sa variété actuelle, le smartphone. Le n° de mai de L’âge de faire (un de mes abonnements, avec La décroissance, Siné mensuel, Fakir et CQFD, périodiques tous critiques de la société contemporaine) titrait en couverture BALANCE TON SMARTPHONE et y consacre plusieurs articles : entre autres Une civilisation de toxicos, Une civilisation de cyborgs ?, Tester son addiction, Un désastre écologique et humain, Le prix humain de nos folies, Le smartphone : laisse rétractable et 10 bonnes raisons d’abandonner le smartphone…
Ces dernières rausons sont les suivantes :
* la fabrication de nos joujoux divins nécessite de nombreux éléments, dont des métaux rares.
* c’est terriblement addictif : toujours à portée de mains, on dit que leurs propriétaires les "touchent en moyenne 221 fois par jour".
* c’est extrêmement coûteux d’autant plus qu’on les "renouvelle en moyenne tous les 23 mois".
* ça facilite le contrôle social : il paraît même que l’Europe (et après, on s’étonne que de plus en plus de gens deviennent anti-européens !) veut nous imposer une "identité numérique".
* la production en masse de ces engins se fait de manière inhumaine : au Congo, les ouvriers des mines de métaux rares (et parmi eux des enfants) sont de véritables esclaves ; en Chine, les assembleurs travaillent 12 h par jour sans relâche (les usines ont dû installer sous leurs fenêtres des filets "pour faire face à une épidémie de suicides", tant la tâche est esclavagiste et dure).
* Le smartphone est un véritable Big brother (cf 1984, le roman d’Orwell) qui connaît tout de nous : c’est l’instauration d’une société de surveillance sans précédent, et que pourtant chacun accepte. De plus, le regard est sans cesse entrecoupé de coups d’œil à l’ordiphone suscités par les notifications incessantes.
* L’enfant, soumis à ces machines dès le plus jeune âge (parfois bébé), ne sait plus fixer son attention, observer les visages, a du mal à apprendre à parler, d’autant plus si les parents (mère et/ou père) sont absorbés par cet outil-doudou.
* La fabrication du smartphone est coûteuse en énergie et son utilisation aussi : on recharge la batterie au moins une fois par jour.
* Les antennes-relais entraînent une pollution aux ondes électro-magnétiques. Nos yeux pâtissent aussi de l’exposition à ces petits écrans rétro-éclairés. On fait moins d’exercice physique.
* Il devient impossible "de se concentrer durablement sur une tâche". Et les enfants et les jeunes sont les premières victimes de cette faible durée d’attention.
Osons une question : "cet ustensile connecté de très haute technologie nous rend-il plus heureux ?" Je constate que les gens penchés sur leur machine (dans les trains, transports en commun, rues) sont dans une bulle, ne communiquent avec personne, car avec le smartphone ont débarqué les écouteurs, et que ce n’est pas la peine de leur poser une question. Il faut qu’on leur tape sur l’épaule pour qu’ils s’aperçoivent qu’on veut leur parler !
Là encore, je fais partie des irréductibles moutons noirs qui n’aiment pas cet engin, et tant pis pour moi : le jour où ce sera obligatoire d’en avoir un, je refuserai et je serai définitivement catalogué conne "anormal", ce qui me va bien, finalement.
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