Andromaque : Les grands malheurs ont l’avantage / De vous libérer de la crainte (scène 7)
(Sénèque, Les Troyennes, trad. Florence Dupont, Actes sud, 2018)
Claire est morte ce jour, il y a treize ans ; pourtant elle est bien vivante dans mon esprit, au même titre que Mamie, ma grand-mère maternelle qui fut l’autre grande femme de ma vie. Peu de jours où je ne pense pas à elles. Je peux dire que Mamie m’a appris à vivre, et que Claire m’a appris à faire face à la maladie, à ne plus en avoir peur et surtout à ne pas craindre la mort. Toutes deux m’ont appris à ne pas redouter le vieillissement, c’est énorme, tant je vois autour de moi des personnes qui en ont peur, qui vivent dans l’inquiétude, voire la terreur du grand âge.
Me voici en marche vers cet âge-là, et je continue à voyager, le plus souvent pour voir ma famille et les nombreux amis que je me suis faits dans ma longue carrière professionnelle et aussi pendant certains de mes loisirs associatifs. J’ai l’impression qu’ils sont plutôt contents de me revoir, et je n’ai pas l’intention des les abandonner ! J’ai la chance aussi d’être libre de me déplacer, bien que n’ayant plus de voiture, la chance aussi d’avoir une santé relativement bonne, que ma longue pratique de l’exercice physique (randonnées à pied ou à vélo) a contribué à maintenir.
Et je peux faire comme Léone, la vieille dame de Montmorillon, qui parlait à son défunt mari. Moi aussi, je peux dire à Claire : "Tu vois, tu m’avais conseillé d’aller vivre en appartement, je l’ai fait, tu m’avais supplié d’aider les autres dans la mesure de mes moyens comme on le faisait ensemble, je l’ai fait, tu m’avais dit de ne pas abandonner mes vieux amis et de les choyer, je continue à le faire également, bref, tu continues à partager ma vie et à veiller sur moi et je t’en remercie !"
Voici donc ce petit poème où je fais le bilan de ma vie : enfance (strophe n°1), adolescence (strophe n°2), âge adulte (strophe n°3), vieillesse (strophe n°4), deuil (strophe n°5), survivance (strophe n°6).
J’ai rencontré
un jour j’ai rencontré la tristesse qui se promenait le long du chemin
et m’a accompagné loin, très loin
j’ai cru qu’elle ne voudrait jamais me lâcher
le lendemain j’ai rencontré la joie le long du même chemin
elle m’a inondé le cœur et l’âme
et je me suis mis à chanter à tue-tête
un autre jour j’ai rencontré le bonheur qui m’a pris par la main
je n’en croyais ni mes yeux ni mes oreilles
pourtant je me suis mis à aimer
plus tard j’ai rencontré la maladie qui m’a enserré dans ses bras
j’ai dû me battre et me débattre
pour tenter d’adoucir mes larmes
et puis j’ai rencontré la mort qui m’a dérobé mon amour
elle a fauché fauché fauché
et sa moisson m’a laissé seul
mais pas si seul que ça, car ton amour m’a appris à lutter
à ne plus avoir peur de vivre
et j'ai appris à rencontrer les autres
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