mardi 21 juin 2022

21 juin 2022 : la guerre 3, les poèmes du mois

 

La barbarie contemporaine détruisait ce que des siècles d’histoire humaine avaient soigneusement préservé.

(Yasmine Chami, Dans sa chair, Actes sud, 2021)


À vrai dire, la guerre aura toujours été une grande inspiratrice de poésie, notamment de la poésie épique : L’Iliade, Le Mahâbhârata, La Chanson de Roland, pour ne citer que quelques titres… Quelques poètes ont aussi dans de courts poèmes exprimé l’horreur de la guerre, ainsi Rimbaud, ou l’honneur du soldat, ainsi Victor Hugo. Je vous propose donc ce mois-ci deux poèmes très connus, au moment où le capitalisme international nous annonce que la nouvelle guerre – pour l’instant encore localisée – pourrait se propager et durer.

Allez, poètes, écrivez-nous votre émotion, avec simplicité, sans forfanterie, sur ce que la télé nous montre à outrance !


Arthur Rimbaud, Le dormeur du val

                                                                                Vu par GregM

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

                    (Poésies)


Victor Hugo, Mon père, ce héros


Mon père, ce héros au sourire si doux,

Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous

Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,

Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,

Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.

Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit.

C’était un Espagnol de l’armée en déroute

Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,

Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié.

Et qui disait:  » À boire ! à boire par pitié !  »

Mon père, ému, tendit à son housard fidèle

Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,

Et dit: « Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé.  »

Tout à coup, au moment où le housard baissé

Se penchait vers lui, l’homme, une espèce de maure,

Saisit un pistolet qu’il étreignait encore,

Et vise au front mon père en criant: « Caramba !  »

Le coup passa si près que le chapeau tomba

Et que le cheval fit un écart en arrière.

« Donne-lui tout de même à boire », dit mon père. 

                 (La légende des siècles



 

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