la
« flânerie », sorte de protestation contre un rythme de
vie uniquement orienté vers la production.
(Michel
Maffesoli, Du
nomadisme : vagabondages initiatiques,
La Table ronde, 2006)
un des calligrammes fait par Carolina et que j'ai reçu
Pendant tout ce périple cycliste, je
me suis souvenu de mes pérégrinations dans le Gers de 1973 à 1981. D’abord parce que j’en ai sillonné à vélo presque toutes les routes. Et aussi parce que je faisais des tournées de
bibliobus (au début, j'en faisais deux par semaine, puis quand il y a eu la
nomination d’une seconde sous-bibliothécaire, je suis passé à une seule, mais je
n’ai jamais dérogé à ce travail de tournée), voulant voir les résultats de ce
que nous faisions. Une fois, dans un petit village,
une vieille dame responsable de notre dépôt de livres (à l’âge
que j’avais, toute personne de plus de 60 ans était vieille, il
faut m’en excuser, on n’était pas encore entré dans le
"jeunisme" triomphant d’aujourd’hui) me dit, après que
je lui aie affirmé mon admiration pour son lieu d’habitation, un
véritable paradis : « Écoutez, Monsieur, il n’y a pas
de paradis sur terre. À force d’habiter ici, on ne voit plus le
paysage. L’été, on est envahi par les grosses mouches, les
moustiques, et on doit garder les volets fermés, à cause de la
chaleur ; l’hiver, il faut se calfeutrer, à cause du froid ;
l’automne, il pleut ; reste le printemps... Ah, le printemps, voilà
qui me rappelle mon enfance et ma jeunesse. Si vous cherchez le
paradis, il est là, dans le souvenir du jeune temps. »
le lac dans la brume au petit matin
Tout
ça pour montrer que si, autour du lac Léman, les paysages sont
parfois sublimes : une échancrure dans un promontoire nous
montre le lac au matin qui se dégage peu à peu de ses brumes, les
vignes romandes en terrasse, les églises, les châteaux, les
abbayes, les maisons cossues (mais souvent derrière de hauts murs,
je pensais à Marguerite Duras écrivant dans Le monde extérieur :
outside 2 (POL, 1993) :
"Devant les pancartes « chemin
privé » de la campagne, un ami à moi disait toujours :
« Eh bien, cher ami, vous l'aurez voulu, ne venez pas vous
plaindre, vous serez privé de moi ».")
Mais justement, trop , c’est
trop.
en bordure du lac (à Montreux)
Ça
transpire la richesse un peu partout, surtout sur la Riviera de
Vevey-Montreux ou, côté savoyard, d’Évian-Thonon,
j’entendais quelques commentaires : « Ça donne le
frisson, on n’a pas envie de vivre ici ! ». Je pensais de même,
mais juché sur mon vélo, je préférais regarder au loin et garder
mon souffle pour la route. J’ai
très peu parlé en pédalant ! On
se demandait où étaient les vraies gens, on voyait bien de ci-de là
(à Genève et Lausanne surtout), des barres d’immeubles de style
HLM, on voyait bien dans les AJ que le personnel de service était
immigré – et que, d’ailleurs, il y a, en Suisse, une vraie
politique de l’immigration, à quoi participent d’ailleurs les
bibliothèques (accueil des migrants, cours de langues, méthodes de
français langue étrangère, etc) – on imaginait bien que sous le
vernis paradisiaque des
châteaux et manoirs, des hôtels particuliers, des villas cossues et des
grosses bagnoles,
il y a tout de même des craquelures, parce que, comme écrivait
déjà
Montaigne au
XVIe siècle : "Le
dérèglement et l'exagération de nos appétits dépassent toutes
les inventions par lesquelles nous essayons de les assouvir"
(Apologie
de Raymond Sebond).
pont-passerelle sur le Rhône (en route vers Saint-Maurice)
Cependant,
l’accueil dans les bibliothèques, de même que celui que j’ai
reçu dans la famille de warmshowers1
le samedi de mon arrivée a eu de quoi me réjouir grandement.
Finalement, cette tradition d’accueil qui remonte à la nuit des
temps (pensons aux Bédouins que Thesiger a magnifiés dans Le
désert des déserts ou
à Mathieu l'évangéliste, 25,35 : "Car
j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif,
et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous
m’avez accueilli").
Et,
finalement, c’est ce qui m’a donné envie de retourner là-bas
refaire le même voyage, mais à mon allure, sans chronomêtre, pour
parler davantage aux gens, m’arrêter à Clarens par exemple, dont
le nom m’a évoqué le roman de Rousseau, Julie
ou la nouvelle Héloïse,
que j’ai envie de relire, et viens d’enregistrer sur ma liseuse.
M’arrêter à Coppet et lire Mme de Staël et Benjamin Constant,
revenir dans le Valais et relire Ramuz. Un voyage qui donne envie de
lire, avec ou sans nouvelles technologies, tout de même, ça vaut le coup, non ! Sans compter l'espoir de revoir ici ou là certains/es des membres du peloton !!!
autre calligramme, celui d'Anna
1 Site
de rencontre et d’hébergement pour cyclistes auquel je suis
également affilié : c’est la première fois que j’y
allais en tant qu’invité et non pas en tant qu’hôte !
Expérience vraiment réussie. Famille formidable, les parents m’ont
même emmené voir pas loin de chez eux (mais à vélo quand même)
une pièce de théâtre en plein air.
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