Le
temps guérit du deuil, dit-on.
(Jean-Bertrand
Pontalis, Frère
du précédent,
Gallimard, 2006)
Je
parlais hier des robots qui prennent une place de plus en plus
importante dans nos vies. Ce matin encore, à la radio, on nous
parlait de la nouvelle (?) invention, les robots sexuels !
Jusqu’où va-t-on aller dans la gadgetomanie, dans la technolâtrie,
dans ce culte du nouveau à tout prix, car chaque invention nécessite
une mise à jour, et le smartphone est à peine acheté, on a à peine eu le temps de se familiariser avec, qu’il faut
déjà le remplacer par sa nouvelle formule... Dans une émission de
radio, on a entendu François Bon (qui fut un écrivain estimable
avant de succomber aux sirènes d’un certain progressisme idolâtre de la nouveauté)
annoncer qu’il changeait de liseuse (e-book, reader) chaque année,
car chaque nouvelle version ajoute des éléments nouveaux... Il est
victime de la "séduction
du consommateur pour un produit dont il n’a, a priori, absolument
aucune utilité", mais dont, une fois possédé, on ne peut plus
s’en passer et dont
on
se demande "comment
on a réussi à vivre aussi longtemps sans en être équipé"
(lire à ce sujet le livre excellent de Cédric Biagini, L’emprise
numérique,
éd. L’échappée, 2012, en place, je l'espère, dans toutes les bonnes
bibliothèques et librairies). Personnellement, ma liseuse date de 2012, elle marche encore, je n'en suis pas esclave, je ne l'utilise que lors de déplacements lointains (bus, train, avion, cargo) et reste fidèle au livre papier chez moi. Hou, le vilain dinosaure !
Tout
ça pour dire que les robots et les automates (la galère que c'est maintenant quand on veut envoyer un colis à la poste !) ne remplaceront pas le contact humain,
notamment pour les malades, les handicapés, les vieillards
(peut-être les plus cruellement frappés par une société qui dénie
tout ce qui n’est pas jeune ou nouveau), les migrants, et aussi les
enfants, autres victimes de notre société. J’observe avec beaucoup d’intérêt la manière dont les
parents esquivent leur métier de parent en laissant leurs tout
jeunes enfants se débrouiller tout seuls chez eux devant une multitude
d’écrans, aussi bien qu'à l'extérieur, quand ils les emmènent au parc en bas de
chez moi. Jouent-ils avec eux ? Que nenni ! Leur
parlent-ils, leur racontent-ils des histoires, leur chantent-ils des
chansons ? Que nenni ! Ils sont trop occupés avec leur
main, elle même remplie par leur petite machine, et ils ne lèvent
que de temps en temps un œil sur leur progéniture, le plus souvent,
parce qu’elle se met à hurler, parce qu’un plus grand l’a
bousculée ou qu’elle est tombée du toboggan... Drôle d’éducation
et que de dégâts en perspective pour le futur !
Je
viens de voir l’excellent film catalan Été
93,
dont l’héroïne, Frida, est une petite fille de six
ans, qui vient de perdre ses parents et qui est confiée à son oncle
Esteve et sa tante Marga, qui ont eux-mêmes une petite fille de
trois ans, Anna, et vivent à la campagne. Pour la petite citadine de
Barcelone, le choc est brutal : d’abord, parce que pour ne pas
la heurter, on lui a caché la maladie et la mort de ses parents,
puis parce qu’il faut s’adapter à un mode de vie nouveau, se
reconstruire avec son oncle qui devient son nouveau père, sa tante
qui devient sa nouvelle maman et Anna comme une petite sœur. La
réalisatrice Carla Simon, qui s’inspire de sa propre histoire,
procède subtilement, avec lenteur, par petites touches : c’est un film sur
l’apprivoisement, avec ses avancées, ses reculs, ses
moments de joie et de colère, ses moments de contact physique et de
tendresse. Elle en a eu de la chance, Frida (ou Carla) de pouvoir
être adoptée aussi bien que d’adopter tout ce petit monde qui
l’entoure, jusqu’aux gens du village, pourtant un peu méfiants.
Tout
ça se passe en 1993, et les fillettes préfèrent monter aux arbres,
jouer dehors, explorer la forêt, et le soir, quand la nuit leur fait
peur, rejoindre les parents dans leur chambre, plutôt que de
regarder le poste de télévision qui semble le seul objet des
technologies nouvelles à avoir atteint ce monde qui nous paraît si
ancien. Heureux temps où l’on s’occupait des enfants ! Si
loin de notre monde numérisé...
Un robot aurait-il pu remplacer l'oncle et la tante ?
Un robot aurait-il pu remplacer l'oncle et la tante ?
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